Les perspectives des grandes banques se détériorent

Par James Langton | 16 décembre 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Avec le ralentissement de l’économie et le durcissement des conditions financières, les perspectives des six grandes banques en 2023 se détériorent, selon Fitch Ratings.

Dans un nouveau rapport, l’agence de notation indique qu’elle s’attend à ce que les profils financiers des grandes banques se dégradent au cours de l’année à venir, car le durcissement des conditions économiques et financières pèse sur la qualité des actifs, les perspectives de croissance et la composition du financement des banques. Dans le même temps, les positions de capital devraient revenir aux niveaux d’avant la pandémie, car les acquisitions en cours grugent les réserves de capital des banques.

« La rentabilité des banques a déjà montré une modération au cours du second semestre de 2022 et restera sous pression en 2023 », prédit Fitch Ratings.

L’augmentation des provisions pour pertes sur prêts et la baisse des revenus de la gestion d’actifs et de la banque d’investissement ont pesé sur les bénéfices des banques au quatrième trimestre.

Les six banques d’importance systémique nationale ont déclaré un bénéfice ajusté total de 14,7 milliards de dollars (G$) pour le quatrième trimestre fiscal (clos le 31 octobre). Les bénéfices ont augmenté de 0,4 % par rapport au trimestre précédent, mais ont diminué de 2,0 % par rapport au même trimestre l’année précédente, rapporte l’agence de notation.

Les bénéfices du quatrième trimestre ont été mis sous pression par l’augmentation des provisions pour pertes de crédit et la baisse des revenus autres que les intérêts, commente Fitch Ratings.

« Les provisions pour pertes de crédit ont augmenté de manière plus substantielle, car les banques ont pris en compte des perspectives macroéconomiques plus pessimistes », continue l’agence de notation, ajoutant que les provisions globales ont augmenté à 2,3 G$ au quatrième trimestre, contre 1,5 G$ au trimestre précédent.

L’augmentation des provisions est intervenue alors que les mesures de la qualité du crédit se sont légèrement détériorées dans la plupart des banques après huit trimestres consécutifs d’amélioration des conditions de crédit, selon Fitch Ratings.

« En pourcentage des prêts bruts, les ratios de prêts dépréciés ont augmenté à 38 points de base en moyenne, contre 35 points de base au trimestre précédent », indique l’agence, précisant que l’ensemble des prêts dépréciés a augmenté de 1,4% en glissement annuel.

« L’augmentation des dépréciations a été généralisée, les portefeuilles de prêts hypothécaires n’étant pas soumis à des tensions évidentes. Les banques se sont orientées vers des ratios de provisions plus élevés au cours du prochain exercice, en ligne ou légèrement inférieurs aux niveaux prépandémiques », continue Fitch Ratings.

Parallèlement à la hausse des provisions, les revenus autres que les intérêts ont été plus faibles au quatrième trimestre, diminuant de 8 % en glissement annuel.

« Les commissions de gestion d’actifs et de banque d’investissement, qui avaient apporté une forte contribution aux revenus pendant la pandémie, ont été largement en baisse, partiellement compensées par une croissance modérée des commissions de négociation et des commissions traditionnelles de dépôt et de crédit », constate Fitch Ratings.

La faiblesse de ces segments a également été compensée par la croissance des prêts et la hausse des taux d’intérêt, qui ont soutenu l’augmentation des revenus nets d’intérêts, en hausse de 14 % au total par rapport au même trimestre de l’année dernière.

Le total des prêts a augmenté de 15 % par rapport à l’année précédente, et les dépôts ont augmenté de 11 %, selon Fitch Ratings, « reflétant le dynamisme des dépenses liées à la réouverture et l’expansion des entreprises. »

Cependant, avec l’affaiblissement attendu de l’économie, « les banques s’attendent à un ralentissement de la croissance des prêts et des dépôts », rapporte l’agence de notation.

Cela devrait se traduire par une baisse des bénéfices l’année prochaine.

Fitch Ratings s’attend à ce que « la combinaison d’un ralentissement de la croissance des prêts, d’une augmentation du bêta des dépôts, de la persistance de l’atonie des commissions et de la normalisation des provisions se traduise par une baisse de la rentabilité des banques au cours de l’exercice 2023 ».

Les marges d’intérêt nettes devraient continuer à augmenter l’année prochaine, mais à un rythme plus lent.

Des segments tels que la banque d’investissement et la gestion de patrimoine « continueront de faire face à des vents contraires en matière de revenus, en raison de la diminution de l’appétit des entreprises pour les émissions et les fusions et acquisitions, ainsi que des conditions défavorables à la croissance des actifs sous gestion », indique le rapport.

« La hausse des revenus nets d’intérêts pourrait être le seul point positif pour les revenus des banques canadiennes en 2023 et pourrait ne pas suffire à compenser la baisse des revenus de commissions et la hausse des provisions », avertit Mark Narron, directeur principal chez Fitch Ratings, dans un communiqué.

« Un domaine clé à surveiller l’année prochaine sera la qualité des prêts aux particuliers, en particulier la qualité des prêts hypothécaires, car les réserves d’épargne des clients diminuent face à la correction du marché immobilier, à la hausse des taux et à la persistance d’une inflation élevée », prévient Fitch Ratings.

Néanmoins, l’agence de notation s’attend à ce que les prix de l’immobilier se stabilisent en 2023, « avec des signes de ralentissement de la correction du marché de l’immobilier qui émergent maintenant. »

De plus, le marché du travail sera un baromètre critique pour les banques l’année prochaine.

« Une hausse du chômage dépassant sensiblement les niveaux prépandémiques, ou un taux directeur terminal dépassant sensiblement l’hypothèse de Fitch Ratings de 4,0 %, signalerait un environnement opérationnel plus difficile que prévu pour les banques canadiennes, ce qui entraînerait probablement des pertes de crédit plus élevées que prévu », conclut-elle.