« C’est pire que Norbourg! »

Par Priscilla Franken | 2 novembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
3 minutes de lecture
dphiman / 123RF

<< Page précédente

En rachetant des polices dont les clients n’arrivaient pas à payer les primes beaucoup trop élevées, M. Thibault gagnait sur tous les tableaux : non seulement il s’assurait des revenus futurs très importants en spéculant sur leur vie, mais en plus il évitait la rétrofacturation ou « charge back » résultant d’une résiliation, soit le fait de devoir rembourser une partie des commissions qu’il avait perçues. Ingénieux?

« C’est pire que Norbourg cette affaire! s’exclame un expert en conformité spécialisé dans le domaine de l’assurance et qui préfère conserver l’anonymat. Non seulement il y a un problème de moralité avec la chose, mais en plus cela change complètement la notion de risque pour l’assureur : celui qui rachète la police ne représente pas le même risque que l’assuré, ce qui fausse la tarification. »

C’est pourquoi, nous explique-t-il, depuis trois ou quatre ans, les compagnies d’assurance cherchent à savoir si des conseillers possèdent des assurances sur la vie d’autrui : « Si un représentant s’adonne à ce genre de pratique, l’assureur casse son contrat. Et si l’agent général le sait mais ne dit rien, l’assureur peut casser son contrat aussi. Mais ça, c’est aujourd’hui. Avant, les compagnies d’assurance étaient moins sensibilisées à ce problème. »

(BIEN?) CACHÉ DERRIÈRE SA FIDUCIE

Mais un assureur est-il en mesure de détecter qu’il existe un lien entre une fiducie et un représentant lorsqu’une fiducie est titulaire de polices?

« Quand une fiducie est impliquée, normalement l’assureur et l’agent général posent des questions… Et je pense que des rachats à répétition sont facilement détectables », estime un conseiller en sécurité financière qui a 40 ans de métier auquel nous avons demandé une analyse.

Des questions concernant la fiducie Claudette Hallée, Steve Parrott en a posé à M. Thibault, après la plainte de M. Duval. L’ex-représentant lui répondra simplement que « la fiducie doit rester confidentielle selon l’entente » dans un courrier daté du 13 février 2008.

Sauf que sur l’en-tête d’un relevé AIG datant de février 2008 relatif à la police de 4 500 000 $ dont la Fiducie Claudette Hallée est propriétaire et Jacques Duval la personne assurée que Conseiller a pu consulter, il est écrit noir sur blanc :

Fiducie Claudette Hallée J.A Thibault

Ainsi que l’adresse de Gadoua à Brossard, l’agent général avec lequel M. Thibault faisait affaire.

Rappelons que les biens d’une fiducie sont insaisissables… En cas de faillite, ils ne figurent même pas dans la colonne des actifs. Celle de M. Thibault a été constituée le 11 avril 2005, soit un an après la déclaration de faillite de son entreprise et alors qu’il est poursuivi par Empire et les Audet.

La Cour supérieure du Québec conclut au caractère frauduleux manifeste des intentions de M. Thibault et lui interdit, en juillet 2011, de disposer de ses actifs comme il le souhaite, qu’ils soient sa propriété directe ou indirecte. Cela inclut les polices d’assurance qu’il détient avec Empire ou tout autre assureur.

La cour autorise aussi Empire et les Audet à saisir tous les actifs connus de M. Thibault et de la fiducie Claudette Hallée. Selon M. Thibault, les deux créanciers ont ainsi saisi toutes les polices qu’il possédait et il ne lui en reste plus une seule. Une autre source confirme cette version. La transaction aurait fait l’objet d’un règlement hors cour permettant aux créanciers de récupérer la valeur de rachat des polices auprès des assureurs concernés.

Page suivante >>


Notre dossier sur l’affaire Thibault :

  • BMO Assurance protégeait-elle un top producer véreux?
  • Plusieurs autres clients lésés
  • 30 ans de bons sévices
  • « C’est pire que Norbourg! »
  • Pour AIG, « seules les commissions comptaient »
  • L’AMF a-t-elle trop tardé à agir?
  • Des crimes qui n’intéressent personne?
  • Un goût prononcé pour les gros chiffres

Priscilla Franken