Réforme fiscale fédérale : le fractionnement du revenu dans la mire

Par Francys Brown | 6 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le 18 juillet dernier, le ministère des ­Finances du ­Canada publiait une série de propositions législatives concernant les stratégies de planification fiscale utilisées par des sociétés privées, dont la multiplication de l’exonération cumulative des gains en capital (ECGC) entre les membres d’une famille.

L’objectif visé par le ministère est de mettre fin à certaines planifications fiscales utilisées par les actionnaires de sociétés privées et qui, selon lui, seraient inéquitables pour la classe moyenne, en particulier les travailleurs autonomes et salariés. Mais à quoi s’­attaque-t-on précisément?

L’ECGC s’applique notamment lors de la disposition d’actions admissibles d’une société privée sous contrôle canadien (SPCC) qui est une société exploitant une petite entreprise (SEPE). Elle peut atteindre jusqu’à 835 716 $ en 2017 et est ajustée annuellement en fonction de l’inflation.

Cette exonération peut être réclamée dans le cadre d’une vente réelle des actions en faveur d’un acheteur non lié, mais aussi lors d’une opération dite de cristallisation.

Une cristallisation de l’ECGC consiste essentiellement à réaliser un gain en capital entre les mains d’un particulier par l’intermédiaire d’une disposition d’actions en faveur d’une personne liée. En contrepartie de la disposition de ses actions, le particulier reçoit d’autres actions au prix de base rajusté (PBR, ou coût fiscal) majoré d’un montant correspondant au gain en capital.

L’ECGC est ensuite appliquée au gain en capital imposable réalisé, qui aura été inclus dans le calcul du revenu du vendeur. Ainsi, lors de la revente ultérieure des actions, le gain en capital réalisé sera moindre puisque le ­PBR des actions aura été majoré.

CRISTALLISATION CONCERNANT UN ENFANT MINEUR

Le budget fédéral du 23 mars 2011 est venu ajouter le gain en capital à la liste des revenus assujettis à l’impôt sur le revenu fractionné (ou kiddie tax). Ainsi, les transactions de cristallisation concernant un enfant mineur directement ou par l’intermédiaire d’une fiducie sont devenues impossibles à effectuer, puisque le gain en capital est converti en dividende imposable non déterminé.

Notons cependant qu’un gain en capital imposable réalisé par un mineur ou attribué par une fiducie à un mineur à la suite de la disposition d’actions admissibles de petite entreprise pourrait encore se qualifier pour l’ECGC. En effet, le 16 octobre dernier, le ministère des ­Finances du ­Canada a émis un nouveau communiqué précisant qu’il avait pris la décision de ne pas modifier l’accès à l’ECGC.

IMPÔT SUR LE REVENU FRACTIONNÉ (OU KIDDIE TAX)

La kiddie tax limite les planifications de fractionnement du revenu qui visent à transférer certains types de revenus d’un particulier plus aisé à une personne mineure dont le revenu est moindre. Lorsque l’impôt sur le revenu fractionné s’applique, c’est l’enfant mineur qui doit s’imposer sur ce revenu au taux d’impôt marginal le plus élevé.

Le revenu fractionné d’un mineur peut être :

  • les dividendes reçus de sociétés privées;
  • les prêts et avantages que des actionnaires reçoivent de sociétés privées;
  • les gains en capital sur la disposition d’actions d’une société privée en faveur d’une personne ayant un lien de dépendance;
  • le revenu que le mineur a tiré, par l’intermédiaire d’une fiducie ou d’une société de personnes, de la fourniture de biens ou de services à une entreprise exploitée par : une personne qui est liée au mineur, une société dont une personne liée au mineur est un « actionnaire déterminé » ou une société professionnelle dont une personne liée au mineur est un actionnaire.

Un « actionnaire déterminé » est défini en général comme un actionnaire qui détient au moins 10 % des titres de toute catégorie de la société.

Pour les années 2014 et suivantes, la définition du revenu fractionné a été élargie par des propositions législatives du ministère des ­Finances. Essentiellement, elle englobe maintenant la ­quote-part allouée au mineur du revenu tiré par l’intermédiaire d’une société de personnes ou d’une fiducie, de l’entreprise d’une société de personnes ou d’une fiducie, ou de la location de biens par une telle société ou fiducie, si un individu lié au mineur participe activement et de façon régulière aux activités de la société de personnes ou fiducie.

Si la réforme fiscale fédérale devient réalité, à partir du 1er janvier 2018, les dividendes versés à tous particuliers liés au ­propriétaire-dirigeant, mineurs ou adultes, seront désormais assujettis à l’impôt sur le revenu fractionné sauf, dans le cas d’un adulte, si le montant versé est jugé raisonnable.

Cependant, le communiqué du 16 octobre dernier indique qu’il est possible que les gains en capital sur la disposition d’actions d’une société privée en faveur d’une personne ayant un lien de dépendance ne soient plus considérés comme un revenu fractionné. Des précisions devraient être apportées par le ministère des ­Finances canadien dans les jours ou semaines à venir.

IMPÔT MINIMUM DE REMPLACEMENT

L’impôt minimum de remplacement (IMR) empêche certains particuliers à revenu élevé (et certaines fiducies) de payer très peu d’impôt, voire aucun, grâce à d’importantes déductions fiscales.

Les particuliers doivent calculer l’impôt à payer selon deux revenus imposables, soit le revenu imposable régulier et le revenu imposable modifié aux fins de l’IMR, et payer le plus élevé des deux. Le calcul du revenu imposable modifié exclut certaines déductions, notamment l’ECGC. Il est ensuite réduit d’une exemption de 40 000 $ et assujetti à l’impôt au taux fédéral de 15 % et provincial (Québec) de 16 %. Lorsque l’IMR est supérieur à l’impôt dû, c’est le montant de l’IMR qui doit être payé dans l’année. L’excédent de l’IMR sur l’impôt régulier, si applicable, est remboursable sur une période de sept ans par la suite.

Par ailleurs, un enfant mineur qui a dû payer de l’IMR dans le passé ne peut pas récupérer les sommes versées en appliquant l’impôt sur le revenu fractionné dans les années suivantes. Ainsi, lorsqu’un particulier gagne uniquement du revenu fractionné durant les sept années qui suivent celle où il a dû payer de l’IMR, ­celui-ci ne peut pas récupérer cet impôt minimum de remplacement, alors qu’un autre type de revenu lui aurait permis de le faire.

Francys ­Brown, ­Adm.A., ­LL.M. Fisc., est associé, ­Fiscalité chez ­Demers ­Beaulne S.E.N.C.R.L. / ­LLP.

Ce texte est publié à des fins de vulgarisation et contient de l’information fiscale d’ordre général. Il ne devrait pas remplacer un conseil auprès d’un fiscaliste qui tiendra compte des particularités de la situation de vos clients.


• Ce texte est paru dans l’édition de novembre 2017 de Conseiller.

Francys Brown