Accueil Breadcrumb caret Ma pratique Breadcrumb caret Carrière Breadcrumb caret Dossiers Breadcrumb caret Thématiques Clientèle orpheline : un défi de taille – deuxième partie L’heure de trouver des solutions constructives ayant comme objectif l’intérêt du client et la protection du public est arrivée. Par Sophie Stival | 1 décembre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023 7 minutes de lecture jirsak / 123RF Pour lire la première partie, cliquez ici Faible taux de rétention Le phénomène de la clientèle orpheline est multifactoriel. Le vieillissement de la population et des conseillers, conjugué à un problème de relève, sont des éléments à considérer, constatent les experts consultés par Conseiller. Et le nœud s’est peut-être formé au fil des ans en raison d’un taux de roulement élevé dans l’industrie. Denis Gobeille, M.Sc.R.I., conseiller en assurance collective et conférencier, a publié il y a quelques années, en partenariat avec la Chaire en assurance de l’Industrielle Alliance de l’Université Laval, un rapport sur la rétention des représentants en assurance de personnes. Les données qui datent de 2001 démontrent que le taux de rétention des recrues était de 24 % au début de la cinquième année. Autrement dit, trois recrues sur quatre ne sont plus dans le domaine à la fin de la quatrième année. Selon M. Beaumier, ce taux se situe aujourd’hui autour de 20 %. « À la Sun Life, le tiers des recrues sont encore en poste après quatre ans, ce qui est le meilleur résultat de l’industrie. Nous offrons une formation plus longue qui permet aux nouveaux représentants de se familiariser avec les produits avant de servir des clients », affirme-t-il. M. Beaumier concède que ces faibles pourcentages font état d’un problème. « Ce qui fait mal à l’industrie, ce sont les conseillers qui entrent dans le domaine pour deux, trois ans, pour faire un coup d’argent et qui partent ensuite. Ça crée des clients dans les inventaires et on ne sait plus quoi faire avec », explique-t-il. Toutes ces recrues qui abandonnent en début de carrière ont-elles une incidence importante sur le nombre de clients orphelins? « Pas nécessairement », met en garde Mme Di Stasio. Le taux de rétention des intermédiaires ne signifie pas qu’il y ait plus de polices orphelines. Et ceci pour la simple raison que la plupart des représentants abandonnent la profession avant même de terminer leur stage et d’avoir pu émettre une police seuls », précise-t-elle. Lorsqu’un novice quitte la Financière Sun Life, il laisse généralement moins d’une centaine de clients orphelins, estime Stéphane Beaumier. « Pour travailler dans ce domaine, il faut avoir des talents de vendeur, il faut être éduqué et bien comprendre la loi et l’impôt. Certains pensent qu’on vend de l’assurance comme on vend un sac de bonbons. On sait que c’est un peu plus complexe. D’autres entrent dans ce milieu en pensant faire un bon revenu et ils éprouvent des difficultés. Pourtant, plusieurs réussissent très bien et sont millionnaires. Ils ont bâti leur propre entreprise et font travailler plein de gens », rappelle Mme Di Stasio. Ni l’ACCAP, ni l’Autorité des marchés financiers (AMF), pas plus que la CSF ne disposent de statistiques quant au nombre de clients orphelins dans la profession. Processus d’attribution Lorsqu’un représentant quitte une firme, les polices d’assurance signées jusqu’au moment de son départ demeurent la propriété du manufacturier qui les a émises, et ce, même si le conseiller conserve ses permis et reste actif. Le client devenu orphelin recevra donc une lettre de l’assureur l’avisant du changement. Souvent, on lui propose de contacter le service à la clientèle pour toute question administrative liée à la police en vigueur. « Qu’il s’agisse d’un changement de bénéficiaire, du mode de prime, d’un rachat ou pour encaisser des dividendes, on n’appelle pas le représentant, mais directement le service à la clientèle, explique Mme Di Stasio. Si vous voulez voir votre représentant et qu’il n’existe plus, on va vous en référer un autre », ajoute-t-elle. M. Beaumier confirme cette procédure. La Sun Life envoie une lettre qui indique qui est le nouvel intermédiaire de même que son numéro de téléphone. Si aucun représentant n’a été choisi, le directeur des services financiers de la succursale est automatiquement désigné comme conseiller de service. « Le client n’est donc jamais orphelin », explique-t-il. Cette lettre mentionne également un numéro pour joindre le service à la clientèle. Un client orphelin n’est généralement pas attribué au dernier représentant qui a été embauché, puisque la Sun Life préfère que ses recrues se familiarisent avec les produits actuels et, par la suite, avec les anciens produits, affirme M. Beaumier. « Chacun de nos 22 centres financiers reçoit deux fois par année des rapports détaillant les volumes d’affaires de ses représentants. Nous déterminons ainsi quel conseiller a l’expérience, les permis et la structure lui permettant d’accueillir plus de clients. » La proximité géographique est également respectée. La Financière Sun Life exige de ce nouveau représentant qu’il communique avec le client orphelin dans les 30 jours suivant l’envoi de la lettre. « On souhaite ainsi établir un premier contact, répondre aux questions, déterminer les besoins et, idéalement, fixer un rendez-vous », explique M. Beaumier. Le nouveau conseiller qui accepte une clientèle orpheline endosse aussi la responsabilité de ce qui a été fait avant. « À moins qu’il n’y ait eu une fraude », nuance M. Beaumier. Pour cette raison, certains représentants refusent de servir des clients orphelins. Mme Di Stasio reconnaît que, dans le cas des assureurs qui font affaire avec des agents généraux, la clientèle orpheline pose problème. Le conseiller qui est parti reçoit les commissions de renouvellement alors que ce sont les agents généraux qui assument le service à la clientèle. « Ils sont moins contents. Mais il leur reste l’occasion de vendre d’autres produits, explique Mme Di Stasio. Mais dans bien des cas, même si le représentant est disponible, il n’aura rien à faire puisqu’aucun suivi n’est nécessaire. » M. Mailloux est le premier à reconnaître que tous les assureurs offrent un certain niveau de service à leurs clients orphelins. « On peut appeler et demander de l’information sur ses polices et les primes que l’on doit débourser. Le problème réside davantage dans le conseil. Comment savoir si je suis bien assuré, si j’ai de nouveaux besoins, etc. L’appel doit provenir du client orphelin », croit-il. C’est particulièrement vrai pour les petits joueurs de l’industrie qui sont majoritaires en nombre bien qu’ils se partagent une part réduite du marché. « On peut présumer que les sept ou huit plus gros assureurs que sont l’Industrielle Alliance, la Sun Life et les autres ont généralement un bon service de soutien (back-office). Ils ne sont pas exposés aux mêmes difficultés que les petits cabinets », remarque M. Mailloux. Solutions M. Mailloux espère que l’AMF interviendra afin de mieux encadrer cette clientèle qui n’a pas toujours droit à la même qualité de service que l’ensemble du marché. « Je souhaite cependant que cet encadrement soit aussi léger que possible, mais il doit tout de même en exister un. D’un point de vue déontologique, il est anormal de ne pas connaître l’ampleur d’un tel phénomène », ajoute-t-il. Le porte-parole de l’AMF, Sylvain Théberge, nous confirme par écrit que l’AMF est au fait du dossier des clients orphelins en assurance de personnes. Au moment de nos entrevues en octobre, l’AMF affirme que « ce dossier fait l’objet d’analyse et, pour le moment, l’Autorité n’a pas encore déterminé la position finale qu’elle pourrait prendre. Cela dit, l’Autorité des marchés financiers s’attend à ce que les clients dits “orphelins” reçoivent les services auxquels ils ont droit et que les éléments rattachés à leur police d’assurance soient honorés comme tout contrat le prévoit », rappelle M. Théberge. Selon Mme Di Stasio, l’industrie et l’AMF sont en réflexion depuis plusieurs années afin de déterminer si l’obligation de service qu’assument les agents généraux est suffisamment encadrée et, s’il y a lieu, qu’on change la rémunération. L’objectif étant d’assurer une continuité dans le service aux clients. « Ceci dit, il n’y a pas un manufacturier qui ne répondra pas à un client qui appelle pour une question administrative à son service à la clientèle », affirme-t-elle. Pour prendre de bonnes décisions, les clients doivent avoir un certain niveau de connaissances et des compétences. Selon M. Mailloux, les sondages démontrent que seuls 40 % des gens comprennent les enjeux financiers. Ils ont donc besoin des précieux conseils de leur représentant. « On ne peut prendre à la légère ce phénomène de clientèle orpheline. L’industrie doit se poser de sérieuses questions et faire les liens qui s’imposent. Le manque de relève et le faible taux de rétention sont des éléments à considérer », rappelle-t-il. L’AMF a le pouvoir d’examiner les contrats signés dans l’industrie entre les assureurs et les représentants, croit Me Farley. « Qu’elle se penche sur le dossier est une bonne nouvelle. Ça veut dire qu’elle constate qu’il y a un problème. L’ACCAP et tous les joueurs de l’industrie doivent aussi faire des efforts au lieu de s’en remettre uniquement aux régulateurs, affirme-t-elle. Tout le monde veut manger des omelettes, mais personne ne veut casser d’œufs. Questionnons-nous à savoir pourquoi de tels contrats ont été mis en place à l’origine? Vu la multitude de pratiques et de situations qui posent problème dans l’industrie, il est temps de trouver des solutions constructives en ayant comme objectif l’intérêt du client et la protection du public », résume Me Farley. Sophie Stival Sauvegarder Stroke 1 Imprimer Group 8 Partager LI logo