Moins d’outils pour affronter la prochaine crise

Par La rédaction | 17 septembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Homme d'affaire de dos, les mains sur la tête, devant un tableau montrant des indices boursiers à la baisse.
Photo : 123rf

Le 15 septembre 2018, la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers déclenchait la pire crise financière depuis la Deuxième Guerre mondiale. En avons-nous tiré les leçons?

Un récent article publié dans le quotidien Le Devoir juxtapose les commentaires de plusieurs des acteurs principaux de la crise et d’analystes pour démontrer que la leçon n’a pas vraiment été apprises. Pire, plusieurs des outils utilisés pour contenir la conflagration financière de 2008 ne seraient plus disponibles aujourd’hui.

MOINS DE MUNITIONS

Les banques centrales ont développé des politiques audacieuses pour endiguer les problèmes en 2008 et dans les années qui ont suivi. Les taux d’intérêt près de zéro, voire sous zéro dans certains cas, et le rachat massif d’actifs financiers, notamment, ont été très utilisés. Mais justement, les taux ne peuvent plus aller beaucoup plus bas et les bilans des banques centrales sont alourdis par des portefeuilles d’actifs très lourd. En cas de nouvelle crise majeure, il est douteux qu’elles puissent déployer les mêmes remèdes à une grande échelle.

Idem du côté des États. Ceux-ci ont fait valser des milliards de dollars afin de sauver des banques, des fabricants automobiles et autres naufragés de la crise et en investissant pour soutenir la croissance économique. L’incidence sur leur endettement a été direct, limitant la capacité actuelle de plusieurs États d’utiliser à nouveau la même stratégie.

Aux États-Unis, par exemple, la majorité républicaine au Congrès a fait exploser le déficit en accordant des baisses d’impôts faramineuses. Elle s’acharne aussi à détricoter le resserrement des règles financières amorcé de peine et de misère sous le président Obama, et qui visait justement à réduire la possibilité d’une nouvelle crise.

MEA CULPA

Ce n’est pas le seul indice que la leçon n’a pas porté. L’analyste du Financial Times, Martin Wolf, rappelle que la crise avait démontré les limites du néolibéralisme.

Maintenant que la crise nous a montré les conséquences dangereuses d’un trop grand laisser-faire des marchés, de l’explosion des inégalités, de la stagnation des revenus des ménages et de l’augmentation de l’endettement, on aurait cru que le temps était venu pour un nouveau changement de paradigme. « Or, ça ne semble pas être le cas, déplore l’économiste. Certaines tendances nocives, comme les inégalités de richesse, se sont même aggravées. »

Ceux qui continuent à avancer avec des œillères en se disant que le pire est derrière nous devraient peut-être porter attention au récent mea culpa du secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Angel Gurria. Ce dernier a récemment avoué ne pas avoir vu venir la crise.

En fait, en juin 2007, les prévisions économiques de l’OCDE assuraient que la situation économique n’avait pas été aussi bonne depuis des années. Ce diagnostic tout en rose ressemble étrangement à ce qu’on peut lire aujourd’hui, notamment concernant l’économie américaine. De fait, l’OCDE se disait même optimiste à l’égard du marché du crédit hypothécaire américain, alors même qu’il était sur le point de s’écrouler.

L’ironie n’échappe pas à M. Gurria, lequel soutient que relire ces lignes « c’est comme me poignarder moi-même ». Mais comment expliquer pareille myopie? Selon lui, « la pensée dominante économique et les modèles sur lesquels elle était basée ne reflétaient ni la réalité économique ni la vie des gens. C’est pour cette raison que nous n’avons rien vu venir ».

LE MEILLEUR EST À VENIR?

Malheureusement, le même effet de vision en tunnel semble être rapidement revenu. La déréglementation financière a repris de plus belle aux États-Unis et le marché des actions en ébullition semble rassurer pas mal tout le monde. Jusqu’à la prochaine crise.

Alors on désespère? Pas nécessairement. L’économiste de l’Université de Colombie-Britannique Paul Beaudry croit que de meilleurs modèles économiques pourraient provenir des jeunes économistes, formés pendant ou dans les années ayant suivi la crise.

Chaque génération d’économistes reste marquée par les événements importants survenus durant sa formation, expliquait le professeur dans Le Devoir en mai dernier. Les causes de la dernière crise, l’évolution de la réalité économique, le rôle des pouvoirs publics… toutes ces questions sont aujourd’hui au cœur de leur recherche.

Sauront-ils imposer ces nouveaux modèles avant la prochaine crise financière majeure?

La rédaction