L’argent : comment briser le tabou?

Par Nathalie Côté | 14 septembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture
Photo : 123rf

L’argent dans le couple est un sujet plus tabou que le sexe. Il suffit de feuilleter les magazines féminins pour s’en convaincre. Comment amener vos clients à parler de ce sujet important avec leur conjoint?

Pour y arriver, vous devez d’abord comprendre les codes amoureux, a notamment indiqué Hélène Belleau, de l’INRS, dans le cadre du colloque Femmes en finance. Parmi ces « règles » : faire passer l’autre et le couple avant les intérêts personnels. « En finance, on fait normalement passer notre intérêt en premier, mais en amour, c’est différent, indique Mme Belleau. Il y a aussi la confiance en la parole donnée. Les gens ont cette idée que si on doit mettre les choses par écrit, c’est qu’il y a un manque de confiance. »

Vos clients doivent être conscients de ces codes pour, éventuellement, les surmonter et briser les tabous. « Ça permet de dire qu’il faut mettre les choses au clair, mais que ce n’est pas par manque de confiance, par exemple », note la chercheuse qui a cosigné le livre L’amour et l’argent : guide de survie en 60 questions.

Sur le terrain, Jessica Lacerte-Racine, du Groupe Investors, constate que les couples ont de la difficulté à aborder les questions financières. Elle leur propose un exercice. « Faites vous-mêmes votre propre budget, conseille-t-elle. C’est difficile, mais c’est comme au gym, c’est l’exercice le plus difficile qui est le plus payant. Vous vous rendez vulnérable en présentant votre budget à votre conjoint, ça prend du courage, mais l’autre ne se sentira pas attaqué. »

PARLER D’ARGENT, MAIS ENCORE?

Certains sujets sont cependant beaucoup plus faciles à aborder que d’autres. « Les gens n’ont aucune difficulté à discuter de ce qui va se passer si l’un des deux meurt, note Mme Lacerte-Racine. Mais parler de ce qui arrivera en cas de séparation, c’est une tout autre paire de manches! » Cela amène les couples à soulever des questions potentiellement conflictuelles et ils préfèrent éviter les chicanes. Surtout que malgré les statistiques, les codes amoureux font en sorte que la plupart des couples pensent que leur union va durer!

Dans une étude réalisée auprès de 1 616 répondants, le Fonds de la FTQ parvient à des conclusions semblables. « Quelque 46 % de nos répondants parlent d’argent au moins une fois par mois, signale Ariane Laverdure. Seulement 6 % disent ne jamais aborder ce sujet. » Mais de quoi les couples discutent-ils au juste? Essentiellement de sujets du quotidien comme les dépenses pour les enfants, les projets, etc.

Le mode de partage des dépenses? Les couples en parlent trop peu pour la plupart. « Le fait de partager les dépenses moitié-moitié ou au prorata, le fait de travailler moins pour s’occuper des enfants, sont des situations qui ont souvent des conséquences à long terme », note Mme Belleau.

L’épargne? Un couple sur cinq n’en parle jamais. « Ce n’est pas un sujet populaire à la base dans la population, indique Mme Laverdure. Le taux d’endettement atteint des sommets, c’est peut-être parce qu’on n’a rien, qu’on n’a rien à en dire. Peut-être aussi parce que les gens épargnent chacun pour soi plutôt qu’en couple. »

Cela expliquerait peut-être pourquoi le partage des biens se fait souvent relativement facilement lors des séparations, mais que celui de l’épargne retraite est souvent le point le plus émotif et conflictuel. « C’est vraiment le sujet chaud, les gens ne veulent pas partager », constate Me Sandra Armanda, du cabinet Verdon, Samson, Lemieux et Armanda.

SÉPARATION

D’ailleurs, bien des couples ont des mauvaises surprises lors de la séparation, surtout les conjoints de fait. Malgré les campagnes de publicité et la médiatisation de la séparation d’Éric et Lola, plusieurs mythes sont tenaces. « L’État envoie un message contradictoire en tenant compte du revenu familial après un an de vie commune, cela crée de la confusion, estime Mme Belleau. Plusieurs personnes croient qu’il n’y a aucune différence entre les gens mariés et les conjoints de fait. »

Vous auriez donc avantage à sensibiliser vos clients à ces questions. Les conséquences sur leur santé financière en cas de séparation pourraient être très importantes. « Même après 15 ans de vie commune, il n’y a pas de partage du patrimoine familial pour les conjoints de fait, rappelle Me Armanda. Chacun repart avec ce qui lui appartient. » Ce qui est d’autant plus problématique lorsque tous les biens importants sont au nom de même conjoint.

Dans certains cas, il pourrait y avoir un recours pour enrichissement injustifié. « Il faut faire la preuve que l’un des conjoints s’est appauvri, que l’autre s’est enrichi et qu’il y a un lien entre les deux, explique Me Armanda. C’est une preuve difficile à faire et les montants accordés ne sont pas très élevés. »

Voilà plusieurs sujets chauds à aborder avec son conjoint… et avec vos clients!

Nathalie Côté