Placement : trop optimistes, vos clients ?

16 avril 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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En moyenne, les investisseurs canadiens estiment que leurs placements boursiers généreront un rendement de 10 % cette année. C’est du moins ce que révèle un sondage BNN-CTV-Standard Life dont les résultats sont parus dans le quotidien The Globe and Mail.

Les personnes sondées ont souligné que les banques et l’énergie étaient leurs secteurs favoris. Le tiers des participants croient que les taux d’intérêt ne monteront pas cette année.

Surpris de l’optimisme des investisseurs canadiens, le Globe a demandé à Andrew Pyle, conseiller à la firme Scotia McLeod, de commenter la bonne humeur des investisseurs.

D’entrée de jeu, il a indiqué que cette prévision de 10 % pour les actions canadiennes n’était pas entièrement farfelue, mais il a émis plusieurs mises en garde. Depuis le creux de mars 2009, les actions ont bondi de 60 %, presque du jamais vu. Les marchés devront donc déployer des efforts importants pour produire un rendement supplémentaire de 10 %. Rendue au niveau actuel, dit Andrew Pyle, la poussée boursière pourrait s’essouffler rapidement si jamais des éléments de risque financier commençaient à poindre à l’horizon.

Le conseiller s’attend à ce que les portefeuilles diversifiés produisent des gains de 4 % à 6 % cette année. Un tel rendement se rapprocherait de la performance historique à très long terme des actions américaines. Selon les calculs du professeur Jeremy Siegel, du Wharton School of Business, celles-ci ont engendré un rendement réel (après inflation) de 6,8 % par année pour la période s’échelonnant de 1802 à 2006, en supposant que tous les dividendes aient été réinvestis durant plus de 200 ans.

Jeremy Siegel explique l’optimisme actuel des investisseurs par le fait que plusieurs d’entre eux ont vécu le plus grand marché haussier de l’histoire, celui de 1982 à 1999. Durant ces 17 années, les actions américaines ont généré + 13,6 % en moyenne par année, et ce, après inflation. Or, cet âge d’or des Bourses est unique dans les annales et les chances sont minces qu’on en connaisse un autre semblable avant longtemps.

De son côté, Andrew Pyle prévient les investisseurs de faire attention aux titres financiers canadiens. L’été dernier, la Financière Manuvie a annoncé une réduction de 50 % de son dividende. Voilà un message clair que les grandes institutions financières ne sont pas invincibles et qu’elles peuvent réserver de mauvaises surprises aux marchés. Il fait remarquer que les banques devront éventuellement se plier à des exigences réglementaires plus strictes et augmenter leurs réserves de capital. Ce sera de l’argent en moins à distribuer aux actionnaires. Également, il faudra voir dans quelle mesure ces nouvelles normes affecteront la rentabilité des banques.

En ce qui a trait aux taux d’intérêt, Andrew Pyle s’étonne qu’autant d’investisseurs puissent encore croire qu’ils ne monteront pas, alors que la Banque du Canada a signifié à plusieurs reprises que c’était inévitable.

Plus étonnant, les investisseurs qui anticipent une hausse des taux ne semblent pas prendre de mesures pour protéger leurs portefeuilles. En réponse aux rendements anémiques des obligations à court terme, ils se procurent des titres à long terme qui offrent des taux supérieurs. Le hic, c’est que la valeur de ces obligations chute rapidement lorsque les taux d’intérêt augmentent.

« Nos conseillers doivent expliquer à leurs clients qu’ils risquent de perdre de l’argent, même avec des obligations du gouvernement du Canada, lorsque les taux se mettront à monter », dit Andrew Pyle.

Évidemment, les investisseurs qui conserveront leurs titres jusqu’à l’échéance n’auront pas de problème. Par contre, ceux qui détiennent des titres dont l’échéance est prévue dans 15 ou 20 ans pourraient s’en mordre les doigts. En effet, s’ils doivent les vendre avant terme afin d’avoir des liquidités, par exemple, ils arriveront sur le marché au mauvais moment si les taux d’intérêt pointent vers le haut. La note pourrait être salée. Il faut donc être bien informé avant d’investir dans des obligations en période de hausse des taux.

Enfin, les investisseurs Canadiens manifestent de l’optimisme vis-à-vis de la force du huard qui demeurera, estiment-ils, près de la parité avec le dollar américain pour un certain temps encore. Dans cas, dit Andrew Pyle, ils devraient en profiter pour acheter des actions et des obligations américaines. Ainsi, lorsque le huard se dépréciera, ils réaliseront un gain sur la variation du change, en plus du rendement réalisé sur leurs titres.