Le domaine de l’assurance prend graduellement le virage numérique

Par Bryan Borzykowski | 18 mai 2007 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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(22-05-2007)En 1983, lorsqu’Alan Atkins s’est lancé dans le domaine de l’assurance vie, tout devait encore être consigné par écrit. Quelque 25ans plus tard, les choses n’ont que très peu évolué. La firme continue d’avoir recours à des services de messagerie, ses employés remplissent des formules à la main; en fait, rien n’a vraiment changé. «Le domaine de l’assurance semble avoir pris une dizaine d’années de retard», souligne le conseiller financier principal chez Dundee Wealth Management.

Passer du papier au numérique demeure un défi de taille pour le secteur de l’assurance vie. Cependant, lors du séminaire annuel de la Canadian Life Insurance EDI Standards(CLIEDIS)qui se tenait le 11mai dernier, le groupe Canadian Insurance Transaction Standardization(CITS)- un organisme mis sur pied par la CLIEDIS dans le but de faciliter le transfert de données – a présenté le résultat de ses recherches.

Les participants en ont appris davantage à propos de «ce que les entreprises expérimentent lorsqu’elles intègrent le flux de données CITS Pending Case Transmittal et à propos des «problèmes de conformité et de confidentialité liés à la transmission électronique des données»(site Internet de la CLIEDIS).

Ce n’est toutefois rien pour inquiéter M. Atkins, qui dit avoir vu venir ce virage électronique depuis une bonne dizaine d’années. «De toute évidence, c’est quelque chose qui devait arriver un jour ou l’autre», souligne-t-il lors d’une conversation téléphonique à partir de son bureau de Barrie, en Ontario. «J’aurais cru que l’industrie se serait engagée dans cette voie depuis un bon moment.»

Jamie McGeachin, vice-présidente à l’exploitation chez Hub Financial et membre du projet CITS, a joué un rôle de premier plan dans l’implantation de nouveaux standards technologiques au sein du secteur.

Elle avoue que les membres du domaine de l’assurance se sont montrés quelque peu rébarbatifs, mais les choses ont maintenant pris leur envol. Selon elle, les distributeurs disposent maintenant des outils leur permettant d’accepter les flux de données, ce qui facilite grandement l’accès à l’information. L’avenir ne s’annonce pas facile pour autant. Inciter les fabricants à emboîter le pas, notamment, risque de s’avérer un défi de taille. «Les fabricants ne voient pas vraiment l’intérêt d’en faire une priorité dès maintenant», dit-elle.

Parmi les raisons invoquées, il y a le coût d’une telle opération. Bien que Mme McGeachin ne soit pas en mesure de fournir de chiffres exacts, il est facile de penser qu’un virage de la sorte, où les sociétés sont appelées à modifier leurs systèmes ainsi que leur façon de faire sur une base quotidienne, puisse se chiffrer en millions de dollars. Et malgré le potentiel à long terme(le traitement d’une formule papier coûte environ 400$ alors qu’il n’en coûte que 50$ pour le faire de façon électronique), il y a fort à parier que les actionnaires ne verront pas nécessairement la situation d’un bon oeil. «Personne ne veut se lancer en premier, car ils ne veulent pas risquer de compromettre leurs bénéfices» précise M. Atkins.

Par ailleurs, les autres membres du secteur financier ont investi d’importantes sommes afin d’avoir pignon sur rue sur Internet. Le secteur des fonds communs de placement a mis de côté les formules papier depuis bientôt 14ans pour se tourner en 2004 vers le format XML(le langage qu’on compte utiliser au sein du secteur de l’assurance). Le réseau FundSERV a quant à lui permis aux conseillers d’économiser temps et argent, des améliorations dont M. Atkins aimerait voir le secteur de l’assurance bénéficier avant de prendre sa retraite.

Toutefois, il y a bien plus à gagner que des économies de temps et d’argent en prenant le virage numérique. Bob Ferguson, vice-président au développement stratégique au sein de la firme torontoise Walton International Group, souligne que les clients auront ainsi accès à leur dossier en ligne. Les gens qui désirent consulter les dispositions de leur police doivent présentement communiquer avec un représentant et en demander une copie, ce qui peut parfois prendre des jours. Un nouveau système permettrait à l’utilisateur d’ouvrir une session en ligne et de consulter sa police immédiatement.

Le fait d’utiliser un ordinateur pour rédiger les polices permettrait également de réduire le nombre d’erreurs. Selon M. Ferguson, entre 30 et 40% des informations indiquées sur les polices sont erronées. Un nouveau système vérifierait les codes postaux ainsi que les numéros d’assurance sociale en plus d’avertir l’utilisateur si des informations sont manquantes.

Bien que Mme McGeachin espère recruter plusieurs nouveaux fabricants d’ici la fin de l’année 2007, plusieurs d’entre eux continueront d’effectuer leurs opérations à la main.

À court terme, les firmes qui n’auront pas pris le virage numérique ne souffriront pas tellement de la situation, affirme M. Ferguson. «Elles continueront de fonctionner comme auparavant, tout simplement», dit-il. Toutefois, en tournant le dos à la technologie, elles devront composer avec davantage d’informations inexactes et moins à jour. Éventuellement, il sera impossible d’effectuer la moindre tâche sans l’aide d’un ordinateur. «Une firme qui fait le choix d’effectuer ses opérations par écrit se coupe d’une partie de son potentiel.»

À l’heure actuelle, la CITS compte huit fabricants et onze distributeurs à son actif. L’organisme en question aide les sociétés à mettre en place des flux de données entre les fabricants et les distributeurs en plus de les guider tout au long du processus d’implantation. Mais avec 20fabricants et des centaines de distributeurs à l’échelle canadienne, il y a lieu de s’inquiéter du faible taux de pénétration de la CITS.

Ça ne semble toutefois pas inquiéter Mme McGeachin qui s’attend à ce que la transition se fasse graduellement. Les fabricants doivent d’abord offrir leurs données sous forme électronique, un virage qui s’est déjà amorcé selon elle. Elle hésite quant à la nature exacte de la seconde phase, mais croit que les distributeurs seront appelés à renvoyer les données aux fabricants. «Le rôle que joueront les transmissions électroniques sera beaucoup plus important qu’en ce moment d’ici trois à cinq ans.»

M. Atkins, pour sa part, n’en est pas aussi convaincu. «Avec du recul, on se rend compte qu’il y a beaucoup de bonnes intentions mais bien peu de réalisations», dit-il. Bien qu’il ait remarqué quelques améliorations mineures ici et là au sein de l’industrie, rien de majeur n’a retenu son attention. Où en sera le secteur dans cinq ans? «Le jour où je prendrai ma retraite, tout porte à croire que le secteur sera encore sensiblement le même.»

Bryan Borzykowski