Les deux côtés du débat sur la vente d’assurance

Par Allan Janssen | 21 mai 2024 | Dernière mise à jour le 21 mai 2024
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Un homme face à deux chemins. Le premier menant vers un ciel orageux, l'autre vers un ciel découvert.
mikkelwilliam / iStock

Lorsque Sam Lichtman a examiné les conditions de la police d’assurance-vie universelle d’un nouveau client — que ce dernier avait souscrite des années auparavant auprès d’un ami de la famille — il a été choqué.

Sam Lichtman, planificateur financier et fondateur de Millen Wealth Advisors à London, en Ontario, assure que la police enfreignait les règles du bon sens à tous les niveaux. Le renouvellement annuel de la police signifiait que les primes augmenteraient chaque année ; la police était établie sous la mauvaise société (la société d’exploitation du client, et non sa société de portefeuille) ; et il n’y avait aucune anticipation du désir du client de réduire le risque de ses investissements à l’approche de la retraite.

Pire encore, la partie investissement de la police était basée sur un rendement de 8 % du marché boursier. Pour couvrir les frais de gestion, il aurait fallu gagner 10,8 % chaque année jusqu’à ce que le client atteigne les 90 ans. Sam Lichtman et son équipe ont procédé à une analyse de la volatilité et ont constaté que la police était susceptible de devenir caduque dans les huit années suivant le départ à la retraite du client.

« Même si j’aimerais vivre dans un monde où les ventes ultra-agressives n’existent plus dans le domaine de l’assurance, déclare Sam Lichtman, je n’en ai pas encore vu la preuve ».

Comme de nombreux conseillers en services financiers, Sam Lichtman préférerait que l’on s’oriente davantage vers un conseil holistique qui mette l’accent sur l’ensemble des besoins du client, et pas seulement sur l’assurance-vie, et qui soit fondé sur la raison plutôt que sur la peur.

« [Le conseil] doit s’appuyer sur des preuves, ce qui signifie que nous examinons les résultats et déterminons quelle stratégie a la plus grande probabilité de succès, sur la base de chiffres et de projections réalistes », résume-t-il.

Meagan Balaneski, planificatrice financière chez Cup of T Financial Planning à Vermilion, en Alberta, estime que la vente fondée sur la peur, dans laquelle un conseiller décrit — souvent en termes apocalyptiques — ce qui se passera si un client n’achète pas quelque chose, n’est tout simplement pas dans l’intérêt du client.

Meagan Balaneski et Sam Lichtman estiment tous deux que la structure de rémunération est à l’origine du problème. Les conseillers sont trop incités à agir de manière intéressée plutôt que dans l’intérêt du client.

« Plus la valeur nominale du contrat est élevée, plus l’agent est rémunéré. C’est un décalage complet [et] un conflit total », prévient Meagan Balaneski.

Bien sûr, tous les agents d’assurance spécialisés n’utilisent pas des tactiques de vente à pression, mais il en existe. Et, si certains conseillers soutiennent l’approche holistique de l’intégration de l’assurance dans un plan financier, d’autres acteurs du secteur insistent sur le fait que seul un spécialiste de l’assurance peut conseiller correctement un client sur le produit le plus approprié.

Le terme « holistique » ne plaît pas à Jim Ruta, président du groupe Advisorcraft Media, à Burlington, en Ontario. Il considère qu’il s’agit d’une appellation erronée lorsqu’elle est appliquée à la planification financière. Selon lui, au lieu de répondre à l’ensemble des besoins d’un client, les planificateurs holistiques semblent privilégier les investissements et relèguent l’assurance à la quatrième ou cinquième place sur la liste des services de planification financière.

« Le terme “holistique” devrait être synonyme de sécurité financière essentielle, affirme Jim Ruta. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Nous nous contentons d’impliquer [les clients] dans les investissements. L’assurance-vie est reléguée à un rôle de gestion des risques. »

L’image des conseillers en assurance-vie comme étant agressifs et insensibles peut s’avérer courante, commente Jim Ruta, mais elle est généralement inexacte.

« Les tactiques de vente sous pression ne sont pas professionnelles et ne doivent pas être encouragées ou recommandées », souligne Jim Ruta. Il existe de nombreux vendeurs d’assurance éthiques et compétents qui connaissent leurs produits et les vendent correctement.

Il ajoute que les conseillers ne devraient pas aspirer à tout faire pour tout le monde. « Nous avons essayé, dans le cadre de la planification holistique, de tout faire. Et ce n’est tout simplement pas possible. »

Jim Ruta estime que les planificateurs holistiques n’ont pas l’expertise nécessaire pour maîtriser la complexité des polices d’assurance spécialisées. « Comment pouvez-vous être bon si vous vendez trois ou quatre polices d’assurance par an ? »

Mark Halpern, planificateur financier et PDG de WEALTHinsurance.com, à Toronto, estime qu’un suivi efficace des clients nécessite de plus en plus une approche d’équipe et que les conseillers ne doivent pas se disperser.

« Une fois que vous commencez à diversifier vos offres, vous perdez de plus en plus de valeur, assure Mark Halpern. Il faut davantage de collaboration dans ce monde. Les gens ont besoin d’un comptable, d’un avocat, d’un spécialiste de l’investissement et d’un spécialiste de l’assurance. Et tous ces gens doivent parler ensemble ».

Mark Halpern souhaiterait que le mentorat soit davantage utilisé comme lien entre les générations de professionnels de la finance qui ont des approches différentes de l’accompagnement des clients.

Il faut qu’il y ait un partage entre la « vieille école » et la « nouvelle école », avance-t-il.

Melissa Harrell, directrice de McRae Wealth Management à Winnipeg, estime que les jeunes conseillers, qui se concentrent sur les compétences techniques, n’ont souvent pas les compétences de vente « fantastiques » des conseillers plus âgés. Parfois, dit-elle, on se demande si l’on n’aurait pas pu faire plus pour souligner la nécessité de l’assurance.

« Si je pouvais m’asseoir dans une pièce et écouter un groupe d’agents d’assurance-vie seniors parler du métier qu’ils pratiquent depuis 40 ou 50 ans, j’écrirais un million d’anecdotes avec ce qu’ils auraient à raconter », déclare-t-elle.

Selon Mark Halpern, le secteur s’éloigne de la vente forcée, mais l’assurance reste un produit complexe qui nécessite un haut niveau d’expertise.

« Le monde en a fini avec les agents qui se contentent de vendre un produit ou un concept, avertit Mark Halpern. Nous devons devenir des spécialistes de la résolution de problèmes. »

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Allan Janssen