Qu’est-ce qui fait peur aux conseillers?

Par Céline Gobert | 31 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Andrey Bortnikov / 123RF

Si les fantômes et les monstres figurent parmi les grandes peurs du commun des mortels, ce qui fait faire des cauchemars aux conseillers en services financiers est tout autre : krachs boursiers, pannes d’ordinateur, contrôles de l’Agence du revenu Canada, nouvelles règles de l’Autorité des marchés financiers (AMF)… Petit florilège, spécial Halloween!

Peur de faire une erreur

Les principales peurs et préoccupations d’un conseiller en services financiers dépendent de son profil et de son expérience, indique d’emblée Gaétan Veillette, Fellow administrateur agréé et planificateur financier au Groupe Investors, en entrevue avec Conseiller. Autrement dit, les craintes diffèrent en début et en fin de carrière.

Si un conseiller débutant peut redouter les cas qui dépassent son expertise, notamment sur les plans fiscal, financier et légal, ou avoir peur d’aborder une clientèle d’affaires plus expérimentée, un conseiller chevronné pourrait quant à lui être davantage préoccupé par la perte de ses acquis ou de clients importants.

Apprivoiser les nouvelles technologies peut également constituer un défi de taille pour le professionnel plus âgé. Un défi que le conseiller à la retraite Bernard Viau n’a pas hésité à saisir à bras le corps, ayant même déjà programmé des outils de gestion de comptes clients! « En ce moment, je suis également des cours d’informatique à distance sur les systèmes d’exploitation. »

Pour Jacques Brouillard, planificateur financier au Groupe Investors depuis 1997, le défi a plutôt été de se lancer sur les médias sociaux. « On y va graduellement, on fait des tentatives, on regarde les résultats, explique-t-il. En informatique, les conseillers ont tellement de formations, d’occasions de se mettre à jour! » En d’autres termes, vous n’avez aucune excuse de ne pas braver cette peur-là.

Peur des changements réglementaires et des vérifications-surprises

L’autre grand cauchemar des conseillers est de faire une erreur de conformité, ou de s’apercevoir qu’une révision du cadre réglementaire a des conséquences sur leur façon de travailler, indique Gaétan Veillette.

Bernard Viau acquiesce. Une « nouvelle paperasse de l’AMF à respecter », une vérification des autorités sur le plan déontologique ou une vérification-surprise de l’Agence du revenu du Canada ou de l’AMF figurent selon lui au sommet des angoisses des conseillers.

Pour Jacques Brouillard, le meilleur moyen de contrer cette peur est de s’assurer d’avoir les meilleures pratiques. « Même si l’on n’est pas parfaits à 100 %, il faut toujours chercher à s’améliorer ».

Peur d’un problème informatique ou de cybersécurité

Le vol de données. À l’heure des failles de sécurité touchant les banques et des piratages massifs (Equifax, bonjour!), le conseiller peut vite sentir monter en lui cette peur très contemporaine. Bernard Viau indique ainsi que le vol ou la perte d’un ordinateur portable, d’un téléphone cellulaire ou d’une clé USB qui contient des données personnelles reste l’une des craintes très répandues chez les conseillers.

Lorsqu’il était représentant en valeurs mobilières, il se faisait un devoir d’enregistrer ses données chaque jour. « Beaucoup de conseillers ne s’en préoccupent pas, mais s’ils se font voler… Certaines informations confidentielles ne se trouvent pas au siège social. »

Une autre menace plane sur les conseillers : le problème technique. L’ordinateur ou la tablette qui ne fonctionne pas devant le client, ou le réseau Wifi qui a des ratés pour une raison obscure vous donnent… la chair de poule.

Peur des imprévus

Crainte de perdre un associé ou un employé clé, d’être acquis par un compétiteur ou une société financière étrangère, d’avoir des revenus irréguliers : les imprévus ne sont pas vos meilleurs amis!

« Les revenus irréguliers, cela peut être difficile pour un débutant qui n’a pas encore de clientèle établie, mais une fois celle-ci bâtie, ce n’est plus un problème », tempère toutefois Jacques Brouillard.

Pour Bernard Viau, le départ à la retraite d’une adjointe qui travaille depuis des années pour le même conseiller peut constituer un défi important, voire une vraie catastrophe. « Je connais un conseiller dont le chiffre d’affaires avait chuté de 40 % au bout de trois ans! » Dans l’idéal, il faudrait pouvoir fonctionner avec deux ou trois assistants pour ne pas se retrouver coincé en cas de départ ou d’absence prolongée, estime-t-il.

Peur d’être injustement pris en défaut

Enfin, le conseiller a peur de tout ce qu’il ne peut pas contrôler : un krach boursier, un fonds de placement frauduleux qu’il aurait conseillé sans le savoir, ou encore une poursuite injustifiée.

Selon Jacques Brouillard, une bonne façon de se prémunir contre les complications collatérales est de s’assurer de toujours tout documenter. « Un conseiller fait du bon travail s’il documente ses discussions et transactions avec ses clients, s’il résume ses rencontres, s’il constitue un dossier. » Notamment avec les clients que l’on sent plus problématiques, ajoute M. Viau, bien d’accord avec son confrère.

Pour un représentant en valeurs mobilières, les jours les plus effrayants restent encore le troisième vendredi du mois, où les options arrivent à expiration, et, pire, le troisième vendredi du trimestre, date à laquelle les contrats à terme arrivent à échéance, indique-t-il. Pour lui, il est clair qu’un conseiller actif dans les produits dérivés ne veut pas être malade ces jours-là, car la volatilité est grande et, incidemment, les risques aussi.

ÇA S’ARRANGE…

Mais rassurez-vous, ces choses s’arrangent avec le temps et les peurs diminuent, conclut Jacques Brouillard, qui a 20 années de carrière au compteur.

Dans tous les cas, un conseiller doit s’organiser pour rester en contrôle, résume quant à lui M. Veillette. « Sans faire fi de ses peurs, le conseiller doit se comporter de façon à les dominer », poursuit-il.

Comment faire? « Il suffit d’adopter une attitude de gagnant. Il y a toujours des solutions à toutes les peurs. Un adage qui m’inspire est : ”Si tu ne fais pas partie de la solution, tu fais partie du problème”. »

En somme, vaut mieux être en mode action que réaction.

Céline Gobert