Les augmentations de salaires modestes en 2017

Par Pierre-Luc Trudel | 21 septembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
4 minutes de lecture
kritchanut / 123RF

Les employés canadiens ne devraient pas avoir trop d’attentes concernant leurs augmentations salariales l’an prochain, au risque d’être plutôt déçus. L’incertitude économique et les mesures de réduction des coûts qui en découlent pèsent lourdement sur les budgets des entreprises.

En 2017, les salaires devraient augmenter de 2,6 % selon l’Enquête 2016-2017 de Mercer sur la planification de la rémunération au Canada. Il s’agit d’une baisse par rapport aux prévisions de 2,8 % en 2016 et de la hausse de 3 % en 2015.

« Ces pourcentages d’augmentations prévus sont les plus faibles que nous ayons constatés depuis la première enquête que nous avons menée il y a plus de 20 ans, ce qui témoigne des profondes inquiétudes des employeurs au sujet de la conjoncture économique », affirme Gordon Frost, responsable du domaine Talents de Mercer pour le Canada.

En tenant compte des gels de salaires annoncés dans certaines entreprises, les prévisions sont encore plus faibles, soit 2,3 %. Ces gels toucheront principalement les employés de l’industrie pétrolière, 40 % des entreprises du secteur de l’énergie ayant l’intention de ne pas toucher à la rémunération en 2017.

COMMENT RÉPARTIR LE BUDGET SALARIAL?

Avec des budgets aussi serrés, les entreprises devront faire preuve de créativité pour demeurer concurrentielles dans le recrutement des meilleurs talents.

Lors d’un séminaire de Mercer mardi dernier, François Trottier, spécialiste en rémunération, a proposé trois stratégies de répartition du budget d’augmentation salariale.

La première consiste à accorder la même augmentation à tous les employés, peu importe leur rendement. Si elle simplifie grandement le processus et élimine les biais liés aux systèmes d’évaluation du rendement inefficaces, cette approche peut en revanche décourager les employés les plus performants, qui ont droit à la même augmentation que les employés dont la prestation de travail est insatisfaisante.

La deuxième stratégie, plus radicale, consiste à éliminer les hausses salariales pour la majorité des employés. Seuls ceux ayant un rendement exceptionnel et certains cas spéciaux (les postes nécessitant un rattrapage salarial, par exemple) y auraient droit.

La troisième stratégie proposée par François Trottier risque de satisfaire davantage les employés. Elle consiste à intégrer les hausses salariales au sein d’une « proposition de valeur » élargie, qui inclut par exemple la formation, les horaires flexibles et les vacances.

REPENSER LA RÉMUNÉRATION AU RENDEMENT

Comme par les années passées, les entreprises continuent d’accorder à leurs employés les plus performants des augmentations salariales supérieures à la moyenne. Quelque 7 % des employés les plus performants devraient recevoir une augmentation moyenne de 4,3 % en 2017, tandis que pour les 9 % les moins performants, les augmentations devraient varier de 0,2 % à 1,0 %.

La plupart des entreprises continuent d’utiliser les cotes de rendement pour prendre leurs décisions sur les rajustements salariaux – seulement 4 % des entreprises ont éliminé les cotes de rendement en 2016, mais une autre tranche de 9 % envisage également de le faire.

« Les employés n’aiment pas forcément tout le processus de l’évaluation du rendement, comme les longs formulaires à remplir et la rencontre de fin d’année stressante avec le gestionnaire, mais ils apprécient la rétroaction et le fait de pouvoir se situer par rapport aux attentes de l’entreprise, explique François Trottier. Avant de succomber à l’effet de mode et éliminer l’évaluation du rendement, les employeurs devraient peut-être réfléchir à la manière de la rendre plus efficace. »

La taxe sur la masse salariale mine la compétitivité, selon le CPQ

À l’image de l’ensemble du pays, les augmentations salariales au Québec devraient atteindre en moyenne 2,6 % en 2017, selon le Conseil du patronat du Québec (CPQ), qui établit ses prévisions en se basant sur les enquêtes réalisées par des firmes de consultation en ressources humaines, dont Mercer.

Ces augmentations représenteront pour les employeurs de la province un coût moyen annuel additionnel de 156 $ par employé en taxes sur la masse salariale, pour un salaire moyen de 40 000 $, en tenant compte des différents taux de cotisation, dont celui du RRQ et de l’assurance-emploi.

« Les employeurs du Québec paient annuellement environ 30 % de plus en taxes sur la masse salariale que leurs concurrents de l’Ontario et 45 % de plus que la moyenne canadienne, soutient Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du CPQ. Cet écart avec nos voisins mine la compétitivité de nos entreprises face à leurs compétiteurs des autres provinces et le gouvernement du Québec doit poursuivre ses efforts pour les alléger. »

Dans le contexte du débat sur le salaire minimum, le CPQ évalue actuellement l’impact de différents scénarios variant selon la vitesse des augmentations, et conséquemment leurs répercussions sur le marché du travail. « N’oublions pas que les employeurs pourraient devoir réévaluer leurs échelles salariales internes, advenant des hausses significatives du salaire minimum décrétées par le gouvernement », affirme M. Dorval.

Pierre-Luc Trudel