Commissions intégrées : « une discussion émotive »

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 27 avril 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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En matière d’encadrement, deux thèmes sont sur toutes les lèvres depuis des mois : l’abolition possible des commissions intégrées et les conflits d’intérêts. Et sur ces deux sujets, l’Autorité des marchés financiers (AMF) se dit à l’écoute, tant de l’industrie que des investisseurs.

À l’occasion du 11e Colloque de conformité organisé par le Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ) mercredi, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a défendu son approche.

« Concernant le document de consultation 81-408 sur les commissions intégrées, nous nous sommes concentrés sur deux aspects : les risques de l’abolition et les solutions de rechange au bannissement complet, explique d’entrée de jeu Hugo Lacroix, directeur principal des fonds d’investissement à l’AMF. Nous ne remettons pas en cause la valeur du conseil. Seulement, nous croyons que le système des commissions intégrées n’est pas parfait, qu’il comporte des effets pervers et que nous pouvons faire mieux. »

M. Lacroix admet qu’une méthode de rémunération directe ne serait pas non plus une option parfaite et affirme qu’aucune décision n’a encore été prise. Depuis le 2 septembre dernier, l’AMF a tenu 27 activités sur le sujet, dont quatre séances d’information, 18 rencontres pour échanger et deux colloques avec les membres de l’industrie, souligne-t-il. La conversation a parfois été émotive, mais toujours constructive, affirme-t-il, se disant très heureux qu’autant de gens aient répondu à l’appel, sans préciser combien.

« Je suis fier de l’intelligence que l’on réussit à rassembler au Québec, confie-t-il. C’est important pour pouvoir travailler dans la nuance. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais nous continuons à avancer. »

LA FIN APPROCHE

Prochaine étape dans ce dossier : une dernière réunion de consultation à l’occasion de laquelle l’industrie pourra s’exprimer sur ses inquiétudes et ses solutions. Chacun a jusqu’au 9 juin pour déposer un mémoire et la décision définitive des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) sera connue l’hiver prochain.

« À ce stade-ci, nous sommes ouverts à toute proposition, insiste Hugo Lacroix. Nous étudierons tous les arguments, le mieux étant qu’ils soient étayés par des exemples concrets, factuels. Mais la moindre piste de réflexion sera la bienvenue. »

ET 33-404?

La directrice principale de l’indemnisation et de l’encadrement des politiques de distribution de l’AMF, Louise Gauthier, est quant à elle revenue sur le document de consultation 33-404 sur le rehaussement des obligations des conseillers, des courtiers et des représentants envers les clients afin de lutter contre les conflits d’intérêts. Un dossier légèrement plus avancé puisque les mémoires ont tous été déposés et que l’AMF s’affaire aujourd’hui à en faire ressortir les grandes lignes.

« L’industrie continue à nous dire que l’intérêt du public doit primer sur celui des conseillers, dévoile-t-elle. Mais sur les commissions intégrées, par exemple, certains joueurs disent que la réglementation actuelle est suffisamment importante pour éviter les conflits d’intérêts et qu’il faudrait seulement se concentrer sur sa mise en application. D’autres mémoires nous demandent au contraire de nous pencher sur les mécanismes de rémunération et les incitatifs de vente. »

Du côté de l’AMF, on continue de croire que la règle actuelle n’est pas aussi efficace qu’escompté, peut-être à cause d’un manque de clarté. S’en tenir à la divulgation des conflits d’intérêts n’est pas suffisant, car la définition même d’un conflit d’intérêts grave diffère d’une personne à l’autre.

« On parle d’agir au mieux des intérêts de client, commente Mme Gauthier, mais qu’est-ce que cela signifie exactement? Nous savons que la norme n’est pas claire et que cela peut engendrer de l’incertitude. Nous avons également conscience de l’ampleur et de l’importance de cette réforme. Nous nous attaquons aux fondements de l’encadrement et nous comprenons que certains puissent avoir de sérieuses réserves. Les discussions ne sont pas terminées. »

VERS UN JUSTE MILIEU

Sur ce dossier, l’AMF désire en arriver à une harmonisation des positions. Et si elle n’y parvient pas?

« Je ne souhaite même pas y penser, répond Louise Gauthier. J’ai espoir que nous y parviendrons. »

Elle sait pourtant que certains ont un point de vue aux antipodes de celui des ACVM. L’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) croit notamment que le nouveau cadre réglementaire aura des effets négatifs sur les petits investisseurs, qui n’auront tout simplement plus accès à un conseiller.

« Il n’est pas question que les petits écopent, insiste Mme Gauthier. Les réformes que nous proposons ne doivent pas avoir pour conséquence que les petits clients ne soient plus desservis. »

Louise Gauthier a par ailleurs annoncé que les présidents des ACVM s’exprimeront publiquement à ce sujet « rapidement ».

Hélène Roulot-Ganzmann