La transparence salariale gagne en popularité

Par La Presse Canadienne | 7 octobre 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Il y a quelques mois à peine, Mo Hameed a lancé un compte TikTok montrant des Canadiens ordinaires qui présentent ce qu’ils font dans la vie et révèlent combien d’argent leur rapporte ce travail.

« Je voulais créer quelque chose pour les jeunes, mais aussi pour d’autres personnes qui progressent dans leur carrière et qui veulent s’assurer qu’elles sont payées équitablement, et juste avoir une page où les gens peuvent aller et dire, “oh, ce travail est cool, je veux en savoir plus” », explique l’homme de 24 ans.

Avec plus de 62 000 abonnés, le compte a pris son envol. De toute évidence, les gens s’intéressent aux questions de salaires.

Alors que le coût de la vie continue de grimper et que les écarts de rémunération persistent, l’intérêt pour des discussions plus ouvertes au sujet des revenus s’accentue, ce qui, selon l’experte en finances personnelles Jessica Moorhouse, peut aider à faire en sorte que tout le monde soit rémunéré équitablement.

Même si tout ne dépend pas des travailleurs, rappelle-t-elle, il existe des moyens de créer et de favoriser une culture plus ouverte autour de la transparence des salaires, grâce à l’établissement de relations, à un dialogue cohérent et au fait de ne pas avoir peur de poser des questions.

« J’ai toujours trouvé que les personnes les plus ouvertes au partage à ce sujet étaient les personnes racisées et les femmes, car nous réalisons que nous sommes probablement ceux qui sont moins bien payés que les autres », note Mme Moorhouse.

En fait, les femmes gagnaient 89 cents pour chaque dollar gagné par les hommes en 2020, selon Statistique Canada.

Rachel Wong, cofondatrice de la plateforme de carrière Monday Girl, estime que la transparence des salaires est un « énorme sujet » chez ses membres, principalement des femmes de la génération Z et de la génération Y.

Rachel Wong a lancé une série sur les réseaux sociaux mettant en vedette des membres de Monday Girl qui révèlent combien elles gagnent au travail.

Elle note que la série a entraîné un flot de messages d’autres membres se sentant inspirés pour ouvrir le dialogue sur les attentes salariales et les négociations, ainsi que sur la gestion des charges de travail.

« Certaines personnes se sont vraiment dit “wow” en entendant ce que d’autres personnes donnaient comme salaire, puis “je suis sous-payée”, explique-t-elle. Certaines femmes occupaient plusieurs emplois simplement pour pouvoir payer un loyer, et elles ont pu reconnaître qu’elles étaient sous-payées dans leur emploi principal, et qu’elles avaient la capacité de faire un changement pour que leur mode de vie soit plus durable. »

ENGAGER LA CONVERSATION

Lorsqu’il s’agit de créer un espace pour tenir des discussions plus approfondies sur les revenus au travail en particulier, Mme Moorhouse croit qu’avoir un objectif spécifique à l’esprit, comme l’obtention d’une augmentation, est un bon point de départ.

Il est possible d’évoquer la situation dans laquelle on se trouve à des collègues, et ajouter ce qu’on pense faire, en demandant des suggestions. « Et généralement, leur réponse aura à voir avec leur expérience personnelle, combien ils gagnent, ou ce qu’ils savent, ou ce que les autres gagnent. C’est donc une façon différente de demander combien d’argent ils gagnent. »

Lors de la recherche d’un nouvel emploi ou du démarrage d’une carrière, Mme Moorhouse estime que les gens ne devraient pas avoir peur d’entrer en contact avec des personnes qui les inspirent ou qui ont une carrière qui les intéresse.

Les médias sociaux ont ouvert la porte à un plus large éventail de relations de carrière pour connaître un départ unique par rapport à ce qui était possible précédemment, note-t-elle.

Cependant, l’important avec cette approche est de s’assurer qu’elle n’est pas transactionnelle. Mieux vaut essayer de développer une relation avec la personne à qui on tend la main, plutôt que de demander quelque chose dès le départ, croit Mme Moorhouse.

« Peut-être qu’il y a un lien, une connaissance commune, par exemple, et puis peut-être qu’il est possible de faire un appel au sujet de quelque chose lié à sa carrière. Et puis finalement, on peut progresser avec quelque chose comme “eh, donc je fais aussi des recherches pour mes connaissances personnelles autour de la rémunération dans cette industrie et je me demande s’il est possible de partager des informations à ce sujet. ” »

Elle ajoute que les gens ont plus de pouvoir pendant le processus d’entretien qu’une fois qu’ils occupent déjà un emploi. Puisque les attentes salariales sont souvent discutées lors des entrevues, il serait sage d’utiliser ces conversations à son avantage.

Pour les travailleurs indépendants, comme Mme Moorhouse, il existe des cas où des entreprises et des marques souhaitent collaborer, et elle conseille aux gens de s’appuyer sur le réseau qu’ils ont construit, encore une fois, en se concentrant sur eux-mêmes.

« Au lieu de demander “Combien avez-vous facturé?”, mieux vaut demander “Combien pensez-vous que je devrais facturer? ” »

PLUS DE DIVULGATION CHEZ LES EMPLOYEURS

Du côté des employeurs, les attitudes changent, de plus en plus d’entreprises étant plus franches sur les salaires alors que les législateurs exigent une plus grande divulgation.

Selon des données d’Indeed Canada, 66 % des nouveaux emplois affichés sur la plateforme contenaient des informations sur les salaires au quatrième trimestre de 2021. Au premier trimestre de cette année, cette proportion grimpait à 68 % et au deuxième trimestre, elle passait à 71 %. En septembre, elle atteignait 74 %.

Indeed Canada a également souligné que 75 % des demandeurs d’emploi étaient plus susceptibles de postuler pour un emploi si l’échelle salariale était indiquée dans l’affichage.

Et sur la base d’un récent sondage mené par l’entreprise, 88 % des personnes interrogées qui ont indiqué que leur entreprise divulguait le salaire sur leurs offres d’emploi étaient d’accord pour dire que cette divulgation avait été bénéfique dans le processus d’embauche dans un contexte de pressions sur le marché du travail.

Depuis le lancement de son compte sur TikTok, les vidéos de M. Hameed ont déjà un impact positif.

« Quelqu’un m’a dit: “oh, je suis tellement content d’avoir regardé vos vidéos parce que je travaille dans l’informatique et j’ai réalisé à quel point j’étais sous-payé” », raconte-t-il.

Et bien qu’il reconnaisse que les ressources en ligne, telles que Glassdoor, peuvent être utiles, il croit qu’elles ne sont pas assez personnelles et qu’elles ne vont pas assez loin dans la myriade de rôles et d’industries qui existent.

« J’ai toujours voulu une ressource où je pouvais entendre de vraies personnes. »