Femmes immigrantes entrepreneures

Par Nathalie Savaria | 21 mars 2023 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Déborah Chèrenfant – Courtoisie Groupe Banque TD

Elles sont originaires d’Afrique, du Moyen Orient ou d’ailleurs dans le monde et ambitionnent de créer leur entreprise. Toutefois, certaines entraves se dressent sur leur parcours, dont un manque de littéracie financière.

Selon l’Indice entrepreneurial québécois 2021 de la Fondation de l’entrepreneurship, les femmes et personnes immigrantes sont deux fois plus présentes que les autres groupes parmi les nouveaux entrepreneurs. De plus, les personnes immigrantes (25,7 %) veulent davantage entreprendre un jour que les natives (13,3 %).

Or, dans les faits, les femmes immigrantes entrepreneures se heurtent à certains défis dans la concrétisation de leur rêve entrepreneurial.

LES OBSTACLES EN QUESTION

Stratège en entreprenariat féminin et d’origine haïtienne, Déborah Cherenfant, directrice régionale, Femmes entrepreneures, Québec et Atlantique, au Groupe Banque TD, connaît bien les difficultés vécues par les femmes entrepreneures issues de l’immigration pour lancer leur entreprise.

D’après elle, « l’obstacle majeur demeure un manque d’accès aux réseaux, aux ressources, aux informations, au financement pour faciliter l’avancement […], par le fait même que nous soyons des femmes. Cette notion de discrimination systémique existe dans tous les milieux et aussi dans l’écosystème entrepreneurial. […] Donc, on ne connaît pas les bonnes personnes au bon moment. Je dis “on” parce que ce “on” m’inclut, étant une femme qui a immigré ici et qui, au cours de sa carrière, a lancé quelques entreprises. »

Une autre difficulté supplémentaire est le manque de littéracie financière, c’est-à-dire des notions de base sur l’argent.

« Il y a une méconnaissance de ce que ça prend pour ouvrir un compte bancaire, pour aller chercher un prêt et de l’importance de bâtir un historique de crédit avec différents outils financiers mis à la disposition par toutes les institutions financières. On apprend sur le tard à quel point c’est important. Parce qu’avant, on a une certaine appréhension, c’est-à-dire qu’on ne veut pas s’endetter. »

Elle attribue d’ailleurs cette appréhension « à la culture, à la socialisation et à l’éducation donnée aux jeunes filles par rapport aux jeunes garçons », à qui on apprend davantage la gestion des finances.

Tous ces obstacles font en sorte que plusieurs femmes entrepreneures immigrantes tâtonnent avec leur projet d’entreprise.

« On n’a pas les bons mots pour communiquer ces besoins-là, pour les déployer et les développer dans leur ensemble. Donc, on a l’impression de tourner en rond plusieurs fois. C’est pourquoi cet aspect de la littératie financière devient très important. »

UN CHANGEMENT D’APPROCHE

Aux yeux de Déborah Cherenfant, un changement d’approche est nécessaire auprès des femmes entrepreneures immigrantes, « particulièrement dans les institutions financières qui ont ce rôle mais aussi cette responsabilité, dans le sens où il faut dédramatiser et vulgariser certains termes du monde financier, pour faire en sorte que ce soit une information accessible par rapport aux mots à utiliser et à ce qu’il faut faire ».

Lorsqu’une personne immigrante arrive au pays à l’âge adulte, « elle n’a peut-être pas commencé par une carte de crédit ou une marge de crédit, ou même par un prêt hypothécaire, ce qui est peut-être beaucoup plus courant chez les jeunes Québécois nés ici.  Parfois, on doit faire un retour à la case départ », constate la directrice régionale.

L’ACCOMPAGNEMENT ET LE SOUTIEN

Le programme de soutien aux femmes entrepreneures dirigé par Déborah Cherenfant au sein du Groupe Banque TD s’inscrit dans ce changement d’approche.

« D’autres institutions financières ont des initiatives similaires, pour faire en sorte d’aller vers cette clientèle, au lieu d’attendre qu’elle vienne vers nous, et de faciliter cette approche-là. »

Concrètement, la directrice régionale agit à titre de responsable du développement des affaires auprès des femmes entrepreneures qu’elle accompagne, faisant le pont entre elles et l’institution financière.

« Dans le cadre de mon rôle, je travaille aussi avec des organisations à qui je peux les référer pour le plan d’affaires pour qu’elles puissent nous revenir ensuite pour le prêt, la marge de crédit, la carte de crédit, etc. »

Un réseau de soutien et de contacts se tisse ainsi autour de ces femmes qui acquièrent également une meilleure connaissance du système financier et entrepreneurial québécois.

La démarche se fait dans une perspective progressive, le but étant d’abord d’assurer le démarrage de l’entreprise.

« On va commencer avec les outils les plus communs, les plus accessibles, pour après évoluer avec cette personne, pour qu’elle comprenne mieux dans quoi elle s’embarque avec un partenaire financier comme le Groupe Banque TD, dans une démarche entrepreneuriale et financière. »

Une fois l’entreprise bien en selle et en croissance, il s’agira de répondre à d’autres types d’ambition et de planification, notamment en gestion de patrimoine.

« Comment est-ce qu’elles gèrent l’argent qu’elles ont généré avec leur entreprise ? Est-ce qu’elles pensent à investir dans une autre entité que leur entreprise ? Est-ce qu’elles pensent à leur retraite ? Est-ce qu’elles pensent à vendre cette entreprise-là pour aller chercher un plus grand capital et peut-être faire autre chose ? »

D’AUTRES MESURES FINANCIÈRES

Finalement, Déborah Cherenfant rappelle que différentes formes d’aide financière sont destinées aux femmes immigrantes entrepreneures.

« Il y a beaucoup de mesures de soutien entrepreneuriales, qu’elles soient gouvernementales, privées ou parapubliques, à la disposition de ces personnes-là, et qui influencent encore plus cette intention d’entreprendre et qui font en sorte qu’elles veulent se lancer en affaires. »

Natalie Savaria

Nathalie Savaria

Nathalie Savaria a été rédactrice en chef de magazines dans le domaine de l’immobilier commercial. Elle est journaliste indépendante.