Les incertitudes de la planification de la retraite

Par La rédaction | 20 novembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Incertitude, questionnement
Photo : alphaspirit / 123RF

Planifier la retraite d’un client a des points communs avec le fait de prévoir la météo, notamment parce qu’il ne s’agit pas d’une science exacte à 100 % et que les deux comportent une marge d’erreur, estime Jason Heath dans le Financial Post.

Détenteur du titre de CFP (Certified Financial Planner), ce planificateur de la firme torontoise Objective Financial Partners rappelle que « plus la période de prévision est longue, moins un plan financier est fiable », ce qui constitue une excellente raison de ne pas établir de scénario d’anticipation qui soit trop précis.

« La planification de la retraite n’aboutit pas à une solution unique. À l’instar de la météorologie, il s’agit d’une prévision qui repose sur le maintien de plusieurs facteurs », ce qui peut la rendre aléatoire, insiste le spécialiste, même si cet exercice aide un particulier à prendre de bonnes décisions aujourd’hui pour demain. « Comme le météorologue, un planificateur financier fait de son mieux, mais il n’a pas toujours raison », résume-t-il.

TENIR COMPTE DES ACCIDENTS DE PARCOURS

Après avoir lu une récente étude publiée par la Financial Planning Foundation intitulée The “Risk” of Ignoring Risks in Retirement Financial Planning, le Pl. Fin. note que « certains des risques et solutions [mentionnés dans le document] peuvent présenter un intérêt pour les retraités et les personnes s’approchant de la retraite ». La raison? « Les délais relativement longs inhérents aux stratégies financières individuelles offrent une occasion majeure pour que ces risques génèrent des effets cumulatifs importants et interactifs sur les résultats financiers que les gens vont subir », explique la fondation.

Plusieurs études ont en effet identifié qu’il était risqué de n’envisager qu’un seul avenir et de vouloir à tout prix donner une réponse unique, coulée dans le béton, notamment en ce qui concerne le montant nécessaire pour prendre sa retraite dans de bonnes conditions. « Il existe un risque réel de voir la planification financière se banaliser et qu’un plan financier devienne un produit comme un autre, par exemple une police d’assurance, qu’on achète une fois et dont on ne s’occupe plus », déplore Jason Heath.

En effet, met-il en garde, personne aujourd’hui n’est plus à l’abri d’un accident de parcours, notamment une perte d’emploi, qui, surtout en fin de carrière, peut avoir des conséquences dévastatrices pour un futur retraité. Sans compter d’autres chocs financiers, tels que le divorce ou l’invalidité, qui entraînent des coûts inattendus et peuvent donc être tout aussi néfastes.

CRITIQUE DE LA PLANIFICATION CONVENTIONNELLE

C’est la raison pour laquelle le document de la Fondation critique la planification financière conventionnelle, « qui consiste en une projection déterministe selon laquelle les rendements des investissements, l’inflation et les dépenses des retraités sont cohérents et linéaires, tandis que ces derniers meurent tranquillement de leur belle mort à 90 ans », explique Jason Heath.

Et même si certains planificateurs financiers utilisent des techniques comme la simulation de Monte-Carlo pour évaluer un large éventail d’investissements potentiels ou les résultats de l’inflation en fonction de données historiques, ou bien effectuent des tests de résistance pour évaluer les scénarios les plus défavorables, ce type d’approche présente lui aussi des risques, estime la fondation. En effet, indique-t-elle, il peut en résulter « des résultats extrêmes et improbables », qui entraînent ensuite une sous-utilisation des fonds ou une dépense excessive au moment de la retraite.

« J’ai constaté dans ma pratique que les estimations des dépenses annuelles faites par les retraités sont souvent inexactes, raconte par ailleurs Jason Heath. Sans l’aide d’un logiciel de budgétisation, que peu de gens utilisent, la plupart d’entre eux ont par exemple tendance à sous-estimer considérablement le montant de leurs frais de subsistance. Dans ces conditions, il est clair que même des techniques de modélisation financière sophistiquées peuvent ne servir à rien si des données aussi importantes sont incorrectes. »

Le problème, toutefois, est que les personnes qui consultent un planificateur financier risquent de ne pas revenir le voir chaque année pour réviser leurs stratégies d’investissement, relève la fondation. Et cela est bien compréhensible, croit Jason Heath, puisque « la planification financière a un coût, qu’il s’agisse d’un particulier qui embauche un professionnel rémunéré à l’acte ou d’une entreprise offrant une planification dans le cadre de la gestion de ses investissements pour un client ». « Nous aurions tous des dents plus saines si nous pouvions rendre visite au dentiste tous les trois mois, mais avouons-le, ce n’est peut-être pas possible pour tout le monde » résume le Pl. Fin.

« ESPÉRER LE MEILLEUR, PLANIFIER LE PIRE »

Celui-ci évoque ensuite deux des principales recommandations contenues dans l’étude de la fondation, à savoir retarder la participation des travailleurs au Régime de pensions du Canada (RPC) et ajuster les retraits de placements au fil du temps en fonction du rendement réel de leur portefeuille.

La recommandation de varier les dépenses en tenant compte des performances des placements réalisés constitue « une option intéressante », juge Jason Heath, qui rappelle qu’elle a déjà été explorée par d’autres experts en matière de retraite. « Sa prémisse principale est que, les années où les investissements sont médiocres, on réduit les dépenses, tandis que celles où ils sont performants, on peut au contraire les augmenter », détaille-t-il, ajoutant toutefois qu’une telle approche, qui implique des dépenses variables dans un budget, « peut ne pas plaire à tout le monde ».

« Les retraités n’ayant pas de grosses pensions ou ceux qui possèdent des portefeuilles d’investissement plus volatils doivent savoir qu’ils risquent d’avoir des revenus variables durant leurs vieux jours. Si les pensions à prestations définies se font désormais plus rares qu’auparavant, le report des pensions du RPC ou de la Sécurité de la vieillesse peut néanmoins aider à maximiser le revenu garanti des personnes les plus démunies. De même, des portefeuilles d’investissements de retraite plus prudents peuvent permettre une meilleure prévisibilité des éventuelles dépenses de retraite », détaille Jason Heath.

Sa conclusion? « Les techniques de planification de la retraite et de prévision météorologique s’améliorent avec le temps. La science de la planification de la retraite n’est pas sans rappeler la météorologie, étant donné qu’elle n’est pas exacte à 100 % et que toutes deux ont une marge d’erreur. Je regarde souvent la météo, mais j’ai toujours un parapluie dans ma voiture. La meilleure approche en matière de planification financière peut être sensiblement la même : espérer le meilleur, planifier le pire et prendre toutes les prévisions avec un grain de sel. »

La rédaction