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Tiré de formations certifiant des UFC

Sélection de fonds : l’importance de l’indépendance du gestionnaire
Voici comment l’évaluer.

Qu’est-ce qui pourrait donc nous faire croire et nous convaincre que le fonds A performera robablement mieux que le fonds B ?

Plusieurs critères entrent en ligne de compte. Parmi eux : l’indépendance du gestionnaire. De l’indépendance de qui s’agit-il? De la compagnie de gestion (une personne morale, une institution financière) ou du gestionnaire en titre (l’être humain qui prend les décisions)? De plus, que veut dire « être indépendant »?

Traitons d’abord de la compagnie.

Qui en détient les actions?

  • Les principaux dirigeants-fondateurs?
  • Un autre groupe financier?
  • Le grand public, si la compagnie est cotée en Bourse?

Nous considérerons qu’une compagnie de gestion est indépendante seulement si ce sont les gestionnaires et les directeurs qui en détiennent toutes les actions. Si tel est le cas, ces gestionnaires-actionnaires et ces directeurs-actionnaires pourront concentrer leurs efforts sur leur objectif principal : investir judicieusement l’argent de leurs clients, sans conflit d’intérêts! Un seul objectif : trouver de bons investissements.

Ces gestionnaires-actionnaires n’auront pas de conflit d’intérêts avec d’autres activités de leur groupe parce que :

  • Ils n’auront pas à se préoccuper de vendre de l’assurance. Ils laissent cela aux assureurs.
  • Ils n’auront pas à se préoccuper d’opérations bancaires et de solutions de paiement. Ils laissent cela aux banques et autres institutions semblables.
  • Ils n’auront pas à se préoccuper de l’exécution des transactions boursières. Ils laissent cela aux firmes de courtage.
  • Ils n’auront pas à se préoccuper de gestion de fiducie. Ils laissent cela à d’autres spécialistes.

Comme dit un proverbe populaire : « Chacun son métier, les vaches seront bien gardées »!

Nous dirons donc sur ce point : lorsqu’une compagnie de gestion se fait racheter par un grand groupe financier, attention, DANGER! Les gestionnaires des fonds sentiront tomber sur leurs têtes les ukases des vice-présidents responsables des « intérêts supérieurs » du groupe.

Résultat : danger de baisse de rendement des fonds gérés par cette compagnie, car l’institution financière incitera ou obligera tôt ou tard les gestionnaires, qui ne sont plus indépendants, à obéir et à se conformer « aux intérêts supérieurs » du nouveau maître. Quant aux intérêts « supérieurs » des clients investisseurs, ils risquent de devoir être reclassés comme « inférieurs ».

Un exemple : le courtier en valeurs mobilières ABC dépend du groupe bancaire DEF, qui contrôle aussi la compagnie de gestion HIJ. Le courtier a souscrit en bloc une nouvelle émission d’actions de la Compagnie Perlimpinpin (producteur de la poudre bien connue). Posons-nous légitimement la question suivante : n’y a-t-il pas un risque que le groupe DEF n’oblige la compagnie de gestion HIJ à acheter des actions de Perlimpinpin et à les placer dans ses fonds d’investissement pour arrondir les profits globaux d’ABC et de DEF?

L’intérêt du courtier ABC est de souscrire la nouvelle émission, peu importe la qualité réelle des actions de Perlimpinpin. L’intérêt du groupe DEF est de « gonfler » les revenus immédiats d’ABC. L’intérêt de HIJ est de n’acheter que des actions de qualité qui prendront de la valeur, ce qui accroîtra légitimement ses propres profits.

Un second exemple : les ventes « croisées » entre institutions cousines. Écoutez l’employé de la Grande Institution Financière dire à un jeune couple assis devant lui : « Je vous accorde un prêt hypothécaire pour acheter cette jolie maison qui vous rendra heureux, mais je veux que vous transfériez vos REER chez moi! » Cela sera-t-il rentable pour les REER?

Vers 1993, nous avons fait une petite étude lors de laquelle nous avons calculé le rendement des fonds d’investissement, corrigé par l’amplitude de leurs fluctuations. Lorsqu’un fonds présente plus de variations qu’un autre, le client s’attend à ce qu’il rapporte plus. Diviser le rendement par l’écart-type améliore la qualité de la comparaison.

À mon avis, les conclusions de cette analyse sont toujours valables aujourd’hui, même si l’écart entre les groupes comparés s’est un peu rétréci.

À l’époque, les services financiers canadiens reposaient encore sur leurs quatre vieux et solides piliers, indépendants l’un de l’autre : banques, assureurs, fiducies et gestionnaires indépendants.

Pour chaque groupe, nous avons aligné, sur un beau tableau Excel, les rendements sur un an, trois ans et cinq ans du plus gros fonds d’actions canadiennes de plusieurs institutions financières.

La constatation des résultats a été étonnamment facile et leur classement aussi. En tête (et de loin) : les indépendants, suivis, dans l’ordre, des banques et des fiducies, puis des assureurs en bons derniers. Ce fut un travail instructif et profitable : nous expliquions notre travail de recherche à nos clients établis et potentiels, ce qui nous a permis de développer une clientèle de qualité qui appréciait notre méthode.

Certes, le passé ne garantit pas l’avenir, MAIS il y contribue puissamment.

Et maintenant, traitons du gestionnaire lui-même, la personne physique.

Tout d’abord, la question qui tue : qu’est-ce qu’un gestionnaire de fonds d’investissement?

Depuis les cinq dernières années, alors que nous avons pris une semi-retraite, nous avons suivi avec intérêt l’invasion de l’humanité pensante par une armée de robots aux réflexes instantanés, répétitifs et préprogrammés. Nous pourrions écrire des dizaines de pages sur la non-intelligence des robots, mais cela nous écarterait de notre sujet. Revenons-y donc.

Un gestionnaire de fonds est un être humain et pensant, capable, de par sa formation et son expérience, d’analyser et de comprendre la valeur financière et sociale, actuelle et future, d’une action d’une compagnie dans une économie libre et concurrentielle.

Son indépendance sera souvent délicate à évaluer. Il travaillera souvent en « comité », ce qui pourra être utile, car il y a plus d’idées dans plusieurs têtes que dans une seule!

Son mandat de gestion devra être défini, mais devra aussi lui laisser une entière liberté de décision finale sur le choix d’acquérir ou de vendre une action donnée. En général, nous ne connaissons pas les détails du mandat d’un gestionnaire. Le mandat est généralement très libre, tout en respectant le cadre de la définition du fonds d’investissement géré. Dans les régimes de retraite, nous trouverons de temps à autre des mandats plus restrictifs et plus complexes.

Le titre des fonds est souvent vague. Quelle devrait être la répartition entre actions et obligations d’un fonds de « revenu et de croissance »? 50/50? 90/10? Le gestionnaire devra-t-il respecter des balises ou disposera-t-il d’une liberté totale?

Note : nous avons considéré ici le mandat d’un gestionnaire « actif » et non celui d’un gestionnaire « passif » dans son style de gestion. C’est là le grand débat de l’heure.

Pour nous, le dirigeant d’un fonds à gestion « passive » est plutôt un administrateur qu’un gestionnaire. Nous éliminons donc cette catégorie de fonds de notre débat.

L’indépendance du gestionnaire, autant la compagnie que l’être humain, est un élément capital dans notre procédure pour réussir notre sélection de fonds. Voilà donc une bonne règle à appliquer… avec discernement, car certaines grandes institutions financières finissent par comprendre que leur intérêt à long terme passe par la séparation de leurs activités de gestionnaire de leurs autres activités.

Oui, avec discernement, car il existe des exceptions, des exceptions qui confirment la règle… L’important est de sélectionner le bon fonds et non pas la bonne institution financière. Le meilleur fonds d’actions américaines ne se trouvera pas  nécessairement géré par la même compagnie que le meilleur fonds d’actions canadiennes.

Certains produits seront meilleurs que d’autres, mais ne tombons pas dans le travers de croire qu’une compagnie est meilleure qu’une autre. Il y a des différences, mais nous préférerons toujours sélectionner nos fonds par catégorie que par famille ou appartenance.

Petit rappel : un gestionnaire devra évidemment respecter le cadre du mandat qui lui est donné. Si le fonds en est un d’actions canadiennes (sans autre précision), il ne peut y placer des actions de compagnies chinoises ou chiliennes.

Revenons un instant à notre petite question posée au début de notre réflexion.

Que veut dire « être indépendant »? 

Cela veut dire : être libre et capable de prendre ses décisions seul, sans influence extérieure, sans pression de personnes dont les intérêts sont différents des nôtres.

Peu de gestionnaires le sont… tout en pensant l’être.


Jean Dupriez, LL.L., DAE., Pl. Fin., est planificateur financier et membre de l’Association des MBA du Québec. Auteur de deux ouvrages, Le classement des documents personnels (2002) et Savoir choisir son conseiller financier (2010), il s’exprime régulièrement sur les enjeux de la profession dans son blogue sur Conseiller.ca.