Salaire ou dividende?

Par Robert Leewarden et Benoit Besner | 6 novembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Deux options sont offertes au propriétaire d’une société lorsque vient le temps pour lui de choisir son mode de rémunération. Il peut se verser soit un salaire, soit un dividende. Selon le principe d’intégration du système fiscal canadien, le coût fiscal sera le même peu importe que le revenu soit gagné sous forme de salaire ou de dividende (une fois l’impôt des sociétés payé et le dividende versé à l’actionnaire). Cependant, en pratique, les multiples variables régissant la fiscalité canadienne et la situation propre à chaque individu font en sorte que l’un de ces modes de paiement peut être plus avantageux que l’autre.

LES IMPACTS DU VERSEMENT D’UN SALAIRE Lorsqu’un salaire est versé, des charges sociales telles que les cotisations à la Régie des rentes du Québec (RRQ), au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) ou encore au Fonds des services de santé (FSS) doivent être payées, tant par l’employeur que par l’employé. Bien qu’elles constituent des coûts supplémentaires, elles permettent à l’actionnaire de bénéficier des avantages de ces régimes. La société en tire également des avantages puisque les sommes qu’elle paie à titre de salaires sont déductibles. Par contre, comme nous le verrons dans les exemples suivants, le revenu de l’actionnaire est alors imposé à un taux assez élevé (jusqu’à 49,97 % au Québec).

LES IMPACTS DU VERSEMENT D’UN DIVIDENDE Il existe deux types de dividendes : les dividendes déterminés et les dividendes ordinaires.

Des dividendes déterminés peuvent être versés lorsque la société a gagné du revenu d’entreprise pour lequel elle n’a pas droit à la déduction pour petite entreprise (DPE). Ainsi, comme la société paie un impôt plus élevé (26,9 % au Québec), le revenu de l’actionnaire sera imposé à un taux moindre lors du versement du dividende (jusqu’à 35,22 % au Québec), ce qui est conforme au principe d’intégration.

Les dividendes ordinaires sont généralement versés à partir des revenus d’entreprise ayant donné droit à la DPE ou encore à partir des revenus de placements. Ainsi, comme la société paye un taux moins élevé (19 % au Québec sur les revenus actifs), le revenu de l’actionnaire est imposé à un taux plus élevé que pour les dividendes déterminés (jusqu’à 38,54 % au Québec).

Dans les deux cas, les dividendes ne constituent pas une dépense déductible pour la société. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les taux d’imposition des particuliers sont moins élevés que ceux applicables à un revenu gagné sous forme de salaire.

DEUX CAS PRATIQUES POUR L’ANNÉE 2013 

Cas n° 1 (voir tableau ci-dessous)

La société a gagné un revenu d’entreprise actif de 5 000 $ et le revenu de l’actionnaire est imposé au taux maximum².

D’un point de vue strictement pécuniaire, se verser un dividende ordinaire plutôt qu’un salaire présente un léger avantage dans le cas où le revenu de la société est admissible à la DPE et celui de l’actionnaire est imposé au taux maximum. Si le revenu d’entreprise gagné par la société n’est pas admissible à la DPE, l’option salaire est alors la plus avantageuse.

Cas n° 2 (voir tableau ci-dessous)

La société a gagné un revenu d’entreprise actif de 64 516,80 $³.

Dans ce deuxième cas et toujours d’un point de vue strictement pécuniaire, un actionnaire a tout avantage à se verser un dividende ordinaire plutôt qu’un salaire, les économies étant considérables. De même, si le revenu d’entreprise gagné par la société n’est pas admissible à la DPE, l’option dividende demeure plus avantageuse que l’option salaire.

AUTRES CONSIDÉRATIONS AVANT DE FAIRE UN CHOIX DÉFINITIF Lorsqu’un propriétaire d’entreprise souhaite choisir le bon mode de rémunération, il ne doit pas uniquement prendre en compte l’aspect financier immédiat. Il doit garder à l’esprit que l’option salaire permettra dans les années suivantes de cotiser à un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), ce qui entraînera des économies d’impôt futures. De plus, malgré leur faible rendement, les cotisations au Régime de rentes du Québec ne sont pas perdues puisqu’elles donneront droit aux prestations de retraite de ce même régime. Pour ce qui est des prestations au RQAP, une jeune propriétaire qui envisage de fonder une famille pourrait préférer se verser un salaire, malgré l’avantage financier immédiat d’un dividende, et ce, afin de bénéficier du RQAP dans les années à venir. L’option salaire peut donc devenir plus intéressante que l’option des dividendes même si les calculs laissent penser le contraire.

En ce qui a trait à l’option du dividende, si le niveau de vie de l’actionnaire le permet, la possibilité de différer l’impôt en laissant dans la société l’argent dont l’actionnaire n’a pas besoin est à considérer, puisque cela augmente les économies dans le temps.

CONCLUSION Savoir s’il s’avère plus avantageux de se verser un salaire ou un dividende comme rémunération demeure une question cruciale pour tout propriétaire d’entreprise, qui se doit de faire une analyse poussée avant d’arrêter son choix. Chaque situation est propre à chacun et de nombreux paramètres pécuniaires et non pécuniaires doivent être pris en compte. Enfin, l’analyse approfondie doit être effectuée par un spécialiste qui accompagnera le propriétaire dans sa démarche et tiendra compte de tous les facteurs fiscaux et personnels de ce dernier.

Robert Leewarden, CPA, CA, Pl. Fin., associé, Fauteux, Bruno, Bussière, Leewarden CPA, s.e.n.c.r.l. Benoit Besner, fiscaliste, Fauteux, Bruno, Bussière, Leewarden CPA, s.e.n.c.r.l.

Deux questions que le conseiller en sécurité financière devrait poser à son client :

1. Le mode de rémunération retenu par l’actionnaire favorise-t-il un revenu admissible pour justifier l’instauration d’un régime de retraite individuel (RRI) à son profit?

2. Si certaines protections en assurance de personnes sont payées par la société, vaut-il mieux se reconnaître un avantage imposable ou plutôt se verser un dividende supplémentaire et payer personnellement les primes?

Jean-Guy Grenier, BAA, CMC, AdmA, Pl. Fin., conseiller principal en planification financière, fiscale et successorale, Desjardins Sécurité financière.

Robert Leewarden et Benoit Besner