Accueil Breadcrumb caret Nouvelles Breadcrumb caret Fiscalité Breadcrumb caret Industrie Comment éviter la double imposition lors de la liquidation d’une société de gestion au moment du décès d’un actionnaire? Mise en situation et techniques appropriées. 5 février 2013 | Dernière mise à jour le 5 février 2013 8 minutes de lecture Martina Vaculikova / 123RF LA DISPOSITION RÉPUTÉE DES BIENS AU DÉCÈS RÈGLE GÉNÉRALE Au Canada, lorsqu’un contribuable décède au cours d’une année d’imposition, le paragraphe 70(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR)¹ déclenche généralement la disposition réputée de tous ses biens à la juste valeur marchande. Cette disposition entraîne donc un impôt à payer calculé sur la plus-value de ces biens. Cet impôt, plus communément appelé « l’impôt de décès », est applicable à la dernière déclaration de revenus du défunt². EXCEPTION À LA RÈGLE GÉNÉRALE La disposition réputée des biens du défunt prévue au paragraphe 70(5) LIR peut toutefois être différée dans deux situations spécifiques, soit lors du legs des biens au conjoint survivant ou bien lors du legs des biens au profit d’une fiducie exclusive elle-même au profit du conjoint survivant³. Dans la mesure où les biens du défunt auront été « dévolus irrévocablement » au cours d’une période de 36 mois suivant son décès, par l’une ou l’autre des manières mentionnées ci-haut, le prix de base rajusté (PBR) des biens de la personne décédée est alors transféré par voie de roulement au conjoint survivant ou à une fiducie exclusive à son profit. Cette stratégie permet donc de différer « l’impôt de décès » découlant de la disposition présumée des biens du défunt jusqu’à ce que le conjoint survivant décède à son tour. Toutefois, le liquidateur de la succession de la personne décédée peut décider de ne pas se prévaloir de la disposition de roulement relativement à un ou plusieurs biens du défunt dans la mesure où celui-ci juge qu’il serait plus avantageux fiscalement ou légalement de ne pas se prévaloir de cette possibilité4. Toutefois, qu’arrive-t-il aux biens du défunt lorsque celui-ci n’a pas de conjoint survivant ou qu’il ne désire tout simplement pas léguer tous ses biens à son conjoint survivant? Le présent texte se veut une mise en situation par laquelle nous vous démontrerons certaines techniques qui peuvent être utilisées afin de réduire les conséquences fiscales découlant d’un décès, dans le cas où le défunt n’aurait pas de conjoint survivant. Aux fins du présent texte, les actifs du défunt seront exclusivement les actions de la société « Gesco inc. » (ci-après la société). LIQUIDATION POST MORTEM DE GESCO INC. HYPOTHÈSE Afin de simuler les conséquences fiscales de la disposition présumée des actions de la société, découlant du décès de M. X, nous avons utilisé les prémisses suivantes : La juste valeur marchande (JVM) de la totalité des actions de la société est de 2 000 000 $; Les actions de la société ne se qualifient pas « d’action admissible de petite entreprise » (AAPE); Les caractéristiques fiscales des 100 actions « A » détenues par M. X dans la société sont les suivantes : 100 actions de catégorie « A » Juste valeur marchande Prix de base rajusté Capital versé 2 000 000 $ 100 $ 100 $ Il n’y a aucune autre action de la société en circulation; M. X n’a pas de conjointe; M. X est résident du Québec; Selon le testament de M. X, les actions de la société seront léguées aux trois filles de M. X Les filles de M. X voudront procéder à la liquidation de la société le plus rapidement possible; Il n’y a aucune assurance vie dans la société; Tous les soldes fiscaux de la société sont nuls avant le décès de M. X; Le taux d’imposition marginal combiné pour le gain en capital imposable est de 48,2 %; Le taux d’imposition marginal combiné pour le dividende ordinaire est de 36,35 %. CONSÉQUENCES FISCALES Les conséquences fiscales découlant de la disposition présumée des actions de la société pour M. X sont les suivantes : Conséquence découlant de la disposition réputée des actions de GESCO inc. Produit de disposition Prix de base rajusté Gain en capital Gain en capital imposable Impôt 2 000 000 $ 100 $ 1 999 900 $ 999 950 $ 481 976 $ Conséquence découlant du rachat des actions entre les mains des héritiers Produit de disposition Capital versé Dividende réputé Impôt Perte en capital 2 000 000 $ 100 $ 1 999 900 $ 726 964 $ 1 999 900 $5 Les deux tableaux précédant nous démontrent les conséquences fiscales découlant de la disposition des actions de la société à la suite du décès de M. X. Nous pouvons remarquer que nous sommes en présence d’une situation de double imposition, soit une première sous forme de gain en capital et une seconde sous forme de dividende imposable, pour un montant total de 1 208 940 $. TECHNIQUE DU CHOIX DU PARAGRAPHE 164(6) LIR La première technique afin de diminuer les coûts d’impôts liés à la liquidation de la société est d’utiliser le choix du paragraphe 164(6) LIR. Ce dernier permet de réduire des gains en capital réalisé au décès d’un contribuable avec des pertes en capital réalisé par sa succession. Toutefois, il est primordial de noter que la perte doit obligatoirement être réalisée durant la première année d’imposition de la succession pour que nous puissions nous prévaloir de ce choix. ÉTAPES POUR LA MISE EN PLACE DE CETTE TECHNIQUE À la suite du décès de M. X, le paragraphe 70(5) LIR trouvera application et un gain en capital de 1 999 900 $ sera réalisé par le défunt. Les actions de la société seront ensuite détenues par la succession de M. X (ci-après La succession) et elles auront les caractéristiques suivantes : 100 actions de catégorie « A » Juste valeur marchande Prix de base rajusté Capital versé 2 000 000 $ 2 000 000 $ 6 100 $ Étape 1 : Procéder à la liquidation de la société La première étape consiste à procéder à la liquidation de la société entre les mains de La succession. Pour ce faire, la société procédera au rachat des actions de la société en vertu du paragraphe 84(2) LIR. À la suite de cette opération, La succession recevra un dividende imposable de 1 999 900 $ et réalisera par la même occasion une perte en capital de 1 999 900 $. Étape 2 : Application du choix du paragraphe 164(6) LIR Ensuite, La succession devra faire le choix du paragraphe 164(6) LIR, afin que la perte en capital de 1 999 900 $ qu’elle a réalisée soit appliquée contre le gain en capital de 1 999 900 $ réalisé par le défunt lors de la disposition présumée de ses actions en vertu du paragraphe 70(5) LIR. En conclusion, nous pouvons constater que cette technique permet de réduire la facture totale d’impôt de 484 976 $, puisqu’elle nous permet de nous imposer sur un dividende seulement, plutôt que sur un dividende de liquidation et un gain en capital. Comparaison pour l’impôt total payé Sans aucune planification fiscale Planification du paragraphe 164(6) LIR 1 208 940 $ 726 964 $ STRATÉGIE DU « PIPELINE » La seconde technique utilisée afin de diminuer les coûts d’impôts liés à la liquidation de la société est la stratégie du « pipeline ». Le but ultime de cette stratégie est d’être imposé sur le gain en capital découlant de l’application du paragraphe 70(5) LIR et non sous forme de dividende imposable comme dans le cas du paragraphe 164(6) LIR. ÉTAPES POUR LA MISE EN PLACE DE CETTE TECHNIQUE À la suite du décès de M. X, le paragraphe 70(5) LIR trouvera application et un gain en capital de 1 999 900 $ sera réalisé par le défunt. Les actions de la société seront ensuite détenues par La succession et elles auront les caractéristiques suivantes : 100 actions de catégorie « A » Juste valeur marchande Prix de base rajusté 7 Capital versé 2 000 000 $ 2 000 000 $ 100 $ Étape 1 : Procéder à l’incorporation de « Newco » Dans un premier temps, La succession procédera à l’incorporation d’une nouvelle société, « Newco ». Souscription d’actions de la société Newco Souscripteur Nombre d’actions Catégorie d’actions Capital versé total La succession 100 A 100 $ Étape 2 : Roulement des actions de la société Dans un deuxième temps, La succession roule ses actions à Newco pour une somme convenue égale à leur coût, soit une somme de 2 000 000 $. En échange, Newco obtient une action privilégiée avec les caractéristiques fiscales suivantes : 1 action privilégiée Juste valeur marchande Prix de base rajusté Capital versé 1,00 $ 1,00 $ 1,00 $ De plus, La succession obtiendra un billet payable à demande d’une valeur de 1 999 999 $. Étape 3 : Liquidation de GESCO inc. dans Newco Dans un troisième temps, la société est liquidée dans Newco, sur une base non imposable en vertu du paragraphe 88(1) et 112(1) LIR. Il n’y a aucun gain sur l’annulation des actions de la société en vertu de l’alinéa 88(1)b) LIR et l’actif de la société est acquis par Newco à son coût en vertu de l’alinéa 88(1)c) LIR, mais assujetti à la majoration de coût en vertu de l’alinéa 88(1)d) LIR. Après cette étape, nous vous recommandons de conserver la structure pour une période minimale d’un an afin de diminuer le risque de contestation de la part des autorités fiscales8. À la suite de ce délai, des remises graduelles des biens en remboursement du billet pourront être effectuées jusqu’au paiement complet. Étape 4 : Liquidation de Newco Dans un dernier temps, la société Newco sera liquidée en vertu du paragraphe 88(2) LIR sur une base imposable. Le billet à demande sera repayé à La succession, sans incidence fiscale, l’action privilégiée que détient Succession dans Newco sera annulée sans incidence fiscale et les 100 actions de catégories « A » que détient La succession dans Newco seront annulées sans incidence fiscale, à moins que les actifs de Newco aient augmenté de valeur depuis la date du décès. En conclusion, nous pouvons constater que cette technique permet de réduire considérablement la facture d’impôt total, puisqu’elle nous permet de nous imposer sur un gain en capital seulement, plutôt que sur un dividende et un gain en capital ou bien sur un dividende seulement. Par contre, cette technique nécessite davantage d’étapes de mise en œuvre et exige le maintien de cette structure pour une période minimale d’un an. Comparaison pour l’impôt total payé Sans aucune planification fiscale Planficiation du para. 164 (6) LIR Stratégie de type pipeline 1 208 940 $ 726 964 $ 481 976 $ Hugo Sirois Robert, B.A.A., Pl. Fin., D. Fisc est planificateur financier fiscaliste à Groupe Conscia. Maxime Robert, LL. L, LL. M., M. Fisc est notaire fiscaliste à Groupe Conscia. __________________________________________________________________________________________ 1 Voir aussi les articles 436, 439 et 439.1 de la Loi sur les impôts du Québec (LI). 2 Ni le gouvernement fédéral, ni le gouvernement québécois ne perçoivent de taxes sur les successions ou sur les droits successoraux. Toutefois, certaines provinces canadiennes, comme l’Ontario, perçoivent des frais d’homologation de testament des personnes décédées résidant dans cette province. 3 Voir paragraphe 70(6) LIR et article 440 LI. 4 Voir paragraphe 70(6.2) LIR et article 442 LI. 5 La perte en capital pourrait être réduite ou même annulée dans certaines circonstances. 6 Nous pouvons remarquer que la disposition présumée au décès de M. X a eu pour effet d’augmenter les PBR des actions pour un montant équivalent à la JVM de ces actions. 7 Supra, note 6. 8 Voir à ce sujet l’interprétation technique 2011-0401861C6. Sauvegarder Stroke 1 Imprimer Group 8 Partager LI logo