Retraite des conseillers indépendants
Cordonniers mal chaussés ?

10 mars 2014 | Dernière mise à jour le 10 mars 2014
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Quelques solutions

Comment être à l’aise financièrement durant sa retraite ? Selon M. Guillemette, une bonne option est de vendre sa clientèle tout en continuant à œuvrer pour l’acheteur. C’est d’ailleurs ce qu’il a proposé à ceux dont il a acquis les clients. « On a créé des formules sur mesure pour chaque transaction. En plus du prix de vente, on peut donner un budget au conseiller pendant quelques années, afin qu’il nous présente à sa clientèle. Une autre option consiste à partager les risques, cela dépend des cas », explique-t-il. En tout état de cause, le conseiller restera actif et travaillera à son rythme dans les locaux de la compagnie de M. Guillemette. « Plusieurs conseillers sont restés avec nous : les plus jeunes ont 55 ans, et le plus âgé en a 81 », dit-il.

Jean-Yves Dupré, 66 ans, fait partie de ceux qui ont choisi cette solution. « Je ne voulais pas vendre à n’importe qui. Je connaissais Daniel de réputation et nous avons planifié la vente il y a plusieurs années de cela. Maintenant, je travaille trois jours par semaine dans ses locaux et je n’ai plus la responsabilité de la gestion du bureau. Je fais seulement ce que j’aime et je m’occupe uniquement de quelques clients », se réjouit-il, également heureux de pouvoir prendre davantage de vacances tout en sachant que sa clientèle est entre bonnes mains.

Autre piste de réflexion : à l’instar d’autres travailleurs autonomes, les conseillers indépendants pourraient-ils bénéficier d’un régime de retraite, par l’entremise d’une corporation professionnelle par exemple ? « En théorie, cela pourrait être une bonne idée, mais encore faut-il passer à l’action, dit Yves Boucher. Les membres de l’Union des artistes en ont un et cela semble bien fonctionner. Un certain montant est prélevé à la source par le producteur au moment où il verse son cachet à l’artiste, montant qui est ensuite versé dans la caisse de retraite. »

Quant à lui, M. Guillemette est plus dubitatif : « Je ne crois pas que les conseillers indépendants aimeraient que leur régime de retraite soit administré par d’autres. Ils ne veulent surtout pas être contrôlés », soutient-il.

Force est de constater qu’il n’y a pas de recette miracle : en l’absence d’un régime de retraite pour les indépendants, il faut se montrer prévoyant. La planificatrice financière Nathalie Bachand souligne avec justesse que moins l’on bénéficie d’encadrement pour sa retraite, plus il faut planifier rigoureusement.

Son confrère Martin Dupras, planificateur financier et fiscaliste, ajoute que pour prendre de bonnes décisions, on devrait éviter de penser en vase clos. « Lorsqu’on est incorporé, on peut se verser des dividendes ou un salaire. La réponse n’est pas toujours évidente. Si l’on ne considère que l’année courante, on peut penser que les dividendes sont plus avantageux d’un point de vue fiscal. Mais à long terme, on se prive ainsi de cotiser au Régime des rentes du Québec et à un REER, ce qui peut avoir un impact à la retraite », explique-t-il.

« Le choix dépend de plusieurs variables, poursuit Nathalie Bachand, notamment du revenu dont on a besoin. Si les dépenses personnelles sont basses, les dividendes peuvent être plus avantageux. Il faut aussi considérer l’âge : par exemple si l’on a 45 ans et que l’on a déjà cotisé pendant plusieurs années au Régime de rentes du Québec, cesser de le faire pourrait nous faire perdre des avantages. C’est du cas par cas. »

Est-ce une bonne idée de mettre en place une fiducie familiale et d’attribuer des dividendes à un conjoint et des enfants majeurs afin de fractionner le revenu ? Là encore, Martin Dupras conseille de voir à long terme. « Elle peut sembler peu pertinente en début de carrière, mais elle le sera peut-être dans une dizaine d’années. Il est préférable d’y penser tôt, car plus on attend, plus la création d’une fiducie sera coûteuse », fait-il valoir.

Autrement dit, en matière de retraite comme dans beaucoup d’autres domaines, la morale de la fable Le Lièvre et la Tortue s’applique parfaitement : rien ne sert de courir, il faut partir à point.