Un nouveau «conseiller» sans frais… et sans commission

18 octobre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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L’annonce de l’abolition, en 2012, des commissions versées aux conseillers qui vendent des produits de placement en Grande-Bretagne continue de susciter beaucoup de débat chez nous. Le projet de loi britannique prévoit, en remplacement des commissions, le paiement d’honoraires aux conseillers en retour des services rendus. Dès juillet 2012, toute forme de paiement basée sur un volume de vente sera également interdite en Australie. Grosso modo, les conseillers de ces deux pays seront payés sur une base d’honoraires, facturant au client un pourcentage des actifs sous gestion ou un tarif horaire. Au Canada, l’organisme FAIR, qui milite activement pour la protection des épargnants, s’est notamment montré favorable à un tel projet.

Mais voilà qu’un nouveau site Web propose aux épargnants d’ici « des conseils gratuits sur les finances et les investissements », lit-on en page d’accueil. Aucun employé ne travaille à commission, précise-t-on. Offert pour l’instant uniquement en anglais, le site Optimize.ca se présente comme le « premier conseiller financier en ligne au pays ». Entre autres services, Optimize.ca dit offrir à ses usagers des conseils financiers « impartiaux » (« unbiased », précise-t-on sur le site) en ligne, ainsi que la possibilité, pour ceux-ci, de créer en ligne leur propre plan financier; et ce, gratuitement. Une nuance importante toutefois : le site entend donner des conseils, mais ne détiendra pas les portefeuilles et les comptes de ses usagers, comme c’est couramment l’usage dans l’industrie.

« Sans souvent s’en rendre compte, les Canadiens déboursent chaque année des milliers de dollars en frais bancaires, commissions et autres, qu’Optimize.ca compte bien dévoiler au grand jour et abolir », déclare son PDG, Matthew McGrath. Vieux routier de Bay Street, le Torontois a déjà occupé le poste de vice-président à RBC Gestion de patrimoine. À cette époque, il supervisait la gestion de 150 millions de dollars que confiaient des clients fortunés.

Un modèle d’affaires différent Sans revenus tirés de toute forme d’honoraires, commissions ou autres frais, comment le site compte-t-il faire ses frais et dégager un profit ? En vendant des espaces publicitaires. Courant sur Internet, ce modèle d’affaires va à l’encontre des pratiques de l’industrie.

En fait, Optimize.ca ambitionne de répéter dans l’univers du conseil financier ce que les banques en ligne sont parvenues à faire dans l’industrie bancaire. « Ces institutions virtuelles ont refilé à leurs clients les économies découlant de l’absence d’un réseau de succursales, précise le site Web. Optimize fera bientôt bénéficier sa clientèle des mêmes avantages. »

Le camp des sceptiques « Les conseillers financiers “traditionnels” continueront d’intéresser une clientèle qui n’est pas intéressée ou qui ne ne sent pas habilitée à voir elle-même sa destinée financière, affirme Aaron Fennell, de Lind-Waldock, un cabinet de services de courtage qui a des bureaux à Montréal et à Toronto. J’ajouterais même que la complexité et l’évolution fulgurante des marchés financiers continueront d’exiger la présence de professionnels et de conseillers financiers chevronnés. »

Marc Lamontagne, de Ryan Lamontagne, le plus important cabinet de planification financière à honoraires à Ottawa, abonde dans le même sens. « Il est loin le jour où ces outils de calcul en ligne pourront rivaliser avec des plans financiers complexes que nous sommes en mesure de créer pour nos clients. »

Toutefois, plusieurs conseillers sont conscients que le contexte économique actuel ne joue pas nécessairement en leur faveur. Les rendements anémiques des 10 dernières années ont rendu les clients plus exigeants et plus soucieux des frais qui leur sont facturés.

« Ce type de sites intéressera sans doute le client féru de finances », ajoute Marc Lamontagne. Selon lui, les nouvelles technologies, au fil du temps, serviront davantage à enrichir qu’à remplacer la relation traditionnelle liant un conseiller à son client. Il n’en demeure pas moins que ce type de service est susceptible d’intéresser les investisseurs, de plus en plus nombreux, qui optent pour la gestion autonome de leurs avoirs. Preuve en est la croissance rapide des firmes de courtage à escompte.

Autorisations reçues Même s’il n’existe que sur Internet, un site tel Optimize.ca, qui fait notamment des recommandations de placement, doit obtenir les mêmes autorisations réglementaires que les cabinets ayant pignon sur rue. Matthew McGrath assure que son site est en règle. « Optimize inc. a reçu l’approbation des autorités provinciales en valeurs mobilières et est inscrite après de celle-ci en vertu du Règlement 31-103, en qualité de gestionnaire de portefeuille. » Par conséquent, Optimize Inc. est autorisé, en vertu de la Loi canadienne sur les valeurs mobilières, à proposer ses services pour tout type de titre, ajoute-t-il.

Le site compte bientôt enrichir sa gamme de services et offrir notamment des analyses de portefeuilles gratuites ou encore des services de planification financière.

« Il existe tellement d’organismes offrant des services-conseils que nous réglementons pas qu’il est difficile d’avoir une vue d’ensemble », souligne Connie Craddock, vice-présidente, Affaires publiques, OCRCVM. Elle invite toutefois les épargnants « à se montrer prudents, à faire leurs devoirs et à s’assurer d’obtenir des conseils d’une source compétente et indépendante ».

Adapté d’un article de Vikram Barhat paru en anglais sur le site Web Advisor.ca.