Les conseillers, punching-bags émotionnels?

3 mai 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Contrairement à la croyance populaire, faire de l’argent n’est pas le but principal de l’investissement. L’argent est plutôt un moyen qui permet d’acheter des « cadeaux émotionnels ». Ces cadeaux sont toujours la sécurité, la liberté ou l’estime de soi. Ce sont les seules et uniques raisons pour lesquelles les gens investissent de l’argent. C’est du moins l’avis de Frank Murtha, administrateur-délégué à Market Psych LLC.

« Par conséquent, il est essentiel que les conseillers s’intéressent et minimisent les partis pris comportementaux de leurs clients », avance M. Murtha, dont la firme, formée d’experts-conseils, offre des formations poussées en finance et en psychologie clinique.

« Il n’y a rien de plus émotif et irrationnel que la relation qu’entretiennent les gens avec leur argent », dit M. Murtha, qui donne souvent des conférences à propos de la psychologie de l’investissement et de la finance comportementale.

Gérer des émotions… et de l’argent Selon lui, le terme « finance comportementale » n’est qu’une expression élégante qui signifie tout simplement « investissement émotif ». « Cela veut dire [pour le conseiller] traiter avec les émotions de ses clients, afin d’accroître son influence sur ces derniers », spécifie M. Murtha. Les conseillers devraient donc consacrer autant de temps à gérer les émotions de leurs clients qu’à gérer leur argent.

La crainte et l’avidité (ou l’appât du gain), qui sont toujours en contradiction l’une avec l’autre, sont les deux émotions en jeu lorsqu’il est question d’investissement. « La peur écrase l’avidité, il ne s’agit pas d’une lutte égale, puisque la douleur de perdre ainsi que son empreinte émotive sont deux fois et demie plus importantes que l’espoir de faire un profit », affirme Frank Murtha.

Les pertes financières et leurs conséquences sont comme des petits cailloux dans les souliers des clients, et ce sont les conseillers qui doivent les en débarrasser. « Il existe plusieurs recherches qui mettent de l’avant le rôle du conseiller, dit-il. Une des raisons qui rendent ce rôle si précieux est que le conseiller aide les clients à maîtriser leurs émotions. Les clients vivent une expérience deux fois moins négative quand ils font affaire avec un conseiller que lorsqu’ils se débrouillent seuls. »

Libérer les émotions des clients Souvent, le commun des mortels fait l’erreur en demandant à des personnes préoccupées de se calmer immédiatement ou à celles qui sont déprimées de retrouver le sourire. Ce n’est pas une bonne technique selon M. Murtha. « La meilleure chose que nous puissions faire n’est pas d’essayer de faire disparaître une émotion, mais de la laisser suivre son cours, explique-t-il. Elle disparaîtra d’elle-même. »

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Vos clients ont besoin de se libérer de leurs émotions. Sinon, ces dernières ne deviendront jamais malléables. Une fois la libération d’émotions effectuée, vos clients seront ouverts à vos recommandations et à vos raisonnements. « Le meilleur moyen d’y arriver, dit Frank Murtha, est de poser des questions à ses clients, de les laisser parler et surtout de les faire cracher le morceau. Sinon, toutes les émotions vont subsister. »

C’est ce qu’il appelle la « méthode Oprah », petit clin d’œil à cette approche souvent utilisée par l’animatrice américaine Oprah Winfrey, qui consiste à amener ses invités à se confier à elle. Cette approche, dit M. Murtha, peut aider les conseiller à rassurer leurs clients et à les conforter dans leur besoin d’attention.

Trois piliers de la relation conseiller-client S’intéresser à son client constitue l’un des trois piliers de la confiance sur lesquels repose la relation conseiller-client, selon lui. « Le client doit savoir que vous vous souciez de lui », rappelle-t-il. En partageant ainsi le désarroi de votre client, il devient plus facile d’ensuite de parler à son côté rationnel.

Le second pilier et étape suivante consiste à décrire ses craintes à votre client afin de vous assurer que vous les avez bien comprises. « C’est une étape subtile, mais qui est très importante parce que c’est payant d’être sur la même longueur d’onde que son client », précise M. Murtha.

Finalement, il faut faire preuve d’empathie. Une empathie sincère élimine toute trace de désarroi chez le client. Il faut se mettre dans ses souliers et lui prouver le bien-fondé de ses émotions.

Des phrases à bannir Beaucoup a déjà été dit et écrit sur ce qu’il faut dire aux clients. Frank Murtha va un peu plus loin et parle de ce qu’il ne faut surtout pas dire aux clients. C’est quelque chose qui aide les conseillers à éviter les conversations minées.

D’abord, il supplie les conseillers d’éliminer les phrases comme « Je sais exactement ce que vous ressentez » de leur vocabulaire. Quelqu’un qui utilise cette phrase risque de recevoir une réponse désagréable. Une meilleure formule serait, selon lui, quelque chose comme « Je ne peux seulement qu’imaginer comme vous vous sentez ».

Il suggère par la suite d’utiliser qu’à de rares occasions le mot « mais », quand vous vous adressez à des clients émotifs. « Si vous utilisez « mais » dans une conversation, vous venez d’invalider tout ce que vous avez dit au préalable », affirme Frank Murtha.

Dernier conseil, mais non le moindre : prendre des engagements et les respecter. « Parler ne coûte rien, ajoute-t-il. Ce que le client veut vraiment, c’est que vos paroles soient cohérentes avec les gestes que vous poserez. »Quand on parle de confiance du client, les conseillers qui promettent un mètre mais qui ne donne que des millimètres se tirent eux-mêmes dans le pied.

« Ce que vous promettez n’est pas important, en autant que vos clients voient une cohérence entre vos paroles et vos actions », conclut M. Murtha. Et s’il y a quelqu’un qui veut voir ce genre de résultats, c’est bien un client anxieux.

Ce texte est adapté d’un article paru sur Advisor.ca. Traduction par Anaïs Chabot.