Accueil Breadcrumb caret Ma pratique Breadcrumb caret Carrière Breadcrumb caret Magazine Regagner notre dignité Il faut dénoncer davantage les agissements douteux, exhorte Daniel Guillemette. Par Daniel Guillemette | 1 novembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023 7 minutes de lecture nito500 / 123RF Je ne connais aucun conseiller qui n’a pas été affecté, de près ou de loin, par les dommages collatéraux découlant des nombreux scandales financiers auxquels nous avons assisté au cours des dernières années. De tels événements engendrent la méfiance face à notre profession, alors que la très vaste majorité d’entre nous carbure à l’idée de pouvoir partager nos connaissances avec la population afin de faire croître la richesse individuelle et collective. Nous sommes engagés dans une véritable relation d’aide envers un public qui est devenu incapable de le reconnaître. Ne pas fermer les yeux J’ai connu des représentants qui ont réussi à obtenir un permis, mais qui n’auraient jamais dû l’avoir, et je n’ai rien fait. J’ai rencontré des clients qui se sont fait pousser dans la gorge des produits qui ne leur convenaient aucunement par des conseillers aux mœurs douteuses et mes interventions se sont limitées à minimiser les dommages pour eux. Rien de plus. J’ai constaté la détresse psychologique de certains de mes collègues qui craquent sous la pression exercée par leur employeur pour qu’ils atteignent des objectifs de vente, sans égard aux besoins de leur clientèle. Là encore, je n’ai pas suffisamment réagi. À l’époque, peut-être aurais-je dû tenter d’alerter le conseil d’administration de mon association professionnelle pour qu’il mobilise à son tour les conseillers. Ensemble, nous aurions pu essayer de forcer des changements dans les pratiques des institutions financières. J’ai assisté à des stratagèmes douteux, dont plusieurs sont encore d’actualité, comme celui qui consiste à faire payer à un client une grosse prime d’assurance vie à même son portefeuille de placement géré par un courtier en valeurs mobilières, pour ensuite lui faire contracter un emprunt pour renflouer les sommes sous gestion. Le courtier ne perd rien, l’institution financière fait souscrire un prêt levier et tout le monde encaisse des commissions. Malgré que cela puisse être approprié dans certaines situations bien précises, je peux vous assurer que ce n’est pas le cas pour tous les dossiers semblables que j’ai analysés. Et je n’ai rien fait pour attirer l’attention sur cette situation préoccupante. J’ai vu des conseillers payer la prime des polices d’assurance vie universelle à coût d’assurance temporaire renouvelable annuellement (TRA) de leurs clients, sachant très bien que la commission engendrée par leur vente dépassait ce montant. J’ai vu des assureurs conscients de cette situation qui ont fait comme si elle n’existait pas. Ils ont même poussé le ridicule jusqu’à faire monter ces vendeurs véreux sur la première marche du podium dans leurs concours de vente et leur ont ainsi offert une belle occasion de faire croître leur ego. Je n’ai pas posé de gestes concrets visant à mettre un terme définitif à cette pratique lorsque j’y ai assisté. J’ai reçu des communications de certains assureurs incitant à leur faire parvenir des propositions d’assurance par courriel. Eh oui, des propositions contenant une foule d’informations ultra-confidentielles, par courriel. Une mine d’or pour les voleurs d’identité. Un risque élevé que plusieurs de mes collègues accepteront de prendre « parce que c’est l’assureur lui-même qui le recommande » et qu’ils n’ont aucune ou peu de connaissances informatiques, encore moins en ce qui concerne la cybersécurité. Une nouvelle fois, je suis resté muet. J’ai bien sûr réussi à conscientiser les utilisateurs du système expert iGeny Pro, que j’ai fondé, à la nécessité d’utiliser une voûte sécurisée pour les échanges de documents confidentiels avec leurs clients, mais ces répercussions demeurent tout de même limitées. Je reconnais avoir accepté de nombreux cadeaux au cours de ma carrière pour mes résultats de vente, dont la participation à une vingtaine de congrès partout sur la planète dans des hôtels hors de prix. On me disait qu’il s’agissait d’activités de reconnaissance que j’avais bien méritées et, à l’époque, j’étais d’accord. Et vous? Qu’avez-vous vu? Qu’avez-vous fait? Que n’avez-vous pas fait que vous auriez dû faire? Quand l’intégrité n’est pas au rendez-vous Fermer les yeux sur des situations qu’on sait inacceptables ou dommageables pour sa propre profession démontre un manque d’intégrité envers soi-même et ses collègues. Par mon silence, j’ai contribué directement au sentiment de méfiance que la population est aujourd’hui en droit d’entretenir à notre endroit. Je l’ai bien mérité. Je ne peux continuer à mettre tous nos malheurs sur le dos des responsables des scandales financiers, sinon rien ne changera. L’intégrité envers soi-même est certainement la plus difficile à maintenir puisque nous devenons à la fois le juge et l’accusé. Mais n’est-elle pas en même temps gratifiante à préserver? J’attire votre attention sur l’urgence de la situation, non pas sur son aspect dramatique, mais plutôt l’urgence de profiter de l’occasion de mettre en place les conditions nécessaires pour nous faire sortir de l’ombre et recommencer à briller. Notre profession a besoin de nous et de nos actions concrètes. Nous devons devenir les acteurs responsables du changement de paradigme. Je suis responsable J’aimerais vous proposer un exercice de transformation dont le principal objectif sera de redonner à notre métier ses lettres de noblesse et faire reconnaître que nous sommes de véritables professionnels de la santé financière, d’abord préoccupés par les besoins, les désirs et les passions de nos clients. Si vous êtes partants, la première étape consiste à déclarer ce qui suit à voix haute, pour vous-même. Sachez que je viens tout juste de faire cet exercice et que j’en ressens déjà toute la puissance. Le fait de lire en silence n’aura pas le même effet : « Je me déclare responsable de ce qui a engendré la méfiance de la population envers ma profession et je m’engage à faire tout ce qui est nécessaire pour rétablir la confiance perdue. » Si vous me lisez encore, nous sommes dans la bonne direction. Les grands changements doivent être provoqués Quand nous avons lancé le mouvement Asteris en 2018, nous avions un plan à court, moyen et long terme. À court terme, nous souhaitions éveiller les conseillers et les médias à la valeur de la transparence, de l’objectivité et de l’indépendance dans les services financiers. La plupart sont d’accord avec cette position philosophique. Malgré cela, ils ne sont pas prêts à apporter maintenant les changements nécessaires à leur pratique pour l’adopter en tout temps, notamment lorsqu’il est question de transparence au chapitre de leur rémunération. Plusieurs préfèrent attendre que ça leur soit imposé par la loi. De notre point de vue, le statu quo ne ferait qu’empirer notre situation à long terme. Ce sera trop facile pour les consommateurs de se dire : « Ben oui, les conseillers deviennent tout à coup pleinement transparents alors qu’ils ne l’ont jamais été. Et curieusement, ils le deviennent quelques jours à peine avant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation qui les y oblige. Bravo, les champions! » Je fais surtout référence ici à la vente de produits d’assurance de personnes, car les régulateurs ont déjà commencé à serrer la vis à l’industrie des fonds communs de placement. Nous pouvons malgré tout comprendre la réticence des conseillers à devenir transparents par rapport à leur rémunération. Pensons à cette controverse entourant la divulgation des commissions en assurance collective, qui dure depuis quelques années1. En dévoilant leur rémunération, certains conseillers craignent une pression à la baisse sur les commissions, voire une incitation pour les clients à faire directement affaire avec l’assureur. Ne soyez pas surpris qu’il y ait eu de l’opposition de leur part, au point où l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes a cédé et a retiré sa ligne directrice à cet effet2. Par souci d’intégrité envers nous-même, toute situation nuisible à long terme pour notre image doit être étalée sur la place publique afin que naisse enfin un débat sur les enjeux qui touchent l’ensemble des conseillers et que de véritables solutions à long terme en émergent. En ferez-vous partie? Daniel Guillemette est président de Diversico Finances humaines et membre fondateur d’Asteris. En collaboration avec ASTERIS* 1 Conseiller, « Divulgation de la rémunération : les courtiers se rebiffent », bit.ly/2lXYhA8 2 Conseiller, « Marche arrière dans la divulgation de la rémunération », bit.ly/2kqOvWM • Ce texte est paru dans l’édition d’octobre 2019 de Conseiller. Vous pouvez consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web. Daniel Guillemette Daniel Guillemette est conseiller en sécurité financière depuis 1984. Il a terminé ses études en fiscalité à l’Université de Sherbrooke en 2000. Il dirige plusieurs cabinets de services financiers qu’il a acquis au fil du temps, la première acquisition datant de 1996. En 2008, inspiré de ses propres besoins, il a commencé à s’investir dans le projet iGeny, une entreprise visant à augmenter son agilité, sa capacité à s’adapter aux conditions changeantes. iGeny commercialise aujourd’hui iGeny Form, iGeny Pro, ScanSquad et offre également aux conseillers un service d’adjointes virtuelles. Sauvegarder Stroke 1 Imprimer Group 8 Partager LI logo