Comment parler de santé mentale avec les clients

Par Jonathan Got | 11 mars 2024 | Dernière mise à jour le 8 mars 2024
4 minutes de lecture
Trois cube en bois représentant trois émotions. Une main choisit celui affichant un sourire.
Inna Kot / iStock

Lorsque Aravind Sithamparapillai discute d’un plan financier avec ses clients, il peut constater en temps réel l’effet relaxant qu’il a sur eux.

« Je leur explique ce qui va fonctionner et où sont les incertitudes, et nous traçons la voie. Je vois alors leur langage corporel changer, explique Aravind Sithamparapillai, associé au sein de l’Ironwood Wealth Management Group. Je vois leurs épaules s’abaisser. On peut même voir la tension se dissiper sur leur visage. »

Ce phénomène – l’effet apaisant d’un plan financier sur l’esprit – a également été noté dans des recherches récentes menées par l’Association canadienne pour la santé mentale et Bridgehouse Asset Managers. Un sondage publié le 21 février révèle que neuf investisseurs sur dix qui ont un plan financier affirment que leur bien-être mental est excellent, très bon ou bon.

Selon le rapport, les conseillers sont particulièrement bien placés pour influer sur la santé mentale de leurs clients, en les aidant à envisager leur avenir financier avec optimisme et en les convainquant que leurs objectifs à long terme sont réalisables. 

Cet effet positif s’étend également à leur sommeil. L’étude montre que le simple fait de disposer d’un plan financier est un facteur important dans la qualité du sommeil d’un investisseur. Parmi ceux qui disposent d’un plan financier, les trois quarts disent qu’ils dorment bien la nuit.

Poser la « question du sommeil » peut être un excellent moyen d’identifier les préoccupations financières des clients, assure Carol Lynde, présidente et chef de la direction de Bridgehouse Asset Managers, à Advisor.ca dans un courriel.

« C’est un indicateur potentiel de l’existence de facteurs de stress importants qui affectent le bien-être mental », affirme-t-elle.

Mais un client peut ne pas toujours tout dire à son conseiller parce qu’il peut avoir honte, prévient Ron Malis, conseiller chez Reegan Financial à Toronto. Il s’occupe de clients handicapés et, s’il a l’impression qu’il se passe quelque chose d’étrange avec un client, il pose des questions qui peuvent sembler anodines pour le client, mais qui sont censées être des indicateurs de bien-être. Poser des questions complémentaires, dans un ordre très précis, peut aider à éplucher l’oignon.

« Ils ne se sentent pas menacés par ces questions, explique Ron Malis. C’est comme deux composés distincts qui pourraient être totalement inertes. Mais si on les mélange, ils deviennent un peu plus puissants. »

Par exemple, si un client a un fils handicapé, Ron Malis peut lui demander où il va à l’école. Si les parents disent qu’il a terminé le collège à l’âge de 21 ans et qu’il a été licencié de deux emplois depuis, Ron Malis pourrait en déduire que les parents craignent de devoir subvenir aux besoins de leur fils pour le reste de sa vie.

Les conseillers doivent écouter activement pour montrer qu’ils s’intéressent à ce qui est important pour le client. Se contenter de dire « faites-moi confiance » a l’effet inverse.  Cela signifie « ne posez pas de questions », avertit Ron Malis.

Pour savoir si la santé mentale d’un client est menacée, Aravind Sithamparapillai s’efforce de consigner dans ses notes des indices émotionnels et physiques. Il a étudié la manière dont d’autres secteurs prennent des notes et a appris que les thérapeutes utilisent la technique SOAP : subjectif, objectif, évaluation et planification. Il a donc adopté des catégories personnelles, financières, d’assurance-vie et autres dans ses notes.

« Avant, mes notes étaient de longs paragraphes, raconte Aravind Sithamparapillai. C’est une petite modification dans notre processus de prise de notes. Les notes ne sont plus mélangées sur des pages gigantesques. »

Si les conseillers doivent faire de la place pour avoir des conversations difficiles sur la santé mentale et la tranquillité d’esprit avec leurs clients, ils doivent aussi savoir où fixer la limite.

« Il est très important de savoir où commence et où finit mon expertise, souligne Aravind Sithamparapillai. Les deux choses sur lesquelles je m’efforce de me concentrer sont les suivantes : d’une part, leur donner l’occasion de parler de ce qu’ils ressentent et, d’autre part, essayer de leur donner autant de clarté que possible en ce qui concerne les chiffres. »

Les conseillers peuvent réorienter une conversation difficile sur un événement traumatisant en demandant si les avantages sociaux de l’employeur couvrent la thérapie et si elle s’étend aux membres de la famille, suggère Aravind Sithamparapillai. « Je ne suis peut-être pas la personne qui peut vous aider spécifiquement, mais je peux au moins vous rappeler que vous avez des ressources (…) sur lesquelles vous pouvez compter. »

Il raconte qu’il a déjà suggéré d’ouvrir un compte REEE pour répondre aux souhaits du conjoint décédé d’un client de laisser un fonds d’études à ses enfants. « C’est à ce moment-là qu’il devient vraiment important de trouver un équilibre entre les aspects émotionnels et techniques. »

Le sondage Bridgehouse a été réalisé en ligne entre novembre et décembre 2023 auprès de 1 500 adultes canadiens possédant au moins 25 000 $ d’actifs investissables, à l’exclusion des biens immobiliers.

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Jonathan Got

Jonathan Got est journaliste pour Investment Executive.