Acquérir une première maison à 50 ans?

Par Sylvain B. Tremblay | 2 novembre 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Couple cinquantenaire qui achète une maison.
Photo : tetmc / iStock

Le marché immobilier atteint des niveaux stratosphériques, le prix des maisons ne cesse de grimper et ce, malgré la crise sanitaire planétaire qui nous afflige. Bien malin celui qui peut prédire l’évolution de ce marché au cours des prochains mois, voire des prochaines années.

J’entendais récemment que le segment de la résidence secondaire était caractérisé par une faiblesse de l’offre par rapport à la demande et que l’incidence de ce facteur combiné aux taux de financement excessivement bas se faisait ressentir sur les prix. Taux de financement bas certes, mais qu’en est-il du montant en capital nécessaire à l’achat d’une résidence, surtout lorsqu’il s’agit d’une première propriété?

Imaginons l’acquisition d’une première maison unifamiliale, en première ceinture de banlieue de Montréal. L’occasion est en or; on demande 500 000 $. Le besoin au comptant est à hauteur de 20 % de manière à éviter les frais reliés à l’assurance de la SCHL tout en permettant par la même occasion un meilleur pouvoir de négociation avec l’institution financière. L’acquéreur devra disposer d’une somme de 100 000 $ au comptant (ou bien en utilisant le programme RAP à partir de son REER) et devra assumer des versements mensuels de 1 772 $ au taux de 2,4 % pendant 25 ans, afin de rembourser son prêt hypothécaire de 400 000 $.

Un tel scénario requiert un revenu net de 110 000 $ afin de tenir la route (allocation de 25 % du revenu net pour se loger). Je ne connais personnellement que très peu de gens de 35 ans disposant d’une pareille capacité d’achat à moins d’avoir reçu un coup de main des parents. Ce qui limite l’accès à ce marché aux personnes un peu plus âgées ayant fait leur devoir d’épargnant, ou aux acheteurs d’une seconde propriété (après avoir disposé de la première à profit, bien entendu). Si l’emprunteur se situe dans la jeune quarantaine, il devra composer avec sa dette jusqu’à 65 ans. S’il frôle la cinquantaine, sa dette le suivra jusqu’à 75 ans…

LA RETRAITE OU LA MAISON

Autre facteur à ne pas négliger : la préparation de la retraite. En effet, la plupart des gens pensent de plus en plus à leur retraite à partir de 50 ans. Plusieurs l’envisagent même dès 55 ans. De ce fait, on pense plus à se départir de sa résidence à partir de 55 ans qu’à en acquérir une. Acquisition de la résidence aujourd’hui, à 50 ans, et disposition dans 10 ans, à 60 ans, en espérant alors un important gain non-imposable? N’en soyez pas si certain!

N’oubliez pas que nous sommes présentement au sommet d’un marché qui, comme mentionné plus haut, ne cesse de croître depuis 20 ans au taux annualisé de plus de 6 %. Cette croissance est principalement attribuable à la baisse constante des taux d’intérêt. Il est à noter que le taux de base de la Banque du Canada est désormais de 0,25 %, ce qui laisse très peu de marge de manœuvre à d’éventuelles baisses supplémentaires… à moins d’aller explorer la zone négative, tout comme c’est le cas outre-mer.

Autre important facteur : les institutions financières ont servi de catalyseur en mettant à la disposition des emprunteurs des produits financiers qui ne requièrent que le remboursement des intérêts (marge de crédit hypothécaire). C’est une bonne stratégie lorsque le marché est haussier, mais qu’en sera-t-il lorsque le marché se corsera? Sera-t-il possible de vendre le bien à un prix moindre que celui payé? Rappelons-nous les années 90… Quel genre de séquelles nous laissera la crise actuelle?  Quel sera son effet sur l’immobilier résidentiel?

Pour répondre à la question en titre : à moins de conditions particulièrement favorables, je ne recommanderais pas dans le contexte actuel l’acquisition d’une première résidence à une personne de plus de 50 ans. Une maxime dit : « Dans le doute, on s’abstient ». Ce serait ma recommandation.

Sylvain B. Tremblay, ­Adm.A., ­Pl. Fin., est ­vice-président, ­Gestion privée à ­Optimum ­Gestion de placements.

Sylvain B. Tremblay