Faut-il plus d’automatisations dans les régimes de capitalisation?

Par Simeon Goldstein | 5 décembre 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Il faut participer pour gagner: c’est un slogan qui pourrait servir à des fins de marketing de tous les concours. Sans présumer présenter un régime de retraite comme s’il était une loterie, il est clair que le taux de participation des employés demeure un enjeu considérable, tant du point de vue de la pérennité des régimes que de celui de la préparation des individus pour la retraite. L’adhésion automatique au régime de retraite offert par l’employeur semblerait être une solution facile au problème, mais est-ce toujours une bonne stratégie? Quelles en seraient les limites et, outre l’adhésion, quels autres éléments du régime pourrait-on envisager de rendre automatiques?

Pour de nombreux fournisseurs de régimes de capitalisation, ajouter des solutions automatisées à un régime représente effectivement une tactique intéressante. «Nous appuyons fortement le concept de l’adhésion systématique et de l’indexation systématique, et ce, pour une raison bien évidente: nous voulons enthousiasmer les employés et obtenir leur participation à un régime de retraite, affirme Anthony Cardone, vice-président régional, services de retraite collectifs à la Great-West. Selon notre expérience, l’enjeu le plus important est de s’assurer que les employés adhèrent tôt, et ces outils permettent, en quelque sorte, de doter le régime d’un pilote automatique afin d’assurer la participation immédiate.»

Selon la Great-West, aux États-Unis, l’introduction de l’adhésion automatique aux régimes de retraite aurait permis d’atteindre un taux de participation d’environ 85% après trois ans: seulement 15% des employés auraient donc profité de l’option de quitter le régime qui leur est offert.

De son côté, la Financière Sun Life estime que l’adhésion automatique représente une stratégie prometteuse. «Nous constatons que, à l’échelle canadienne, le taux de participation dans plusieurs régimes n’est pas optimal et que l’adhésion automatique serait une excellente façon de l’augmenter, observe Sylvain Bouffard, directeur, affaires publiques, Québec à la Sun Life. Parmi les autres avantages, elle simplifie et accélère les processus administratifs et peut permettre aux employés admissibles de participer au régime dès leur embauche.»

L’adhésion automatique pourrait certes permettre aux équipes des ressources humaines de consacrer leur temps à autre chose qu’à encourager les employés à participer. Il resterait néanmoins à voir si les comptables de la société seraient tout aussi contents, car une hausse de participation pourrait entraîner une augmentation des contributions de l’employeur.

Il est bien sûr nécessaire que l’adhésion automatique complémente la culture de l’entreprise et aide à satisfaire ses objectifs. «L’employeur aura ses raisons pour mettre en place un régime de capitalisation, peut-être pour le recrutement ou la rétention d’employés», explique Éric Filion, vice-président, développement de produits, commercialisation et stratégies d’investissement en épargne-retraite collective chez Desjardins Sécurité financière.

Inscrite dans une stratégie globale, l’adhésion automatique peut répondre à certains besoins, mais il ne faut pas que cela se fasse aux dépens des objectifs, ajoute-il. «Si on embarque un employé sans trop l’informer de ce qu’on fait, l’employé va être heureux de son régime, mais est-ce que l’employeur atteint ses objectifs en matière d’engagement des employés?»

Sophie Cournoyer, directrice, Service-conseils en régimes de retraite chez Morneau Shepell, poursuit l’idée qu’il importe de prendre en compte la relation entre employeur et employé qui a mené à la création du régime de retraite. «Les régimes de capitalisation ne sont pas toujours conçus dans le but de créer un capital de retraite, sinon avec une vision plus axée sur l’épargne – peut-être à court ou à moyen terme – et le régime ne serait donc pas l’outil principal de la planification de la retraite. Par exemple, dans un cas où il existe déjà un régime à prestations déterminées, le régime de capitalisation devient complémentaire et n’a pas à être obligatoire», explique-t-elle.

Dans la décision de doter son régime de l’adhésion automatique, il serait également essentiel de prendre en compte le profil des participants. L’employé de 25 ans n’aura certes pas les mêmes objectifs que son collègue de 55 ans et pourrait favoriser l’achat d’une maison, une stratégie qui n’est pas sans intérêt quant à la planification pour la retraite. «En cas d’une main-d’œuvre très mobile, par exemple, il faut s’assurer que l’adhésion automatique ne soit pas établie au détriment de certains employés», affirme Jennifer Gregory, vice-présidente, développement des affaires, régimes d’épargne et de retraite collectifs à la Standard Life.

Mme Cournoyer ajoute que les employés s’attendent de l’employeur ayant décidé de mettre en place un régime de capitalisation qu’il leur fournisse de l’éducation, de l’information et des outils qui leur permettront de prendre de bonnes décisions. «Toutefois, à mon avis, les employés veulent se garder le pouvoir décisionnel. Ils veulent pouvoir dire oui ou non», affirme-t-elle.

Les décisions plus importantes seraient vraisemblablement celles qui portent sur le taux de cotisations et sur la stratégie de placements. Dans le cas de l’adhésion automatique, on viserait à établir un niveau de cotisations qui n’est pas «trop élevé pour ne pas brusquer les employés, afin qu’ils se familiarisent avec le régime. Mais, en même temps, il faut que cela soit assez élevé pour qu’ils épargnent de manière suffisante», estime M. Bouffard.

Il se trouve ici l’un des risques possibles de l’adhésion automatique, soit la création d’un faux sentiment de sécurité. Michèle Frenette, présidente de GMRF et conseillère en régimes de retraite collectifs, estime «qu’un taux de cotisation obligatoire par défaut peut donner l’impression que c’est le montant exact que le participant doit cotiser pour avoir une bonne retraite, alors que c’est rarement, sinon jamais, le cas.»

Mme Frenette favorise une stratégie qui simplifie la vie des participants admissibles aux régimes, sans être strictement «automatique», par exemple en fournissant des formulaires d’adhésion avec certains éléments déjà remplis. «On sait que les gens n’aiment pas remplir de la paperasse, donc on peut remplir certaines choses au préalable, avant de discuter des éléments plus personnels comme le taux de cotisation idéal.»

Un autre élément des régimes qu’on peut envisager de rendre automatique serait la hausse des cotisations. «Ce n’est pas le taux de rendement qui détermine un style de vie agréable à la retraite, mais le taux d’épargne. Une bonne pratique d’épargne consiste à augmenter le taux de cotisation en fonction de la proximité de la retraite, constate Mme Gregory. La hausse automatique des cotisations aide donc ceux qui ne sont peut-être pas prédisposés à l’épargne.»

Il est également possible d’envisager certains éléments «automatiques» en ce qui concerne la stratégie de placement, par exemple, en favorisant des solutions cycle de vie, des fonds à date cible. «Ça permet de contrer certains comportements du participant qui pourraient être néfastes pour lui, en le faisant prendre des décisions plus contrôlées. Les employeurs qui ont essayé ont eu un beau succès», ajoute M. Filion de Desjardins Sécurité financière.

Avec la décision de doter son régime d’adhésion automatique – ou non -, il est important de rappeler que la communication demeure un élément clé pour bien informer sur les éventuelles hausses de cotisations ou sur l’état de l’épargne du participant. Il serait également intéressant de proposer des outils de simulation et de projection de retraite qui permettent de prendre en considération des changements effectués aux cotisations, qui pourraient augmenter ou baisser d’ici la retraite.

Le travail effectué sur les régimes de pension agréés collectifs et le régime volontaire d’épargne retraite québécois a permis de conscientiser les Canadiens au sujet de la retraite et, outre l’épargne, un régime solide demeure un outil important de recrutement. «L’important c’est d’avoir la volonté d’embarquer dans le monde de l’épargne-retraite et il faut que l’employé soit conscient des avantages associés à sa participation au régime collectif», affirme M. Cardone.

C’est dans cette optique que l’adhésion automatique, mise en place de façon ciblée afin de répondre aux besoins des employés et de satisfaire les objectifs de l’employeur, peut s’avérer d’une très grande utilité pour hausser la participation aux régimes de capitalisation. Nombreux sont les employeurs et employés pour lesquels il s’agirait d’une formule gagnante.

Simeon Goldstein