« Il nous a roulés, on s’est défendus »

Par Suzanne Dansereau | 10 novembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
4 minutes de lecture

<< Page précédente

Non seulement JA Thibault a floué ses clients, son assureur et l’impôt, mais il aurait aussi détourné de l’argent dû à son agent général. Quatre sources différentes nous l’ont affirmé, mais cette affaire n’a jamais été soulevée devant un tribunal.

Cela se serait passé à la fin des années 80 : Jacques-André Thibault, avec la complicité de Cliff Oliver, l’actuaire en chef de la compagnie d’assurance vie Colonia, aurait camouflé une commission et une surcommission (réalisées dans le cadre d’une vente de police d’assurance vie) dans sa propre police, au lieu de déclarer officiellement ces revenus et d’en verser la part due à son agent général.

À l’époque, l’agent général s’appelait Fortier, Labonté, Giroux, Rouleau et était établi à Sherbrooke. En 1990, l’entreprise est devenue Force financière Excel et aujourd’hui, elle est une division du Groupe financier Horizons, toujours à Sherbrooke.

C’est Roger Fortier, le grand patron, qui s’est aperçu de la supercherie : « Cela ne nous a pas sauté aux yeux tout de suite, parce qu’il s’agissait non pas d’une nouvelle police, mais d’un dépôt dans une police existante », raconte l’homme qui est aujourd’hui à la retraite.

M. Fortier explique qu’en temps normal, son bureau aurait dû recevoir une surcommission de l’assureur (Colonia), dont il aurait ensuite reversé une partie à M. Thibault selon l’entente conclue.

Mais selon nos quatre interlocuteurs, M. Oliver a versé directement dans le compte de M. Thibault non seulement la commission (qui représente entre 30 et 65 % du montant de la prime de première année), mais aussi la surcommission (qui peut aller jusqu’à 200 % de la commission).

ENTRE 100 000 ET 200 000 $ DÉTOURNÉS

Au souvenir de Daniel Labonté, qui travaille toujours au Groupe financier Horizons, le montant en litige s’élevait à « entre 100 000 et 200 000 $».

M. Fortier affirme s’être rendu à Toronto pour réclamer son dû. Il a rencontré M. Oliver et l’a menacé de le dénoncer au président de Colonia s’il n’arrangeait pas les affaires.

Selon nos quatre sources, M. Oliver s’est alors engagé par écrit à donner à tous les ans un dédommagement à l’agent général.

Nos sources ne nous ont pas dévoilé le montant de ces versements. M. Fortier, de même que James Mc Mahon, l’actuel responsable du groupe Excel, a indiqué que le paiement s’est échelonné sur un « certain nombre d’années ».

EMPIRE N’A PAS DONNÉ SUITE

La quatrième personne liée à ce dossier indique sous le couvert de l’anonymat avoir été informée par Cliff Oliver du stratagème après 1997 et l’avoir signalé à Empire, qui a acheté Colonia en 1997.

Mais Empire n’aurait pas donné suite à cette affaire. « Je trouve cela bizarre de ne pas avoir été interrogé lors de l’enquête qu’Empire a par la suite lancée sur les agissements de M. Thibault », commente notre source.

Chose certaine, si M. Thibault a camouflé des revenus en les faisant déposer directement dans l’une de ses polices, il a ce faisant évité l’impôt.

Après avoir découvert la duperie et pris entente avec M. Oliver, Roger Fortier a résilié son contrat avec M. Thibault. « Disons qu’on n’avait pas la même philosophie… Moi j’étais intransigeant sur l’honnêteté », raconte M. Fortier.

Mais comment JA Thibault a-t-il pu se trouver un autre agent général après cette histoire? « Il y a toujours un concurrent qui veut faire de la business, répond M. Fortier. Vous savez, à cette époque-là, il n’y avait pas beaucoup de règlements qui régissaient l’industrie. Il y avait juste la loi du marché ». M. Fortier précise qu’il n’a pas informé ses concurrents de l’incident.


Empire c. Thibault, une saga hors normes :

La rédaction vous recommande :

Suzanne Dansereau