Un investisseur conseillé en vaut quatre

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 27 avril 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Sur 15 ans, un investisseur conseillé par un professionnel des services financiers accumule près de quatre fois plus de capital que celui qui s’occupe seul de son épargne. Mais le projet d’abolition des commissions intégrées risque de freiner cet élan, selon un expert.

Une étude menée en 2013 par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) démontre en effet toute la valeur du conseil : un investisseur accompagné par un professionnel amasse très exactement 3,9 fois le capital d’un épargnant laissé à lui-même. Et cet impact augmente. La même étude menée en 2009 donnait plutôt un résultat de 2,73.

Claude Montmarquette, membre du CIRANO à l’origine de l’enquête, est revenu sur cette recherche désormais célèbre dans l’industrie lors du Colloque de conformité annuel du Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ), qui s’est tenu hier à Montréal.

« Un conseiller inculque la discipline, explique-t-il. C’est l’élément majeur. Si vous avez un conseiller pendant quinze ans, c’est que vous avez traversé avec lui des phases plus ou moins difficiles de votre vie. Il vous a permis de ne pas paniquer lorsque les marchés ont été volatils, voire se sont écroulés. Et il vous a poussé à épargner régulièrement. »

Et il s’agit là du deuxième aspect important. Le taux d’épargne détermine la valeur du capital à terme. Or, à revenu et situation équivalents, un individu conseillé va investir 20 % de plus qu’une personne qui le fait seule. Il va également placer son argent dans des produits ayant des rendements plus avantageux, dans des portefeuilles plus diversifiés, plus risqués également, au fur et à mesure qu’une relation de confiance s’installe avec son conseiller.

Certes, plus les revenus sont élevés, plus les bénéfices sont grands, mais les chiffres démontrent que dès le premier cent investi, l’épargnant gagne à travailler avec un conseiller, indique M. Montmarquette.

ABOLITION DES COMMISSIONS INTÉGRÉES : DANGER!

Une donnée d’autant plus importante à prendre en compte que le cadre réglementaire que les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) souhaitent mettre en place, notamment l’abolition des commissions intégrées, fera en sorte que les petits clients n’auront plus accès à un conseiller, estime une partie de l’industrie.

« On l’a vu au Royaume-Uni, indique Pierre Lortie, conseiller principal Affaires chez Dentons. Lorsque la nouvelle réglementation est passée, le taux de personnes qui investissent sans conseiller est passé de 33 à 67 %. Le nombre de conseillers indépendants a aussi fortement chuté. L’abolition des commissions intégrées a un impact sur les [revenus des institutions financières] et elles décident alors qu’il n’est pas intéressant [de conseiller les clients] sous un certain montant à investir. Au Canada, on estime ce seuil à 150 000 dollars. Qui a cette somme? »

D’autres études démontrent par ailleurs que les épargnants commencent généralement à utiliser les services d’un conseiller lorsqu’ils ont environ 20 000 dollars d’actif. Ceux-là devront dorénavant se débrouiller seuls, croit M. Lortie.

« On avance qu’au contraire, l’investisseur va pouvoir négocier au cas par cas avec les banques, ajoute-t-il. Mais c’est complètement faux. Quel poids aura-t-il pour le faire? Et sur quelle base? Chaque banque pourra faire ce qu’elle veut. Cela signifie moins de transparence, donc moins de concurrence. En Angleterre, le coût du conseil a augmenté ces dernières années. »

Une situation d’autant plus problématique que les régimes de retraite sont devenus moins généreux au fil des années. Quiconque souhaite préserver son niveau de vie à la retraite se doit non seulement d’épargner, mais aussi de faire fructifier ses avoirs.

« Ça fait une grosse différence au bout du compte, souligne Pierre Lortie. Si je reprends le chiffre de 3,9 démontré par l’étude du CIRANO, ça signifie qu’une personne [sans conseils] se retrouve avec 100 000 dollars quand l’autre a 390 000 dollars avec la même mise de départ. Est-ce vraiment cela que l’on souhaite? »

  • Au bout de 15 ans, une personne conseillée par un professionnel ayant un revenu annuel de 35 000 dollars ou moins aura accumulé un capital 166 % supérieur à celui d’une personne non conseillée.
  • Le taux monte à 348 % pour les revenus de 90 000 dollars et plus.
  • Parmi les gens qui avaient un conseiller en 2009, ceux qui l’ont abandonné en 2013 ont vu leur capital augmenter de 1,7 %, et ceux qui l’ont gardé, de 16 %.

Hélène Roulot-Ganzmann