L’alcoolisme tabou des femmes dirigeantes

Par La rédaction | 8 août 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
3 minutes de lecture
olegdudko / 123RF

Les femmes qui occupent des postes de direction sont de plus en plus nombreuses à sombrer dans l’alcool pour évacuer la pression écrasante qu’elles ressentent. Et leur dépendance est fort différente de celle de leurs collègues masculins.

Une étude française publiée en 2015 a révélé que, chez les femmes, la dépendance à l’alcool se manifeste surtout chez celles qui ont un haut degré de scolarité. Chez les hommes, c’est pourtant le contraire : l’alcoolisme est plutôt lié à un faible niveau d’éducation.

Pas surprenant, donc, que les femmes qui accèdent à des postes de direction soient particulièrement à risque. Ainsi, parmi toutes les catégories socio-professionnelles étudiées, les femmes cadres présentent le plus haut pourcentage de consommation à risque d’alcool (12 %), devant les ouvrières (8 %) et les employées de bureau (7 %), peut-on lire dans Le Figaro.

Laurence Cottet fait partie de ces femmes dirigeantes qui ont souffert d’alcoolisme pendant de nombreuses années. Après la perte de son mari, celle qui occupait un prestigieux poste de direction dans une grande société d’ingénierie pouvait consommer de deux à trois bouteilles de vin par jour. Après dix ans de dépendance, elle a finalement perdu son emploi lors d’une soirée organisée par l’entreprise, lors de laquelle elle s’est effondrée ivre morte, a-t-elle raconté au quotidien français.

QUAND L’ALCOOL FAIT PARTIE DE LA CULTURE D’ENTREPRISE

Autant chez les hommes que chez les femmes, le mode de vie des cadres en entreprise encourage la consommation d’alcool, que l’on pense aux congrès, aux repas professionnels ou encore aux voyages d’affaires. « L’alcool faisait partie de la culture interne de l’entreprise. Si on ne buvait pas, on était exclu », raconte Laurence Cottet.

Par contre, les femmes cadres évoluent majoritairement dans des milieux dominés par les hommes, ce qui fait en sorte qu’elles doivent continuellement prouver leur valeur. Cela se traduit concrètement par des heures de travail interminables, explique Laurence Cottet. En plus de leur carrière, les femmes doivent aussi s’occuper de leur famille, ce qui vient accentuer la pression de performance qu’elles ressentent.

« Les femmes ont les mêmes objectifs professionnels que les hommes, mais ont une charge mentale supérieure à eux. Elles ne peuvent pas tout faire et culpabilisent. L’alcool devient un moyen de s’évader », explique en entrevue au Figaro Michel Reynaud, professeur addictologue.

D’autres raisons peuvent également mener les femmes cadres à utiliser l’alcool comme exutoires, par exemple les incidents de harcèlement sexuel en milieu de travail.

STIGMATISATION DE L’ALCOOLISME FÉMININ

Une autre spécificité de l’alcoolisme au féminin est son caractère tabou. Les femmes cadres supérieures ont beaucoup plus tendance à cacher leur dépendance à l’alcool que ne le font leurs collègues masculins.

Si on va souvent dire d’un homme qui a une consommation élevée d’alcool qu’il est un bon vivant, on va volontiers taxer une femme qui souffre du même problème de mauvaise mère, voire de fille facile. En faisant tout pour camoufler leur addiction à leur entourage, les femmes mettent parfois plusieurs années avant de se sevrer, observe Michel Reynaud.

Laurence Cottet, par exemple, a mis 15 ans avant de demander de l’aide. Aujourd’hui coach en prévention de l’alcoolisme, elle souhaite aider des femmes comme elle à s’affranchir de leur addiction.

La rédaction