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Tiré de formations certifiant des UFC

L’art délicat du rééquilibrage de portefeuille
Entre répartition stratégique et tactique.

Quelle différence y a-t-il entre une répartition de 50 % en actions et 50 % en obligations et une répartition 52 % et 48 %? Cet écart n’est-il pas trop faible pour y prêter attention?

Certains logiciels de répartition d’actif nous proposent une répartition « optimisée » à la décimale, par exemple, 61,3 % en actions et 38,7 % en obligations. Leurs créateurs invoquent des « frontières efficaces » ou des algorithmes incompréhensibles, sauf entre mathématiciens de haut vol qui ont certes compris leurs algorithmes, mais qui n’ont peut-être pas évalué leur pertinence… car l’avenir nous sera toujours inconnu.

Bien sûr, nous pouvons adopter cette précision décimale propre à l’informatique, mais est-ce utile et efficace? Pour nous, après 35 années de carrière dans les services financiers personnels, la réponse est NON.

Compte tenu du fait que la valeur de nos investissements variera un peu chaque jour et que nous ne pouvons prévoir quelle sera l’amplitude des fluctuations quotidiennes des Bourses, un ordre de grandeur flexible sera amplement suffisant, bien plus simple à utiliser et aussi efficace pour gérer notre répartition d’actif et l’adapter en fonction du marché.

Notre portefeuille « réel » de placement pourra donc varier entre 100 % d’actions et 100 % d’obligations, selon nos décisions… en passant par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel!

Examinons les éléments qui nous permettront de nous situer quelque part entre ces deux extrêmes. L’image ci-dessous illustre ces deux éléments :

Le premier élément constitue la répartition « stratégique », c’est-à-dire à LT (long terme). C’est la répartition de base que nous visons en permanence. Résultat : tout d’abord, de l’analyse froide et raisonnée de nos objectifs et de nos horizons de placement, mais aussi (et parfois hélas) de notre imagination débridée, pour finalement constituer notre « zone de confort » idéale, qui nous permet de bien dormir… sur notre portefeuille comme sur notre oreiller!

Mais elle sera légèrement modifiée, de temps à autre, par la répartition tactique, que nous allons maintenant expliquer.

Parmi les six exemples de répartition de l’image RAA06a, regardons le graphique circulaire du bas, à gauche, qui nous montre l’exemple d’une répartition 40/60, c’est-à-dire ici 40 % en actions et 60 % en obligations.

Comme la valeur des actions varie tous les jours en fonction de ses critères propres, dont l’humeur des investisseurs et des spéculateurs, et que celle des obligations change aussi chaque jour en fonction des taux d’intérêt « guidés » par les banques centrales de chaque pays, cette répartition 40/60 ne survivra pas 24 heures… et c’est normal, puisque tout fluctue.

La meilleure réaction personnelle aux petites fluctuations reste de n’y prêter aucune attention. C’est le jeu normal d’un monde en perpétuel mouvement.

Mais si la fluctuation devient importante, en amplitude et en durée, il peut être utile de « rééquilibrer » son portefeuille pour se rapprocher de la répartition stratégique fixée. S’il peut être sage d’agir face à la fluctuation (qui se déroule lentement, sur une longue période), il est presque toujours imprudent de réagir face à la volatilité (qui survient à très court terme, de façon quotidienne).

Qu’est-ce qu’une petite fluctuation?  Qu’est-ce qu’une grande fluctuation? 

L’opinion des conseillers varie beaucoup et celle des individus investisseurs, encore plus. Aucun consensus à trouver sur ce point!

Rééquilibrer signifie ici : déplacer de l’argent vers ce qui a baissé et en retirer de ce qui a monté!

C’est ici que nous passons de la répartition « stratégique » à la répartition « tactique », c’est-à-dire à CT (court terme) illustrée dans l’image RAA06a par l’encart pointillé (en bas à gauche).

Cet élément est lié au niveau général des Bourses. Celui-ci, illustré ci-dessous, nous aidera à confirmer s’il est utile d’ajuster la répartition et à évaluer de combien. Le niveau général des Bourses sera calculé selon la valorisation en fonction des bénéfices des compagnies cotées. Nous utilisons ici la méthode de RBC Gestion mondiale d’actifs. Voilà des mots bien compliqués, mais simplifions-nous la vie en utilisant la méthode visuelle (image RAA06b ci-dessous).

La ligne noire du diagramme zigzague entre deux lignes grises. Si elle se rapproche de la ligne grise supérieure, le niveau boursier est plutôt haut et il pourrait être utile de réduire la part des actions. Plus le niveau est élevé, plus le risque de baisse de valeur augmente, engendrant des pertes. C’est ce que l’on a vu en 2000 (bulle technologique) et en 2008 (divers scandales dans les produits dérivés), alors que la ligne noire avait nettement dépassé la ligne grise supérieure.

Par contre, si notre ligne noire se rapproche de la ligne grise inférieure, le niveau boursier est plutôt bas et il pourrait être utile d’accroîtrela part des actions. Plus le niveau est faible, plus les chances de hausse de valeur augmentent, et incidemment les gains. C’est ce que l’on a vu en 2001 (après l’éclatement de la bulle technologique) et en 2009 (après la baisse due aux divers scandales), alors que la ligne noire avait presque dépassé la ligne grise inférieure.

En d’autres termes, la ligne noire, à travers toutes ses fluctuations, a toujours tendance à revenir à mi-chemin, c’est-à-dire à la moyenne entre les deux lignes grises.

Les ajustements tactiques pourront donc être modulés en fonction des niveaux boursiers.

  • Si ces niveaux sont très hauts, il pourrait être prudent de diminuer la portion en actions en deçà de l’objectif stratégique pour réduire les effets d’une baisse possible ou probable.
  • À l’inverse, si ces niveaux sont très bas, il sera probablement efficace d’accroître la portion en actions au-delà de l’objectif stratégique pour profiter d’une hausse possible ou probable.

Souvenons-nous toujours que les deux mouvements – hausse et baisse – sont possibles et que seul l’avenir nous dira ce qui adviendra.

Effectuons les corrections nécessaires à notre portefeuille de placement sans tomber dans les excès du « tout vendre » ou « tout acheter ». Effectuons des mouvements mesurés, modérés et calculés… et soyons prêts à nous en tenir à nos décisions. Et dans tout ce processus, ne nous fatiguons pas à chercher des précisions décimales!


Jean Dupriez, LL.L., DAE., Pl. Fin., est planificateur financier et membre de l’Association des MBA du Québec. Auteur de deux ouvrages, Le classement des documents personnels (2002) et Savoir choisir son conseiller financier (2010), il s’exprime régulièrement sur les enjeux de la profession dans son blogue sur Conseiller.ca.