Retraités : quelles stratégies fiscales pour payer moins d’impôt?

Par La rédaction | 23 mars 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Moins on paie d’impôt, plus on peut épargner pour la retraite. Alors que vos clients préparent leurs déclarations de revenus 2016, il serait utile de leur rappeler certaines mesures d’allégement fiscal prévues par l’Agence du revenu du Canada (ARC).

Soucieux d’honorer sa promesse électorale de réduire le fardeau fiscal de la classe moyenne, le gouvernement libéral a modifié certains crédits, déductions et prestations, comme le détaille une récente étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke. Selon la Chaire, ce sont les ménages avec enfant et les retraités qui profitent le plus des nouvelles règles, sauf dans le cas des personnes seules ou à faible revenu.

Parmi les nouveautés annoncées par l’ARC et par Revenu Québec pour la déclaration de revenus 2016 figurent certaines mesures concernant directement les aînés. En voici les principales.

1) Bonnes et mauvaises nouvelles pour les particuliers à la retraite

Tout d’abord, la mauvaise nouvelle pour les retraités québécois : comme le souligne Protégez-Vous, le seuil d’admissibilité au crédit d’impôt accordé en raison de l’âge passe désormais de 65 à 66 ans, avant d’augmenter à 67 ans en 2017, à 68 ans en 2018, à 69 ans en 2019 et à 70 ans en 2020 (voir ci-dessous). « Par conséquent, une personne ayant atteint 65 ans en 2016 (née en 1951) aura la très mauvaise surprise de constater qu’elle devra attendre jusqu’en 2020 pour avoir droit à ce crédit d’impôt […]. Toutefois, les personnes âgées d’au moins 65 ans en 2015 pourront continuer à profiter du crédit malgré ces changements », explique Sylvain Moreau, associé en fiscalité au cabinet Raymond Chabot Grant Thornton, au bureau de Laval. (Des changements ont été apportés depuis, en raison de la polémique entourant ce crédit d’impôt. Voir le point 2.)

Toujours au provincial, mais de manière plus positive, les 65 ans et plus qui possèdent une propriété depuis au moins 15 ans et ont subi une hausse « significative » de leur compte de taxes municipales ont maintenant droit à une subvention. La condition? Leur revenu annuel familial ne doit pas excéder 50 400 $.

Autre bonne nouvelle : le crédit remboursable pour maintien à domicile des aînés passe de 33 % à 34 % des dépenses admissibles de 19 500 $. Résultat, une personne de 70 ans et plus résidant seule de façon autonome chez elle pourra obtenir jusqu’à 6 630 $ pour des dépenses liées à l’entretien de sa propriété. Pour un couple autonome, ce crédit maximal grimpe à 13 260 $, contre 15 300 $ si l’un des conjoints est considéré comme non autonome, et 17 340 $ si les deux conjoints sont dans cette situation.

Du côté du fédéral, l’ARC détaille sur son site Web « les 11 crédits et prestations les plus courants pour les aînés ». Ce sont : le fractionnement du revenu de pension; le Supplément de revenu garanti; le régime enregistré d’épargne-retraite; le régime enregistré d’épargne-invalidité; le crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée; les frais médicaux; le montant en raison de l’âge; le montant pour revenu de pension; le montant pour personnes handicapées; le montant pour aidants familiaux; et le montant pour le transport en commun.

2) Polémique entourant le crédit d’impôt en raison de l’âge

Les réactions négatives se sont multipliées au Québec depuis la confirmation à la mi-février par le ministre des Finances, Carlos Leitão, d’une révision du crédit d’impôt accordé en raison de l’âge. Comme le rapporte Conseiller.ca, les quatre principaux organismes de défense de l’âge d’or dans la province, entre autres, sont montés au créneau pour exiger du gouvernement qu’il revienne sur « sa décision de priver 500 000 personnes aînées de leur crédit d’impôt ». Dans un communiqué conjoint publié en février, l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées, l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic (AQRP), l’Association des retraités et retraitées de l’éducation et des autres services publics du Québec et le Réseau FADOQ déplorent que, pour l’année d’imposition 2016, l’âge d’admissibilité soit passé de 65 à 66 ans.

Ils dénoncent également la volonté de Québec de hausser ce seuil graduellement jusqu’à 70 ans en 2020. « Chaque année, un peu plus de 100 000 personnes atteignent le cap des 65 ans. C’est donc dire que d’ici cinq ans, ce sera environ 500 000 personnes nées à partir de 1951 qui seront privées de ce crédit d’impôt », affirment-ils, soulignant que cela représente « une coupe de près de 300 millions de dollars sur le dos des aînés […]. Ce sont les gens à faible et modeste revenu qui sont les plus touchés par cette mesure budgétaire. Il faut rappeler au ministre des Finances, Carlos Leitão que le portrait des finances des aînés n’est pas aussi reluisant qu’il semble le croire », s’insurge par exemple l’AQRP. D’après des données de l’Institut Broadbent citées dans le communiqué, la pauvreté chez les aînés est passée de 3,9 % en 1995 à 11,1 % en 2013 au Canada. « Cette réalité est plus présente chez les personnes vivant seules, et pire aussi pour les femmes seules, dont 30 % sont pauvres », insistent les quatre organismes signataires du communiqué.

En réponse aux pressions du milieu associatif et des élus de l’opposition, le ministre des Finances a finalement lâché du lest en annonçant dans un premier temps que le prochain budget provincial comporterait des mesures fiscales pour dédommager les personnes âgées « les plus vulnérables » qui ne sont plus admissibles au crédit d’impôt en raison de l’âge, indique Radio-Canada. « Ce qu’on va faire, c’est mettre en place des mesures de nature fiscale qui vont compenser cette perte éventuelle. Ces personnes pourraient recevoir un montant qui serait l’équivalent de ce qu’elles ne recevraient pas », a alors déclaré Carlos Leitão, en précisant que la mesure pourrait s’appliquer rétroactivement. Mais devant la colère persistante des associations de défense des aînés et de plusieurs élus, le gouvernement a finalement jeté l’éponge et ramené à 65 ans l’âge d’admissibilité au crédit.

3) Personnes handicapées : tout sur l’impôt 2016

L’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) a annoncé en février la sortie d’un Guide des mesures fiscales provinciales et fédérales à l’intention des personnes handicapées, de leur famille et de leurs proches mis à jour pour l’année d’imposition 2016. Rédigé avec l’appui de Revenu Québec, de Retraite Québec et de l’Agence du revenu du Canada, ce guide a été conçu pour que le contenu soit facile à comprendre. « De telles collaborations s’avèrent indispensables afin de favoriser l’accès des personnes handicapées, de leur famille et de leurs proches à une information pertinente, fiable et conviviale concernant les mesures à leur intention. (…) Considérant le nombre de mesures fiscales existantes, dont certaines sont moins connues que d’autres, il est peu étonnant que la demande pour cet outil ne cesse de croître », a commenté Anne Hébert, directrice générale de l’OPHQ.

L’Office précise que la première partie du guide traite des mesures provinciales, tandis que la seconde détaille les mesures fédérales. Chaque partie inclut les sections suivantes : crédits d’impôt non remboursables; crédits d’impôt remboursables; déductions fiscales; exemptions et remboursements de taxes; autres mesures particulières pouvant s’appliquer. À noter que pour chacune de ces catégories, les mesures sont présentées sous forme de fiches qui décrivent leurs objectifs, leurs critères d’admissibilité, les démarches pour en bénéficier et les conditions qui s’appliquent. Les fiches contiennent en outre les coordonnées de l’organisation à laquelle un contribuable handicapé peut s’adresser pour obtenir les formulaires à remplir ainsi que des renseignements complémentaires.

4) Huit stratégies fiscales éprouvées pour obtenir un meilleur revenu de retraite

Dans un texte publié en février, Cheryl Norton, suggère aux professionnels du secteur de la finance plusieurs stratégies afin de permettre à leurs clients de « réduire au minimum leur impôt lorsqu’ils planifient en vue de la retraite ». La directrice du secteur fiscalité et planification successorale, distribution des produits de gestion de patrimoine, de la Financière Sun Life souligne que le fait de leur fournir « des stratégies de réduction d’impôt éprouvées » constitue « un excellent moyen de montrer la valeur de vos conseils et d’intensifier vos relations professionnelles », rappelant au passage qu’« en matière de planification de la retraite, il est important d’envisager l’impôt dans une perspective à long terme, au lieu de donner des conseils pour une année donnée. »

Les stratégies qu’elle recommande pour l’établissement des plans de retraite couvrent un large spectre de la population, puisqu’elles concernent à la fois les « personnes à revenu faible ou moyen » et celles « à revenu élevé ». Dans le cas des premières, Cheryl Norton tend à privilégier le compte d’épargne libre d’impôt (CELI), surtout si elles n’en ont pas encore ouvert un. En effet, justifie-t-elle, « dans les tranches d’imposition inférieures, la déduction au titre d’un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) n’est pas significative; les gens en ont moins pour leur argent. » Autre intérêt du CELI : « Au moment de retirer leur épargne, il n’y a pas de feuillet d’impôt, donc si les clients reçoivent toujours un revenu faible à la retraite, ils obtiendront vraisemblablement des prestations plus élevées de l’État. » En revanche, dans le cas des contribuables mieux nantis, Cheryl Norton juge que « les REER sont vraiment avantageux pour ces personnes, surtout si leur revenu se situe dans la tranche d’imposition la plus élevée. Cette stratégie est particulièrement efficace si un client gagne plus de 200 000 $ et a des droits de cotisation inutilisés », souligne-t-elle.

Les autres « recettes » qu’elle propose concernent le fractionnement du revenu, la protection du remboursement de capital, la vente à perte à des fins fiscales, la constitution en société d’une entreprise, la récupération de la prestation de la Sécurité de la vieillesse, ou encore l’affectation des actifs des clients. Dans ce dernier cas, un client approchant de la retraite peut avoir intérêt à placer ses actifs assujettis à l’impôt à un taux élevé dans des comptes à l’abri du fisc. « Par exemple, il convient d’affecter principalement les obligations à des REER et à des CELI, car l’intérêt qu’elles versent est entièrement imposable » explique notamment Cheryl Norton, qui ajoute que les clients « qui ont des droits de cotisation inutilisés après avoir souscrit leurs obligations pourraient songer à acheter des actions ».

5) REER ou CELI : il faut choisir judicieusement

Même si la date limite pour cotiser à un REER a expiré à la fin du mois de février, les calculs auxquels s’est livré Claude Lafleur dans Le Devoir demeurent tout à fait pertinents quand vient le temps de planifier une stratégie d’épargne-retraite. Y placer une somme d’argent sert à réduire ses impôts aujourd’hui… mais qu’en sera-t-il plus tard?, s’interroge-t-il. Et la réponse n’est pas aussi évidente que monsieur et madame Tout-le-monde pourrait croire.

Ainsi, un particulier qui paie 37 % sur ses revenus imposables qui placerait 1 000 $ dans un REER « épargnera » certes 370 $ en impôt, explique le journaliste. Sauf qu’il devra payer de l’impôt sur ces 1 000 $ lorsqu’il les retirera au moment de la retraite et, à ce moment-là, il risque d’être toujours imposé au même taux de 37 %! En effet, argumente Claude Lafleur, tant que ses revenus imposables demeurent compris entre 45 000 $ et 85 000 $, il doit verser aux gouvernements 37 % de ceux-ci. Or, si ses gains s’élèvent aujourd’hui à 65 000 $ et qu’ils baissent à 50 000 $ au moment de sa retraite, par exemple, son taux d’imposition restera à 37 %… et il devra donc reverser à Québec et à Ottawa les 370 $ qu’il aura épargnés – tout en se privant des 630 $ qu’il aurait pu employer autrement. « Dans ce cas, l’idée d’investir dans son REER afin d’économiser de l’impôt perd son sens », observe le journaliste.

D’autre part, met-il en garde, selon le total des revenus imposables dont un particulier disposera une fois à la retraite, il pourrait aussi être admissible au supplément de revenu garanti (SRG). Mais attention, car les sommes qu’il aura placées dans son REER et qu’il retirera alors s’ajouteront à ses revenus de retraite et, dans ce cas, il se pourrait que son régime enregistré le prive du SRG. La solution? Si ces mêmes économies avaient été placées dans un CELI, il ne serait pas pénalisé puisque cet argent n’entre pas dans le calcul d’admissibilité au SRG.

« Voilà qui illustre la nécessité de planifier soigneusement, et longtemps à l’avance, sa stratégie d’épargne‑retraite afin non seulement de ne pas payer plus d’impôt qu’il n’en faut, mais également pour ne pas se priver de sommes auxquelles on aurait autrement droit la retraite venue », conclut Claude Lafleur. Celui-ci précise néanmoins que le REER demeure une option intéressante même dans le cas d’un particulier imposé à 37 % dans la mesure où il lui permet de faire fructifier une somme qu’il aurait autrement directement versée aux gouvernements. Reprenant l’exemple du 1 000 $ qu’il aurait placé dans son régime, il souligne que les 370 $ restés dans les poches (plutôt que d’aller dans celles des gouvernements) auront eu le temps de « faire des p’tits » durant les décennies menant à la retraite.

La rédaction