Un horizon économique morose

Par La Presse Canadienne | 27 octobre 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture

Avec les banques centrales qui resserrent rapidement leur politique monétaire pour contenir l’inflation, l’horizon économique semble morose, s’entend pour dire un panel de quatre experts devant les membres du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).

Une récession semble inévitable, a dit l’économiste en chef du Mouvement Desjardins, Jimmy Jean. « L’atterrissage en douceur, on a voulu y croire. On a donné une chance, mais on a lancé la serviette au cours de l’été. »

Il note que trois facteurs qui précèdent généralement une récession se sont manifestés. « Des resserrements monétaires agressifs, on l’a. On voit souvent des chocs énergétiques. On l’a vécu en 2022, les prix sont encore élevés. On voit souvent l’éclatement de bulles. Je pense que, dans le cas actuel, quand on peut parler de l’éclatement d’une bulle immobilière. Les prix sont en train de tomber assez rapidement. Avec une augmentation du prix moyen de 50 % sur deux ans, moi, dans mon livre à moi ça correspond à une bulle. »

Certains économistes considèrent que la pénurie de main-d’œuvre offre une certaine protection pour le marché de l’emploi, qui limiterait les risques de récession. La rareté de la main-d’œuvre n’est pas un bouclier contre un déclin économique, juge Jimmy Jean. Il souligne qu’une diminution du nombre de postes vacants peut être l’augure d’une récession. « Ça peut empêcher que le taux de chômage monte trop, mais pour dire que ça empêche une récession, ce n’est pas le cas. »

Le contexte de pénurie de main-d’œuvre pourrait tout de même amenuiser les impacts d’une récession, croit Martin Lefebvre, vice-président, stratège et chef des placements à la Banque Nationale. Il estime que la récession est très possible, mais son scénario de base est celui d’une stagnation de l’économie. « Il y a beaucoup de facteurs qui font en sorte que, s’il y a une récession, elle pourrait être de faible ampleur et de très courte amplitude. Ça, c’est rassurant. »

Éviter une récession serait difficile, juge Martin Coiteux, chef de l’analyse économique et de la stratégie globale à la Caisse de dépôt et placement du Québec. « Je vais partager une confidence: je crois aux miracles, a lancé l’ancien ministre du gouvernement Couillard, déclenchant un rire dans la salle. Mais j’accorde aux miracles une toute petite probabilité. »

TROP HAUT, TROP VITE?

La Banque du Canada devait donner un « coup de barre » et resserrer sa politique monétaire. Elle risque toutefois de « jouer avec le feu » si elle augmente son taux directeur trop rapidement, prévient M. Jean.

Il donne en exemple les ménages qui ont contracté un prêt hypothécaire à taux variable en avril dernier. Ceux-ci devront augmenter leur paiement mensuel, car ils ne remboursent plus l’entièreté des intérêts à payer sur le prêt.

« Ce n’est pas de dire que c’est l’essentiel des emprunteurs, mais c’est des emprunteurs qui vont devoir puiser dans leur économie, dans leurs revenus, et couper ailleurs et, dans certains cas, ça peut causer des problèmes d’insolvabilité. »

Les gouvernements devront, eux aussi, s’ajuster à la réalité des taux d’intérêt plus élevés, ajoute Martin Coiteux. Une augmentation du service de la dette ferait en sorte de réduire la marge de manœuvre budgétaire pour les missions de la santé et de l’éducation, prévient celui qui a occupé les fonctions de président du Conseil du Trésor dans le gouvernement Couillard.

« On vient de vivre une longue période où l’argent ne coûtait rien. (…) Les gouvernements doivent réapprendre à composer avec l’idée qu’une dette, ça coûte quelque chose. Conséquemment, il faut faire les bons choix. »

CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT

La situation s’améliore « tranquillement » pour la chaîne d’approvisionnement, a noté l’économiste en chef d’Affaires mondiales Canada, Marie-France Paquet.

« Avant la pandémie, un conteneur, selon l’index Freightos, c’était entre 1300-1600 $ US. C’est monté à 11 000 $ US en septembre 2021. S’il y a des entrepreneurs (dans la salle), certains vous diront: « moi j’ai payé 20 000 $ US ». C’est possible. Et là, au mois de mars, c’est tombé à 9000 $ US et maintenant, c’est 3500 $. »

La guerre en Ukraine perturbe toujours la chaîne d’approvisionnement, note Mme Paquet. De plus, nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle vague de COVID-19, qui entraînerait des fermetures en Chine.

Dans ce contexte, elle invite les entrepreneurs à diversifier leur source d’approvisionnement. « C’est toujours plus coûteux si vous avez deux fournisseurs plutôt qu’un, mais c’est une bonne façon de se prévaloir ou d’améliorer la résilience [de son approvisionnement]. »