Accueil Breadcrumb caret Nouvelles Breadcrumb caret Industrie Chasing Madoff : quand la vérité dérange « Je passais pour le gars qui criait au loup, mais il y avait un loup! » Un documentaire qui prend des airs de thriller sur la patiente enquête de Harry Markopolos. Par Caroline Fortin | 27 septembre 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023 4 minutes de lecture Les premières images du documentaire Chasing Madoff, à l’affiche depuis une semaine, montrent des gouttes de sang sur les mains d’un homme. Un choix non innocent du réalisateur Jeff Prosserman, puisque la dangereuse chaîne de Ponzi qu’avait créée Bernard Madoff a poussé au moins deux personnes au suicide : son propre fils et un investisseur français impliqué dans la fraude, Thierry de la Villehuchet. Monté comme un véritable thriller, le film reconstitue les efforts de Harry Markopolos, le CFA qui a tenté d’alerter la Securities Exchange Commission de multiples fois avant que l’escroc se rende, en 2008. L’analyse financer y incarne d’ailleurs son propre rôle – et avec aplomb. Il raconte avoir d’abord eu la puce à l’oreille devant les résultats du fonds spéculatif de Madoff, « qui montraient des angles à 45 degrés ». Markopolos a alors commencé à élaborer des modèles pour vérifier si les promesses du fonds étaient réalisables… et s’est vite aperçu que non. En 2000, l’analyste, alors employé chez Rampart Investment Management à Boston, qui le soutient dans ses démarches, soumet le cas une première fois à la SEC. Il n’obtient aucune réponse. En fait, il n’obtiendra jamais de réponse, malgré plusieurs tentatives s’échelonnant sur presque dix ans. Devant la commission bancaire du Sénat américain qui a eu lieu en 2009, l’organisme donnera comme excuse qu’elle reçoit des centaines de milliers de plaintes chaque année, et que le cas n’était pas prioritaire. La SEC avait même donné son aval au fonds de Madoff, affirmant qu’il était « safe », rappelle dans le film une épargnante flouée. Le réalisateur a d’ailleurs choisi de faire témoigner des investisseurs en les désignant par leur numéro de compte. Le documentaire nous montre aussi comment l’escroc cravaté faisait miroiter le côté convoité et faussement exclusif de son fonds auprès des ses clients, pour la plupart nantis, leur promettant qu’il n’en ferait pas des millionnaires, mais qu’il allait garder leur argent « en sûreté ». Désespéré par l’inaction des autorités, Harry Markopolos contacte plus tard un chroniqueur financier du Wall Street Journal, qui croit d’abord que l’affaire est trop grosse pour être vraie. « Madoff avait une excellent réputation, imaginez, il avait même été directeur du conseil de NASDAQ! », rappelle-t-il devant la caméra. L’article est finalement publié… mais la SEC n’y réagit pas davantage! Markopolos change ensuite de tactique, et s’emploie à créer un produit réel et plus performant que le fonds de Madoff, puis se présente chez BNP Paribas, une des 250 institutions impliquées dans la fraude. On lui répond que « c’est comme Madoff, mais plus risqué »! Et qu’au moins, avec Madoff, « on ne perd jamais d’argent ». « J’étais frustré! J’avais un produit légendaire! », s’enflamme-t-il dans une des séquences « racontées » du film. L’histoire de cet analyste qui se dévoue à sa cause au point de friser la paranoïa s’avère tout aussi palpitante que son enquête sur l’incommensurable chaîne de Ponzi. Peu après avoir remis une enveloppe brune à Elliot Spritzer – dans un geste ultime pour voir les choses débloquer –, il confie une arme à sa femme et lui ordonne de tirer si quelqu’un d’autre que lui ou leurs enfants monte les escaliers… Il avoue lui-même que ses garçons n’ont pas eu une « enfance normale » tellement leur père était obsédé par Madoff et par ce que cet homme puissant pourrait faire s’il apprenait qu’un CFA était sur son cas. Mais ce qui interpelle évidemment le plus, c’est l’incompétence monumentale de la SEC dans toute cette affaire. « What the heck went on? », se font crier ses représentants par un sénateur hors de lui en commission. « Si vous êtes les chiens de garde, vous avez échoué d’aplomb! », jappe encore Gary Hackerman. « Le génie de Madoff était de permettre à plein de gens de participer à la fraude tout en conservant une très petite portion pour lui », résume Harry Markopolos. Le film est dédié à « ceux que la prochaine crise économique fera tomber ». On peut lire le témoignage complet de Harry Markopolos devant la commission bancaire ici. Chasing Madoff est à l’affiche du AMC Forum de Montréal. Caroline Fortin Sauvegarder Stroke 1 Imprimer Group 8 Partager LI logo