Apprendre au contact des experts : De bonnes relations entre mentors et mentorés sont mutuellement bénéfiques

6 novembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Pour citer George Bernard Shaw, « Celui qui peut, agit. Celui qui ne peut pas, enseigne. » Le mentorat fait toutefois exception, car il recouvre à la fois l’action, c’est-à-dire la gestion compétente d’une entreprise, et l’enseignement, c’est-à-dire la transmission de connaissances pour aider un autre à réussir.

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En se fondant sur leur vaste expérience, les mentors fournissent aux mentorés les conseils qui les aident à faire des choix éclairés. Mais l’imitation n’est pas le but de l’exercice. « Chaque personnalité est unique. Il faut laisser le mentoré progresser à sa façon », souligne Diane Dupuis, présidente de Dupuis Langen Financial Management à Vancouver. « La personne qui m’a observée dans l’accomplissement d’une tâche va toujours la faire un peu différemment. »

Votre mentor idÉal existe. Il suffit de le trouver.

Il y a 10 ans, Despina Williams se trouvait à un croisement dans sa carrière. Elle travaillait dans l’assurance vie individuelle, mais voulait se lancer dans l’assurance collective. Consciente de l’aide dont elle avait besoin pour son développement professionnel, elle s’est mise en quête d’un mentor. Diane Dupuis était en tête de sa liste. Mme Williams la connaissait depuis 25 ans puisqu’elles avaient travaillé ensemble dans la même compagnie d’assurance. Mais ce qui était encore plus important : Mme Dupuis avait une réputation hors pair.

En 2004, Mme Williams est entrée dans l’entreprise de Mme Dupuis comme administratrice en régimes collectifs. À la suggestion de cette dernière, elle est ensuite passée au secteur de la vente d’assurance collective. Dans ce secteur où elle collaborait étroitement avec Mme Dupuis, Mme Williams a appris comment gérer les relations avec les clients, comment écouter ces derniers et comment répondre à leurs besoins. « J’ai compris ce que je devais faire et ce que je ne devais pas faire, dit-elle. Par les contacts que vous avez avec votre mentor, vous découvrez comment il est arrivé à se constituer une clientèle et comment vous pouvez le faire vous-même, en suivant les mêmes méthodes. »

Mme Dupuis a expliqué à Mme Williams que rien n’est facile et qu’il y a un processus pour tout. Cela a été son conseil le plus précieux. Mme Williams a aussi appris à établir une stratégie hebdomadaire et à gérer son temps de façon optimale. Aujourd’hui, toutes deux gèrent ensemble un important portefeuille de 250 clients du secteur public et du secteur privé, qui représente des primes annuelles de plus de 25 millions de dollars. Elles espèrent porter ce chiffre à 50 millions de dollars d’ici quelques années.

Pour Mme Dupuis, tous les chefs d’entreprise sont un jour ou l’autre amenés à faire du mentorat. « Monter une entreprise oblige à s’entourer de gens capables et à les aider dans leur carrière, précise-t-elle. C’est aussi savoir que l’on pourra compter, pendant sa retraite, sur ce que l’on a bâti. »

Vous pouvez trouver un mentor parmi d’anciens collègues, comme l’a fait Mme Williams. Vous pouvez aussi communiquer avec des associations du secteur ou demander à vos amis et collègues s’ils pensent à quelqu’un que ce genre de relations pourrait intéresser. « L’idée, c’est de faire connaître vos objectifs, de trouver des personnes appropriées et de les contacter pour voir si votre proposition pourrait leur plaire », explique Eileen Chadnick, directrice de Big Cheese Coaching à Toronto. Vous pouvez aussi vous adresser directement à des gens que vous admirez.

Mme Williams recommande de déterminer à l’avance ce que l’on attend d’un mentor et de dresser une liste de ses qualités indispensables. Pour sa part, elle voulait une personne qui avait une entreprise en pleine croissance et qui attachait une grande importance au service à la clientèle. « Je recherchais quelqu’un ayant des principes éthiques et moraux identiques aux miens, explique-t-elle. Je n’aurais pas pu travailler dans une entreprise où la même attention n’est pas accordée à tous les clients, quelle que soit leur taille. » Toujours aucune idée? Pensez aux collaborateurs de revues professionnelles ou aux animateurs de conférences et séminaires auxquels vous avez assisté. Avez-vous la même philosophie ou la même façon de travailler?

Après avoir trouvé un mentor potentiel, voyez si vous avez des personnalités compatibles. Mme Williams et Mme Dupuis sont toutes deux sûres d’elles-mêmes et franches, et n’ont pas peur de soulever des questions litigieuses. « Nous pouvons être directes, sans pour autant nous froisser. Nous disons simplement ce que nous pensons de la situation et comment nous comptons la régler », illustre-t-elle.

Trouver la bonne personne peut prendre du temps, et un bon mentor vaut son pesant d’or. « Diane Dupuis a véritablement changé ma vie », confie Mme Williams.

Le mentorat prend de nombreuses formes. John Nicola, fondateur de Nicola Wealth Management à Vancouver, préfère improviser et discuter avec les conseillers et chefs d’entreprise potentiels de leurs idées et de leur modèle d’entreprise autour d’un café. Il se fait un plaisir de donner son avis. « Quand quelqu’un essaie de monter une entreprise comme la nôtre, je suis toujours heureux de parler de notre expérience et d’expliquer notre mode de gestion », déclare-t-il. Beaucoup de gens lui demandent s’il voudrait bien leur servir de mentor, mais il avoue qu’à ce stade de sa carrière, il aurait du mal à trouver le temps nécessaire.

« Demandez ce dont vous avez besoin et précisez vos objectifs. Un mentor ne peut vous aider que s’il sait exactement ce que vous voulez. »

M. Nicola souligne aussi l’importance de l’encadrement, qui connaît de plus en plus de succès. L’encadrement a pour but d’amener le mentoré à puiser dans ses talents cachés pour trouver des solutions qui lui sont propres. « Le mentorat consiste à transmettre ses connaissances et son expérience; l’encadrement encourage la contribution du mentoré », explique Eileen Chadnick, directrice de Big Cheese Coaching à Toronto. « Au lieu d’expliquer au mentoré ce qu’il doit faire et comment le faire, on sollicite ses idées. Le mentoré doit recourir à ses propres ressources. Il peut ne pas connaître la réponse, mais il est invité à s’en sortir tout seul. »

D’autres, comme Diane Dupuis ou encore Greg Pallone, de TRG Group Benefits, préfèrent se consacrer au mentorat de leur propre personnel. Il s’agit selon eux d’un investissement dans la formation de la prochaine génération de leaders. « Je participe ainsi à l’édification d’une entreprise sur laquelle je pourrai compter pendant ma retraite, explique Mme Dupuis. Même si je ne songe pas à arrêter de travailler pour le moment, j’ai la satisfaction de savoir que mon entreprise pourra continuer sans moi. »

L’entreprise de M. Pallone, à Vancouver, comptait seulement cinq conseillers à ses débuts, en 1997. Aujourd’hui, elle regroupe 14 conseillers en régimes de retraite et avantages sociaux, qui ont tous bénéficié du même mentorat interne. La démarche est la suivante : avant d’être embauchés, les candidats rencontrent un psychologue organisationnel qui juge s’ils pourront bien s’intégrer à la culture de l’entreprise. Chacun à TRG doit accepter l’idée d’avoir des relations interdépendantes avec les autres, tout en se constituant une clientèle. « Nous recherchons des gens qui ont l’esprit d’entreprise, qui veulent devenir autonomes sous notre aile et qui acceptent de prendre ce risque, explique M. Pallone, directeur général de TRG. Tout le monde ne souhaite pas ce degré d’indépendance. »

Les candidats qui ont réussi les tests et qui sont approuvés par le conseil de TRG bénéficient du mentorat de l’un des associés principaux. Le mentor et le mentoré sont jumelés en fonction de leur personnalité et des objectifs de TRG. Le mentor ne se contente pas de collaborer étroitement avec le mentoré; il l’appuie aussi financièrement. Il paie son salaire et prend en charge ses frais pendant quelques années. Tout le monde y gagne. Le mentoré fait sa place sur le marché de l’assurance collective sans avoir à se soucier de gagner de l’argent dès le départ. De son côté, le mentor ne retire peut-être pas d’avantages financiers de cette collaboration, mais il contribue à la continuité de l’entreprise.

« Notre philosophie est d’assurer l’avenir de TRG, explique M. Pallone. Les mentors donnent l’exemple. D’après nous, la meilleure façon d’apprendre est de travailler avec quelqu’un qui a réussi ». Au bout de quelques années, le mentoré devient associé et peut, à son tour, former les autres. M. Pallone, fait remarquer que, depuis l’adoption de cette formule de mentorat, l’entreprise n’a pas perdu un seul associé.

Établir des liens

C’est un grand atout d’avoir un mentor au travail. Mais comment maintenir de bonnes relations avec un mentor qui est au service d’une autre entreprise? Beaucoup pensent que le plus difficile est de trouver un mentor. En réalité, c’est l’établissement de bonnes relations qui prend le plus de temps. Il arrive que les relations entre mentor et mentoré se rompent après quelques rencontres.

Pour Despina Williams, qui a longtemps été mentorée par Diane Dupuis, soit le mentor perd tout intérêt, soit le mentoré se montre trop passif vis-à-vis du mentor. Cette dernière raison serait la plus probable, d’après elle. Bien des mentorés craignent en effet de s’imposer.

« C’est au mentoré de solliciter le mentor et de se montrer persistant, explique Mme Williams, maintenant vice-présidente de la division des avantages sociaux chez Dupuis Langen. On ne peut tout simplement pas téléphoner à une personne très performante pour solliciter son mentorat et s’attendre à ce qu’elle accepte. » Il est préférable de lui présenter les choses sous un autre angle : « Il est important pour moi, dans ma carrière, d’avoir quelqu’un qui puisse me donner son opinion et me guider. »

Mme Chadnick estime que les mentorés doivent formuler leurs objectifs dès le départ et accepter certains paramètres. « Vous avez peut-être une bonne idée de ce que vous recherchez dans un mentor, mais le mentor peut avoir une idée différente de ce qu’il est prêt à apporter, explique-t-elle. Si les deux points de vue ne concordent pas, la relation est vouée à l’échec. »

Si le mentor et le mentoré sont sur la même longueur d’onde, ils doivent convenir de leurs attentes, d’après Mme Chadnick, et notamment préciser la fréquence de leurs rencontres et leur mode de communication : en personne, par Skype, courriel ou conférence téléphonique. « Ne vous en remettez pas entièrement au mentor pour orienter les relations », souligne-t-elle, en notant que certains mentorés ont tendance à laisser le mentor montrer ce qu’il peut faire. « Demandez ce dont vous avez besoin et précisez vos objectifs. Ne soyez pas exigeant. Posez simplement des questions et voyez ce que l’on vous répondra. Un mentor ne peut vous aider que s’il sait exactement ce que vous voulez. »

Si le mentor n’est pas très réceptif ni disponible, n’insistez pas, mais soyez-lui reconnaissant pour les conseils qu’il vous a donnés. « Même si vos relations n’ont pas été parfaites, le mentor vous a consacré du temps. Remerciez-le pour ce qu’il vous a apporté, même si ce n’était pas suffisant », explique Mme Chadnick.

N’oubliez pas que, pour la plupart des mentors, aider les autres est une façon d’exprimer leur reconnaissance pour le succès qu’ils ont obtenu. « Pouvoir transmettre à une autre personne ce qu’ils ont appris leur procure du plaisir et leur donne de l’assurance, avance Mme Williams. Mais, bien entendu, de bonnes relations de mentorat ne s’établissent pas en un jour ». Avec un peu de chance, elles deviendront permanentes, et le mentor et le mentoré continueront à apprendre au contact de l’un de l’autre, pendant toute leur carrière.