Bourse ou immobilier? (Partie 2)

20 octobre 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Peu de potentiel de croissance Cela dit, l’immobilier coûte cher actuellement et offre peu de potentiel de croissance. « La progression des prix des 13 dernières années prend davantage la forme d’un rattrapage, au cours de la période 1998-2004, puis d’une réaction à la baisse des taux d’intérêt. C’est cette baisse des taux qui a fait exploser les prix. »

Éric Brassard revient à cette relation inverse entre les aléas des taux d’intérêt et l’évolution d’un actif tel l’immobilier ou les titres obligataires. Ce faisant, « les taux d’intérêt sont désormais très bas. Ils peuvent difficilement baisser davantage. Et si le contexte économique devient plus difficile, l’immobilier va également écoper. »

Reste la protection de l’inflation, un avantage faussement attribué à l’immobilier, estime le planificateur financier. « D’abord, je ne crois pas que l’inflation constitue une menace dans les prochaines années. Je pense, bien sûr, à l’inflation de base, hors composantes volatiles que sont les prix de l’alimentation et du pétrole. Ensuite, l’immobilier a monté au cours des 13 à 15 dernières années parce qu’il n’y a pas eu d’inflation. »

Dit autrement, « c’est parce que l’immobilier offre un bon rendement, sous forme de revenu et de gain en capital, qu’il protège de l’inflation. À l’instar du rendement global offert par un actif, on voudra qu’il soit supérieur à l’inflation, dans un souci de préservation du capital », résume Éric Brassard.

L’immobilier comme investissement… par défaut Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins, estime également que l’immobilier conserve sa place privilégiée dans un portefeuille d’investissement global. D’abord la résidence principale, parce qu’il faut bien se loger et que le gain en capital généré lors de la vente est non imposable. Puis les plex, à des fins d’investissement, pour le revenu de location régulier qu’il procure, mais aussi parce que la tendance démographique avantage le locatif. « Il y a cette incertitude et cette volatilité en Bourse. Dans le cas des certificats de placement garantis, on n’y pense pas. Je choisirais donc le multilogements, mais par défaut. »

Car la glace est mince, dit-elle, avec des prix immobiliers très élevés qui provoquent une forte détérioration de l’accessibilité à la propriété résidentielle. « Les prix ont bondi de 135 % depuis 2000 à Montréal. La hausse est de 5 % depuis le début de l’année. Le gros de la progression est passé. Ceux qui projettent le même objectif que la décennie précédente donnent dans l’utopie. »

L’économiste parle d’un marché stabilisé, avec un ratio acheteurs-vendeurs de retour à l’équilibre. Ce faisant, la hausse moyenne à anticiper est de l’ordre de l’inflation, soit de 2,5 % à 3 % par année. « Selon notre prévision à long terme, soit jusqu’en 2015, ça tourne autour de cela. »

Il n’est toutefois pas exclu, dans ce scénario, une stabilisation, voire une baisse des prix immobiliers dans l’optique d’un retour en récession et de pertes d’emplois. Un tel recul viendrait également d’une remontée des taux d’intérêt, mais sur ce point, la hausse projetée du loyer de l’argent est décalée de quelques trimestres, peut-être de deux ans dans le cas du taux directeur de la Banque du Canada. « Cela va prolonger le cycle de hausse des prix. Du moins, le risque de diminution est amoindri. »

Mme Bégin rappelle la forte sensibilité des prix immobiliers aux aléas des taux d’intérêt. Selon une simulation, il ne faudrait pas une augmentation des taux hypothécaires très accentuée pour assister à un retour de l’accessibilité au niveau, atrophié, ayant prévalu durant les années 1990. Des taux à 7 & ou 7,5 %, contre 5 % à 6 % présentement, suffiraient. « C’est très sensible, davantage lorsque les prix sont très élevés comme c’est le cas présentement. »

Cela étant, l’économiste retient que l’investissement immobilier s’inscrit généralement dans un horizon de long terme. Il procure l’avantage d’un gain en capital non imposable dans le cas d’une résidence principale, auquel peut s’ajouter l’effet de levier, quoiqu’il faille doser entre la croissance des prix et le coût en intérêt, non déductible dans le cas d’une résidence principale. « Un autre avantage vient de l’épargne forcée, de la discipline budgétaire généralement associée à ce type d’investissement, ce qui alimente le principe d’accumulation du capital dans une gestion de portefeuille. »

« Ça reste un bon placement. Et les prix fluctuant moins ici, ils se veulent plus stables. Il y a moins de risque de baisse. »

Hélène Bégin se fait cependant plus hésitante pour le multilogements. « Les prix sont tellement élevés. Les propriétaires vendent à prix fort. Il est vrai que cela fait des années que nous disons cela, mais le taux de rendement réalisé atteint désormais un seuil très faible. Le locatif offre un revenu régulier. Il ne faut donc pas rejeter cela. Mais les immeubles sont très âgés à Montréal. Le parc est vieillissant. Cela vaut également pour les condos. En l’absence de frais de prévoyance, il peut en résulter de mauvaises surprises. »

Les prix des plex sont élevés, mais les revenus sont stables. Et la tendance démographique faisant ressortir un vieillissement de la population avantage le locatif. « Le multilogements demeure un bon outil de diversification. Je le retiendrais, par défaut », estime Hélène Bégin.

Voir la partie 3

Cet article est tiré de l’édition d’octobre du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.