Coronavirus : la théorie des dominos

9 mars 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Ca-ssis / istockphoto

L’épidémie en cours de coronavirus constitue « un choc d’offre », car elle a commencé à désorganiser les chaînes d’approvisionnement un peu partout dans le monde, constate ZoneBourse.

Le site web français en veut pour preuve une récente étude effectuée par le bureau d’analyse financière AlphaValue, qui a passé en revue les points qui pourraient transformer cette crise sanitaire majeure en crise économique mondiale. « En d’autres termes quel(s) serai(en)t le(s) premier(s) domino(s) à tomber si la panique s’en mêle? », s’interroge ZoneBourse.

Ce dernier fait ensuite référence à l’économiste américain Hyman Minsky (1919-1996), auteur d’études consacrées aux crises financières et à leurs liens avec les cycles économiques. Salués par l’ancienne présidente de la Fed, Janet Yellen, les travaux de l’universitaire portaient notamment sur l’endettement des ménages.

« JUSQUE-LÀ, TOUT VA BIEN… »

Sa théorie? Après une crise, les institutions financières se montrent en général très rigoureuses dans leur politique d’octroi du crédit. Puis, avec le retour de la croissance, elles prennent davantage de risques, et enfin, dans une troisième phase, les bons résultats économiques entraînent une forme de laxisme. C’est à partir de ce moment-là que peut survenir le « moment Minsky », une expression forgée par Paul McCulley, ex-économiste pour Pimco, soit « un événement qui va provoquer un réveil brutal des agents économiques sur le couple endettement/risque », rapporte ZoneBourse.

Pour mieux illustrer ce stade précis de déliquescence de la planète finance, l’économiste Paul Krugman utilise le dessin animé Bipbip, explique le site : « Le “moment Minsky”, c’est quand le pauvre coyote se rend compte qu’il court au-dessus du vide, juste avant de chuter au fond du canyon. La crise éclate. Après cette phase, les banques repassent en mode ultra-restrictif, aggravant encore la situation. »

Se demandant si le coronavirus pourrait entraîner un tel scénario, ZoneBourse répond par l’affirmative. Sur la base des résultats obtenus par AlphaValue, le site estime que le maillon faible en 2020 pourrait être le marché du crédit des économies des pays industrialisés. « Maintenant que le coronavirus a une mutation occidentale, les spreads des obligations de pacotille sont en train de beaucoup s’écarter, ce qui a pris par surprise pas mal de porteurs », relève notamment le bureau d’analyse.

LES BANQUES CENTRALES AU CENTRE DU JEU

Circonstance aggravante, la Réserve fédérale américaine risque d’avoir bien du mal cette fois à « sauver » l’économie mondiale, selon AlphaValue. « La Fed peut toujours essayer, mais le coronavirus est un choc d’offre contre lequel sa baguette magique n’a pas beaucoup de pouvoir », estime la firme. En effet, souligne ZoneBourse, « la liquidité disparaît sur le marché du crédit dès que la peur se répand ».

Le bureau d’analyse relève en outre d’autres maillons faibles dans le système financier actuel, en particulier « tous les dispositifs dont les investisseurs sont avides pour échapper aux rendements zéro », comme les fonds négociés en Bourse (FNB) et le secteur du capital investissement non coté.

« Ces différentes stratégies ont toutes pour objectif de tirer parti d’un effet de levier pour améliorer les rendements ou réduire les coûts d’exécution tout en perdant le lien avec les titres sous-jacents », met en garde AlphaValue, qui considère les FNB comme représentant une source potentielle de risque. La raison? Les fonds de crédit « sont mécaniquement surexposés à la dette pétrolière junk, tandis que les FNB actions vont connaître un test de liquidité face à la montée des craintes », anticipe le bureau.

Quant au secteur du capital-investissement, lui aussi est sur la sellette, car « il doit financer l’effet de levier qui sert à obtenir une rémunération rapide au détriment des actifs sous-jacents ». Conclusion de ZoneBourse : « Compte tenu des niveaux de panique actuels, les banques centrales vont revenir au centre du jeu. Mais leur tâche sera ardue, car elles devront rassurer les investisseurs en sachant pertinemment que leurs outils ne sont pas vraiment adaptés à la situation. Sauf si l’épidémie donne rapidement des signes d’essoufflement… »