Les fonds spéculatifs exercent une influence énorme

Par La rédaction | 11 septembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : 123rf

Une série de réformes instaurées aux États-Unis depuis les années 1980 et octroyant davantage de pouvoir aux actionnaires auraient permis aux fonds spéculatifs prédateurs d’accroître leur influence, selon un chercheur en économie.

Cité par le MÉDAC, un texte publié sur un blogue de l’école de droit de l’Université Columbia montre notamment que des fonds spéculatifs (hedge funds), même lorsqu’ils sont actionnaires minoritaires, parviennent aujourd’hui à contraindre certaines compagnies à se restructurer entièrement.

Leur but? Accroître à court terme la valeur des rachats d’actions de la société ciblée sur le marché et de son dividende.

LE RAPPORT DE FORCES S’EST INVERSÉ EN TROIS DÉCENNIES

Professeur d’économie à l’Université nationale de Singapour et chercheur associé au réseau de recherche académique et industrielle (Institute for New Economic Thinking) basé à New York, Jang-Sup Shin estime que ce nouveau rapport de force tranche avec ce qui se passait au début des années 1980, c’est-à-dire au moment de l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan aux États-Unis et peu après celle de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne.

« Les activistes des fonds spéculatifs ne sont techniquement que des actionnaires minoritaires, mais ils exercent une influence énorme, forçant souvent les entreprises à entreprendre des restructurations fondamentales et à augmenter considérablement leurs rachats d’actions et leurs dividendes. Ainsi, les firmes Third Point Management et Trian Fund Management, qui détenaient chacune 2 % des titres en circulation de Dow Chemical et de DuPont, ont réussi à faire fusionner les deux géants américains de l’industrie chimique à la fin de 2015 », explique le chercheur.

En l’espace de trois décennies, conclut Jang-Sup Shin, sous le prétexte de mettre en place une « démocratie actionnariale », les administrations républicaines et démocrates qui se sont succédées au pouvoir ont adopté des réformes qui, en fin de compte, ont fait le jeu des fonds spéculatifs prédateurs.

REVENIR À L’IDÉAL D’ORIGINE DE « DÉMOCRATIE ACTIONNARIALE »

Pour revenir à l’idéal d’origine de « démocratie actionnariale », qui visait depuis le début du siècle dernier à renforcer la cohésion sociale de la société en redistribuant aux citoyens et aux investisseurs individuels les actions de certaines compagnies, par exemple, Jang-Sup Shin prône un renversement de la réglementation.

Il suggère notamment de réformer le vote par procuration et l’engagement des actionnaires aux États-Unis afin d’encourager la création de valeur durable et de mettre un terme à l’extraction prédatrice de valeur par des fonds spéculatifs. Pour cela, il estime par exemple que la Securities and Exchange Commission (SEC) devrait obliger les actionnaires à montrer comment les propositions qu’ils soumettent créeraient de la valeur et favoriseraient la formation de capital pour la société.

De même, il croit que les autorités de régulation devraient autoriser l’existence de droits de vote différenciés favorisant les actionnaires à long terme. En outre, la SEC devrait exiger que les actionnaires et la direction de la compagnie concernée divulguent publiquement ce dont ils ont discuté lors des séances de préparation. Enfin, les fonds spéculatifs devraient être soumis aux mêmes réglementations que celles qui sont imposées aux investisseurs institutionnels, car ils ont déjà un poids suffisamment important pour représenter des risques systémiques à l’économie en cas de nouvelle crise.

La rédaction