Diversifier sans s’éparpiller

23 mai 2014 | Dernière mise à jour le 23 mai 2014
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« Bulls make money, bears make money, pigs get slaughtered. » (Les taureaux font de l’argent, les ours font de l’argent, les cochons se font plumer.) – Vieux dicton du monde de la finance

La crise de 2007-2008 a démontré à la fois l’importance et les limites de la diversification des portefeuilles. Regard sur une stratégie vieille comme la finance, qui continue pourtant d’évoluer.

« La diversification est vraiment un principe de base de la finance, rappelle Stéphane Chrétien, professeur titulaire de la Chaire Groupe Investors en planification financière de l’Université Laval. Il s’agit d’éliminer le risque spécifique à chaque position pour se concentrer sur le risque global du portefeuille. Cela rejoint aussi le principe de prudence que le conseiller doit respecter en gérant les finances de son client. »

Reste que les différents gestionnaires de portefeuille peuvent avoir des convictions assez différentes quant au degré de diversification qu’il convient d’établir et aux stratégies les plus efficaces.

Martin Lefebvre, vice-président, Stratégie de placement et répartition de l’actif à la Banque Nationale, avance que la stratégie traditionnelle vise à fournir à un investisseur un rendement se situant autour de 8 % à long terme. « Un portefeuille qui contient 60 % d’actions bien diversifiées dans le monde et 40 % d’obligations réparties entre différents secteurs permet de dépasser cet objectif de rendement quand ça va bien, et évite de trop baisser quand le marché des actions va mal », rappelle-t-il.

Perdre de vue lessentiel Voilà pour la stratégie traditionnelle. Mais Vincent Dostie, gestionnaire à Globevest Capital, met en garde contre ce qu’il appelle « le piège » du 60-40. « Il ne faut pas diversifier de manière trop mécanique, en optant seulement pour des obligations et des actions régulières, car on pourrait omettre des actifs intéressants », dit-il. Il donne l’exemple des options de vente couvertes sur de grandes compagnies du S&P 500 ou du TSX qu’offre Globevest. « Cela peut représenter une bonne manière de diversifier une partie d’un portefeuille », croit-il.

François Rochon, président et gestionnaire de portefeuilles à Giverny Capital inc., explique pour sa part que son équipe a une stratégie peu traditionnelle, très concentrée, misant beaucoup sur les actions. « En ce moment, le rendement des obligations couvre à peine l’inflation, rappelle-t-il. Sur un long horizon de placement, mieux vaut donc miser sur plus d’actions. »

N’est-ce pas risqué? Voilà une question qu’il doit entendre souvent, si l’on en juge par sa réponse déjà toute prête! « Les gens confondent souvent risque et volatilité, lance-t-il. Si une compagnie est de bonne qualité, la fluctuation de son action à court terme ne représente pas nécessairement un risque à long terme. Le risque, c’est qu’une compagnie fasse faillite. Il faut donc diversifier entre différentes compagnies pour s’en protéger. »

Selon lui, les gens qui pensent trop à la diversification, que ce soit entre les catégories d’actif ou les pays, passent à côté de l’essentiel : miser sur les bonnes compagnies. Ce qu’il illustre avec une métaphore sportive bien québécoise. « Je veux gagner la Coupe Stanley, donc je veux les 20 meilleurs joueurs dans mon équipe, peu importe d’où ils viennent », dit-il.

Obligation de diversifier… les obligations La volatilité des actions retient beaucoup l’attention des investisseurs lorsqu’ils pensent à diversifier leurs placements. La plupart se tournent vers les obligations pour sécuriser une partie de leur portefeuille. Ce qui n’est pas une mauvaise idée en soi. Sauf s’ils omettent de diversifier aussi leurs obligations.

« Un problème de diversification des obligations, c’est mortel, s’exclame Vincent Fournier, gestionnaire de portefeuille à Corporation de gestion de placements Claret. Avec une action, le potentiel de rendement est illimité, rappelle-t-il. Ce n’est pas le cas avec une obligation. Si on a une obligation qui donne 6 % de rendement, même si la compagnie va très bien, on va avoir seulement 6 %, à moins d’avoir une clause de conversion. Mais si la compagnie fait faillite, on perd 100 % de son investissement. Donc, pour avoir un rendement intéressant, il faut vraiment diversifier. »

Le faible rendement des obligations vient aussi affecter la diversification en fin de cycle d’investissement, explique Martin Lefebvre. « Auparavant, on allait vers elles pour protéger le capital et générer des revenus, mais en 2012 aux États-Unis, les obligations ont donné un rendement de 1,5 %. Ça nous amène à nous tourner vers d’autres solutions, comme des marchés boursiers moins volatils ou forts en dividendes. En ce moment, plus de la moitié des titres du S&P 500 ou du TSX offrent des dividendes plus élevés que les rendements des obligations. »

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