Quels risques légaux pour les investissements dans la cryptomonnaie?

Par Me Maxime Alepin | 2 mai 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le bitcoin est présentement une des cryptomonnaies les plus populaires. Cette monnaie virtuelle, qui n’a pas cours légal au ­Canada, est entièrement décentralisée, c’­est-à-dire qu’elle ne provient d’aucun émetteur spécifique et ne se rattache à aucun pays ou devise nationale en particulier.

À ce jour, il n’y a pas de loi fédérale ou québécoise encadrant spécifiquement la cryptomonnaie. Les monnaies virtuelles ne constituent donc pas en soi des valeurs mobilières selon la ­Loi sur les valeurs mobilières (LVM). Toutefois, toute cryptomonnaie qui serait, dans les faits, une composante d’un contrat d’investissement au sens de la ­LVM pourrait être soumise à cette loi, de même que toute personne qui exercerait des activités de courtier en lien avec ce type de contrat.

Bien que la cryptomonnaie ne soit pas illégale en soi au ­Québec, elle présente de nombreux risques, ce qui explique pourquoi l’Autorité des marchés financiers (AMF) a averti les investisseurs de faire preuve d’une grande prudence avant de s’y intéresser. Par ailleurs, les transactions comportant de la cryptomonnaie ne sont pas couvertes par le ­Fonds d’indemnisation des services financiers ni par le fonds d’­assurance-dépôts.

Au fédéral, les ­Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié, le 24 août 2017, l’Avis ­46-307 concernant les cryptomonnaies et les lois applicables sur le territoire canadien en matière de valeurs mobilières, traitant plus spécifiquement de l’encadrement des émissions de devises virtuelles. De plus, le gouvernement canadien envisagerait, dans un avenir rapproché, d’apporter des modifications à la ­Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes de façon à pouvoir éventuellement régir les entités qui feraient le commerce de cryptomonnaies.

QUELQUES AVERTISSEMENTS

L’AMF énonce cinq risques que pose le fait d’investir dans le bitcoin :

  • Le risque de volatilité, car le bitcoin n’a pas d’encadrement officiel et repose uniquement sur l’offre et la demande. Sa valeur peut donc fluctuer très rapidement.
  • Le risque de liquidité : échanger le bitcoin contre de la monnaie qui a cours légal peut être un processus très complexe, comme il s’agit d’un concept relativement nouveau et qu’aucun organisme de réglementation n’a encore statué sur sa valeur légale.
  • Le risque technologique et opérationnel : piratage informatique, vol d’actifs, etc.
  • Le risque juridique, car l’absence de cadre légal peut engendrer des difficultés supplémentaires quand vient le temps d’interpréter ou d’appliquer un contrat impliquant de la cryptomonnaie, par exemple.
  • Le risque de participation à des activités criminelles, comme la fraude, le blanchiment d’argent ou le terrorisme. À titre d’exemple, un particulier pourrait faire un investissement par l’intermédiaire d’une plateforme liée à d’autres activités qui seraient illégales, ou bien acheter des biens liés à des activités criminelles en payant avec des bitcoins.

LE DROIT CIVIL QUÉBÉCOIS 

L’article 13 de la ­Loi sur la monnaie indique que les actes et opérations relatifs à une somme d’argent se font d’après la monnaie canadienne, la monnaie étrangère ou toute unité de compte définie par rapport aux monnaies de plusieurs pays.

Dans ce contexte légal, le bitcoin ne peut donc être considéré comme une somme d’argent au sens du droit civil québécois, mais peut, toutefois, être considéré comme constituant un bien meuble incorporel au sens du ­Code civil du ­Québec (certains auteurs évoquent le digital ­math-based asset, ou actif numérique basé sur les mathématiques).

Par exemple, dans le cas de la vente projetée d’un bien, le vendeur prévoit transférer la propriété d’un bien à l’acheteur, qui devra lui remettre une somme d’argent en retour, suivant l’article 1708 du ­Code civil du ­Québec. À la lumière de ce qui précède, l’acheteur ne pourrait, sur le plan légal, conclure un contrat de vente au sens du ­Code civil si son intention est de payer le prix d’achat seulement avec de la cryptomonnaie. Toutefois, cette transaction pourrait être considérée comme du troc, c’­est-à-dire un contrat d’échange de biens, tel que visé par les articles 1795 à 1798 du ­Code civil du ­Québec.

LES RÈGLES FISCALES 

L’Agence du revenu du ­Canada (ARC) a pris position, dans son document d’information ­Que ­devez-vous savoir à propos de la monnaie numérique ?, à l’effet que, dans le cadre de l’acquisition de biens ou de services en contrepartie de cryptomonnaie, cette transaction sera considérée comme du troc aux fins de l’application de la ­Loi de l’impôt sur le revenu. À titre d’exemple, le commerçant qui aura été payé en monnaie virtuelle devra inclure dans ses revenus la valeur des biens dont il aura transféré la propriété ou des services qu’il aura fournis.

Dans le cas où une personne procéderait à l’acquisition et à la vente de cryptomonnaies, ce sont les règles fiscales générales qui s’appliqueront. Il faudra alors déterminer si tout gain découlant de telles opérations, le cas échéant, constitue un revenu d’entreprise ou un gain en capital.

La cryptomonnaie, bien que controversée, reste importante avec l’arrivée des nouvelles technologies comme celle de la blockchain (chaîne de blocs). ­Celle-ci ne sert pas uniquement à créer de la monnaie virtuelle. Plusieurs centres d’expertise en la matière, dont ­Catallaxy à ­Montréal, offrent de préparer les entreprises afin d’effectuer une transition vers cette technologie. Reste à en voir le plein potentiel et tous les usages possibles.

maxime_alepin_thumb_150x150 Me Maxime Alepin et Me ­Yves ­Paquette sont avocats et ­Camilia ­Minville est stagiaire en droit chez ­Alepin ­Gauthier ­Avocats ­Inc.

­Ce texte contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat qui tiendra compte des particularités de la situation de vos clients.


• Ce texte est paru dans l’édition de mai 2018 de Conseiller.

Me Maxime Alepin