Corporation des professionnels en services financiers
Nouvelle voix pour les conseillers (partie 2)

Par Jean-François Venne | 18 décembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
5 minutes de lecture

<<<<< Page précédente

Le RICIFQ en mode attaque

C’est justement la volonté de la nouvelle corporation de faire de la représentation, notamment auprès des régulateurs et du public, qui soulève l’ire du Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ). Pour son président Flavio Vani, il n’est pas question d’accepter que cette nouvelle association vienne jouer dans leurs plates-bandes. « Le RICIFQ est la seule organisation à s’être constituée sous la Loi sur les syndicats professionnels, ce qui lui donne le droit de parler au nom de ses membres et de promouvoir et défendre leurs intérêts. Si une nouvelle corporation, qui n’est pas enregistrée légalement comme syndicat professionnel, tente de le faire, nous allons nous y opposer avec toute la force de la loi. »

La Loi sur les syndicats professionnels (chapitre S -40) que mentionne M. Vani stipule que ces associations « ont exclusivement pour objet l’étude, la défense et le développement des intérêts économiques, sociaux et moraux de leurs membres ». Elle dit aussi que ces derniers doivent payer une cotisation mensuelle d’au moins 1 $ pour appartenir à un tel regroupement. Or, les membres de la CSF deviendront automatiquement membres de la nouvelle corporation, et la Chambre lui versera des fonds pour la soutenir. En 2012, la CSF a déboursé 118 038 $ de redevances aux sections, soit une moyenne de 5 901 $ chacune.

De plus, la corporation, qui entend faire beaucoup de formation en ligne ou par l’entremise des sections régionales, conservera le droit qu’ont déjà ces dernières de se financer en vendant de la commandite. Sachant que le plus gros problème du RICIFQ a toujours été de recruter des membres et de se financer, on comprend que le bât blesse ! « Je refuse de voir une partie des droits que je paie à la CSF servir à ça », lance Flavio Vani. Ce dernier s’interroge aussi sur la réelle indépendance, par rapport à la Chambre, d’une association qui serait en grande partie financée par celle-ci. « Il serait prématuré de tirer quelque conclusion que ce soit concernant un processus qui est toujours en cours et dont les questions financières sont encore à être analysées. Nous aurons plus de détails à ce sujet au cours du premier trimestre de 2014 », répond la CSF à ce chapitre.

Mario Grégoire, lui-même un ancien membre du conseil d’administration du RICIFQ, est bien conscient de cette opposition farouche, qu’il déplore par ailleurs. « Le RICIFQ veut se mettre en travers de notre chemin et considère que nous n’avons pas le droit de parler au nom de nos membres, admet-il. Je crois au contraire qu’ils devraient se réjouir de voir arriver un autre représentant de la profession. » Pour l’instant, les règles de la CSF interdisent aux sections régionales de faire de la représentation, par exemple en présentant un mémoire lors d’une consultation publique.

Mais au-delà d’une rivalité entre deux associations, il semble exister des divergences plus profondes entre l’approche du RICIFQ et celle qu’entend adopter la corporation. Le RICIFQ se veut résolument revendicateur, et a souvent des positions tranchées sur des questions critiques, par exemple les commissions nivelées pour les agents généraux. Il met aussi de l’avant des projets qui, sans égard à leur mérite intrinsèque, ne font pas toujours l’unanimité dans la profession, comme l’idée de créer un ordre professionnel. Bref, le RICIFQ « brasse la cage », et ne craint pas de prendre les régulateurs ou les grandes compagnies à rebrousse-poil.

Rien de tel du côté de la nouvelle corporation, laquelle se présente sous un jour beaucoup plus conciliant. « Nous souhaitons travailler en partenariat avec les régulateurs, les intervenants politiques et nos fournisseurs, explique Mario Grégoire. Notre objectif n’est pas de contester, de revendiquer ou de faire de la petite politique. Nous ne souhaitons pas nous peinturer dans le coin avec des positions dures comme le RICIFQ. »

De telles différences de vue semblent difficilement conciliables, et pourraient augurer de relations futures orageuses…

Le chemin à parcourir

Mais avant d’en arriver là, il reste un bon bout de chemin à parcourir. La première étape sera évidemment d’ajuster le projet de départ en fonction des commentaires qui seront émis par la Chambre et les présidents des sections régionales. Mario Grégoire assure que le tout se fera dans la plus grande transparence. « La transaction ne doit pas nuire à la protection du public, dit-il. En ce sens, le rôle de l’Autorité des marchés financiers est bien sûr de surveiller tout ça de près, afin d’assurer, à la fois, la viabilité de l’association, la protection des cotisations des membres de la CSF et l’intérêt du public. »

En début d’année, la corporation présentera sa charte. Elle souhaite, par la suite, lancer son site web, lequel jouera un rôle fondamental pour la nouvelle association, notamment dans l’offre de formation continue. Dans la même période, une campagne de sensibilisation sera lancée afin d’informer les membres et de les inciter à appuyer le projet et éventuellement à y adhérer.

« Il n’y a rien de vraiment définitif pour l’instant, mais ça regarde très bien », conclut un Mario Grégoire ayant bon espoir de voir les nombreuses heures consacrées à ce projet finalement porter leurs fruits.

À lire : RICIFQ 2.0 : À la (re)conquête des conseillers

Jean-François Venne