L’économie mondiale prendra encore du temps à se remettre de la crise des prêts hypothécaires à risque, selon l’économiste en chef de la Banque Scotia

22 juillet 2008 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les mesures de relance budgétaire inégalées adoptées jusqu’à maintenant à l’échelle mondiale ont permis d’atténuer en partie l’impact négatif de la crise des prêts hypothécaires à risque, révèle le dernier rapport d’Études économiques Scotia, Perspectives mondiales, A Long and Winding Road to Recovery (Un long et sinueux chemin vers la reprise). Malgré un fort ralentissement de l’activité dans le secteur du logement et des ventes de véhicules automobiles, l’économie des États-Unis a toutefois réussi à conserver un rythme de croissance modeste au premier semestre de 2008.

Les mesures mondiales prises incluent l’administration, à fortes doses, de politiques de relance monétaire et budgétaire, l’adoption, à grande échelle, de mesures officielles afin de contrer la vague de défauts de remboursement des prêts hypothécaires et l’injection, sans précédent, de liquidités à court terme par la Réserve fédérale et les autres banques centrales.

Toutefois, si de nouvelles mesures de relance budgétaire ou monétaire ne sont pas prises par les États-Unis d’ici la fin de l’année, on assistera probablement à «l’effondrement général de la conjoncture américaine», constate Warren Jestin, économiste en chef, Banque Scotia. Les mesures temporaires, comme les chèques d’abattement d’impôts versés par Washington afin d’encourager la consommation, seront suivis d’une nouvelle chute des ventes quand elles prendront fin.

De nouvelles mesures de relance budgétaire prises en 2008 pourraient prévenir, même éviter une récession «à double creux manifeste». Toutefois, le coût risquerait d’amener le déficit fédéral pour 2009 vers de nouveaux records dépassant les 500milliards de dollars US (3,5 % du PIB). D’autres réductions des coûts d’emprunt du secteur financier et injections de liquidités aux institutions prêteuses pourraient peut-être éviter une récession absolue. Malheureusement, ces mesures supplémentaires ne résorberont pas les déséquilibres structurels responsables du resserrement des conditions de crédit, de la déprime du secteur du logement, des pressions sur les profits internes, de l’apathie du marché des actions, de la hausse des coûts de l’énergie et de l’essoufflement de la croissance économique à l’étranger.

M.Jestin indique que «ces défis de portée nationale et internationale laissent entrevoir une atonie persistante de la demande intérieure aux États-Unis.» La Banque Scotia prévoit qu’en 2009, les États-Unis connaîtront une croissance inférieure à la progression déjà minime de 1,5 % en 2008.

Le rapport précise que la considérable progression des exportations et la robustesse des investissements des entreprises ont aidé à freiner les effets de la baisse des dépenses de consommation sur la croissance américaine. Cependant, si l’affaiblissement de la devise américaine a encouragé la compétitivité du pays, les ventes à l’étranger se déclineront au fur et à mesure que la croissance, morose cette année, continuera à ralentir en Europe et au Japon en 2009. La hausse des coûts des intrants et l’effondrement des ventes aux États-Unis fera pression sur les profits des entreprises et limitera l’investissement intérieur. Les profits toujours grandissants générés dans les pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Europe de l’Est deviendront plus alléchants.

«La croissance n’atteindra vraisemblablement pas 1,5 % au Japon en 2008-2009, et elle devrait tomber à ce niveau au Royaume-Uni et en Europe dès l’année prochaine, affirme M. Jestin. […] Comme aux États-Unis, la faiblesse des chiffres de l’emploi et de la croissance de la production aggravera les déficits budgétaires des Européens et des Japonais.»

Par ailleurs, la baisse de la demande intérieure dans les grands pays développés freinera les croissances en Chine, en Inde, en Russie, au Brésil et dans d’autres pays émergents. Toutefois, certains effets compensatoires seront offerts à mesure que les ménages et entreprises nord-américains et européens opteront pour des importations à plus bas prix.

Le fossé qui sépare les pays traditionnels et émergents en matière de rendement risque cependant de se creuser à mesure que la croissance mondiale fléchit. Dans les cinq dernières années, l’économie de la Chine a crû en moyenne quatre fois plus rapidement que celle du G7 et pourrait être six fois plus élevée l’année prochaine. Les économies de l’Inde et de la Russie, des pays d’Amérique centrale et d’Europe de l’Est devraient aussi obtenir d’importants résultats.

«Dans une perspective d’avenir, la stagnation de la croissance européenne devrait empêcher la Banque centrale européenne (BCE) de majorer son taux d’intérêt et encouragera probablement la Banque d’Angleterre à abaisser son taux directeur d’ici la fin de l’année, soutient M. Jestin. Aux États-Unis, les risques pesant sur la croissance et la stabilité des marchés des capitaux devraient susciter des préoccupations concernant l’inflation, d’autant que la Réserve fédérale a tendance à privilégier une nouvelle baisse des taux d’intérêt au cours de l’hiver. Les taux d’inflation étant plus faibles de ce côté-ci de la frontière, le marché de l’habitation entrant dans une phase de marasme et les volumes d’exportation diminuant, la Banque du Canada en fera assurément autant.»