Le RRI, intéressant mais pas incontournable

Par Pierre-Luc Trudel | 30 septembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : belchonock / 123RF

Boudé pendant longtemps, le régime de retraite individuel (RRI) a repris ses lettres de noblesse depuis la réforme Morneau sur la fiscalité des sociétés privées. Bien qu’il s’agisse d’un outil potentiellement très puissant pour la planification de la retraite des entrepreneurs, le bon vieux REER se révèle parfois l’option la plus avantageuse.

« Le RRI est revenu sur le tapis dernièrement. Avec le resserrement des règles sur les revenus passifs, les gens cherchent à sortir davantage d’argent des sociétés », a expliqué la planificatrice financière Nathalie Bachand lors du congrès 2019 de l’Institut québécois de planification financière (IQPF).

On peut définir le RRI comme un minirégime de retraite à prestations déterminées qui ne vise généralement qu’un seul haut salarié. Son principal avantage : il permet de verser des cotisations plus importantes que celles autorisées dans un REER.

Le RRI est encadré par deux lois : la Loi de l’impôt sur le revenu et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (RCR). Il n’est toutefois pas soumis à cette dernière s’il ne s’adresse qu’à une personne rattachée, c’est-à-dire une personne qui est propriétaire d’au moins 10 % des actions de la société ou qui a un lien de dépendance avec l’employeur, un conjoint notamment.

Dans le cas contraire, lorsque l’on veut intégrer un employé clé de l’entreprise par exemple, le RRI devra respecter la loi RCR. Cela compliquera grandement sa mise en place et sa gestion. Tout comme les régimes PD, le RRI sera alors soumis à la surveillance de Retraite Québec et tenu de combler les déficits. La société ne pourrait donc pas décider de suspendre ses cotisations une année où les résultats financiers sont plus modestes. « Pour ces raisons, je dirais que 99 % des RRI ne concernent que des personnes rattachées et ne sont pas enregistrées à Retraite Québec », précise Nathalie Bachand.

UNE QUESTION DE TIMING

Mis en place par un actuaire, le RRI est le plus souvent constitué sous forme de fiducie privée. Contrairement aux régimes à prestations déterminées, où les actuaires peuvent poser leurs propres hypothèses selon les caractéristiques démographiques du groupe, les hypothèses actuarielles sont pour la plupart imposées par la loi dans les RRI. Le taux d’actualisation (rendement futur attendu) est fixé à 7,5 % et une table de mortalité prescrite doit obligatoirement être utilisée, entre autres.

On le constate, le RRI est un outil d’épargne-retraite beaucoup plus complexe que le REER. Il génère aussi des coûts supplémentaires : entre 2000 $ et 4000 $ pour sa mise en place, et entre 500 $ et 1000 $ annuellement pour son administration, mentionne Nathalie Bachand.

Il comporte néanmoins des avantages, en premier lieu des cotisations annuelles maximales plus élevées. Contrairement au REER où elles sont fixes, elles varient en fonction de l’âge dans un RRI. Inférieures à celles autorisées dans un REER jusqu’à environ 38 ans, les cotisations permises atteignent leur sommet, à près de 45 000 $, à 65 ans.

Le RRI permet également de procéder à un rachat de services passés, c’est-à-dire de verser des cotisations pour les années où le régime n’existait pas encore. Pour ce faire, le salaire doit cependant avoir été versé par la société qui a mis en place le RRI. « Le salaire gagné au McDonald’s, ça ne fonctionne pas! », prend soin de préciser Nathalie Bachand. La rémunération obtenue sous forme de dividende n’est pas admissible au rachat de services passés non plus.

À noter également qu’un facteur d’équivalence (FE) sera appliqué aux années où le bénéficiaire du RRI a cotisé à un REER, de façon à ce qu’il ne puisse pas profiter des avantages fiscaux des deux outils à la fois. À ce chapitre, Nathalie Bachand mentionne qu’il est extrêmement difficile de racheter les cotisations des années antérieures à 1990 en raison de restrictions importantes.

Considérant la hausse graduelle de la cotisation maximale permise en fonction de l’âge et des règles fiscales entourant le rachat de services passés, tout est une question de timing avec le RRI. Selon les calculs de Nathalie Bachand, le moment optimal pour sa mise en place survient lorsque le participant a entre 45 et 53 ans.

METTRE EN PLACE UN RRI… POUR FINALEMENT LE TERMINER

De la même manière qu’un régime PD, un RRI est conçu pour verser des prestations une fois le participant à la retraite. Dans la réalité toutefois, peu de RRI le font réellement. Trois choix s’offrent au participant en matière de décaissement. Le plus populaire consiste à fermer le RRI et à transférer l’actif accumulé… dans un REER.

« Le transfert vers le REER est la solution adoptée dans la majorité des cas en raison de sa simplicité et de sa flexibilité », note Nathalie Bachand.

Cela dit, il sera généralement impossible de transférer l’ensemble de l’actif du régime sans impact fiscal. La stratégie à préconiser sera alors de décaisser le montant imposable dans une année où les revenus du participant sont moindres. Par ailleurs, si le RRI est enregistré à Retraite Québec, le transfert devra se faire vers un compte de retraite immobilisé (CRI), et non vers un REER.

Une autre option consiste à recevoir une rente mensuelle directement du régime. Cela implique que le régime continue d’exister. Le participant ne peut donc pas vendre ses actions, à moins que l’acheteur accepte de prendre en charge la gestion du régime. Peu populaire, cette option peut néanmoins être très utile dans un contexte de relève d’entreprise familiale. Par le biais du RRI, l’épargne-retraite du participant peut alors être transmise à la génération suivante sans impact fiscal. Une telle opération est impossible avec le REER, puisque l’actif qui y est détenu peut uniquement être roulé au conjoint.

La dernière option possible une fois arrivée à la retraite consiste à acheter une rente auprès d’une compagnie d’assurance. Bien que rarement utilisée, cette option permet de se simplifier la vie, puisque l’assureur prend tout en charge : le participant n’a qu’à percevoir sa rente tous les mois.

PLUS PAYANT OU PAS?

Au bout du compte, le RRI permet-il d’accumuler davantage d’épargne-retraite à long terme que le REER? « Les chiffres sont à l’avantage du RRI, mais pas de manière significative à très long terme dans la plupart des cas », indique Nathalie Bachand, qui a réalisé différentes projections pour en venir à cette conclusion. « Il faut prendre en compte que le RRI est un outil beaucoup plus complexe à suivre, et qu’il est de plus en plus encadré par la loi. Un petit oubli peut entraîner de lourdes pénalités. »

Bref, le REER a encore de beaux jours devant lui chez les propriétaires d’entreprise.

Pierre-Luc Trudel