Les gestionnaires d’actif visent les vedettes sportives

Par La rédaction | 25 juin 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Andrew Poplavsky / 123RF

Les jeunes athlètes professionnels touchent parfois des salaires mirobolants à un très jeune âge, dans des métiers où les carrières sont relativement courtes. Leur prestige en fait des clients recherchés par les gestionnaires de patrimoine, dont ils ont bien besoin des conseils.

Pensez-y un peu… Comment auriez-vous réagi si vous aviez reçu un salaire de quelques millions de dollars par année au début de la vingtaine? John-Michael Liles, ex-défenseur de la Ligue nationale de hockey (LNH), admet dans un récent article de Bloomberg avoir fait quelques dépenses coûteuses et peu justifiables. Il a notamment dépensé plus de 100 000 sur une Camaro 1969 jaune…

« C’était une super voiture et je l’aimais beaucoup, mais à un certain moment je devais devenir un adulte, raconte-t-il. J’avais deux enfants et ce n’est pas vraiment une voiture familiale. » John-Michael Liles s’est tourné vers la Banque Royale du Canada (RBC) pour l’aider à mieux gérer son argent.

Ce n’est pas étonnant. La firme vise les hockeyeurs professionnels, dont la carrière les trimballent souvent du Canada aux États-Unis, deux pays où elle est très active. Elle compte présentement 900 sportifs professionnels parmi ses clients, dont environ 80 % sont des joueurs de hockey. Elle est aussi active au baseball, au football, au basketball et au golf.

UN MARCHÉ CONVOITÉ

D’autres banques s’activent aussi dans le sport professionnel. Morgan Stanley a fondé la division Global Sports & Entertainment il y a près de cinq ans. Elle compte désormais 132 directeurs et associés. Goldman Sachs Group a démarré la sienne en juillet dernier, à l’intérieur de son service de gestion de patrimoine privée.

D’autres s’y mettent également. Le conseiller Chris Moynes est devenu directeur exécutif de One Sports + Entertainment Group après avoir passé dix ans dans la division sportive de RBC. Il gère les finances de 75 hockeyeurs de la LNH. Même d’anciens athlètes, comme l’ex-basketteur français Tony Parker, se joignent à la danse. Ce dernier a rejoint NorthRock Partners LLC récemment.

BESOIN D’AIDE

Il faut dire que les athlètes ont bien besoin d’aide. Selon Ernst & Young LLP, entre 2004 et 2018, les athlètes professionnels se seraient fait détrousser d’environ 600 millions de dollars dans des fraudes.

Certaines histoires brisent carrément le cœur. En 2015, Conseiller racontait celle de Jack Johnson, un défenseur encore actif dans la LNH, ruiné par ses parents après avoir signé un contrat de plus de 30 millions de dollars américains. Il avait fait l’erreur de se débarrasser de Pat Brisson, l’un des agents les plus réputés de la ligue, pour confier ses affaires à son père. Or, ses parents ont contracté, à son insu, des prêts à haut risque et à haut taux d’intérêt (parfois jusqu’à 24 %), pour s’acheter notamment des voitures et une résidence luxueuse en Californie. Les parents engageaient chaque fois en garantie les revenus futurs de leur fils et auraient omis de rembourser nombre de leurs créanciers. Jack Johnson a déclaré faillite en 2014, écrasé par des dettes de plus de 15 millions de dollars. Ses actifs ne dépassaient plus 50 000 dollars.

Autre affaire célèbre dans le monde du hockey, les fraudes de Phil Kenner, qui auraient coûté 30 millions à plusieurs joueurs, notamment Joé Juneau, dont Phil Kenner était si proche qu’il avait agi comme témoin à son mariage. Pendant des années, Kenner et son complice Tommy Constantine, condamné lors du même procès, auraient dépensé cet argent pour s’offrir des jets privés, des demeures luxueuses, des garanties contre des prêts hasardeux et jusqu’à une compagnie de tequila. Tommy Constantine aurait même utilisé l’argent des joueurs pour payer ses avocats spécialisés en fusions et acquisitions, alors qu’il tentait d’acheter Playboy Enterprises…

INTERVENIR TÔT

Selon Bob McKee, directeur exécutif de la division sports professionnels de la RBC, l’idéal est de recruter les sportifs lorsqu’ils sont jeunes. « Le bon moment, c’est avant qu’ils ne signent un contrat, avant qu’ils pensent à tout ce qu’ils vont faire avec cet argent, d’autant que certaines dépenses pourraient être frivoles, comme acheter une Ferrari ou un truc du genre », dit-il. 

La semaine dernière, la NBA a procédé à son repêchage annuel. Les premiers choisis, tels Zion Williamson, Ja Morant et RJ Barrett, signeront bientôt des contrats d’une valeur annuelle évaluée entre 7 et 33 millions de dollars américains. Financial-Planning a interrogé quelques conseillers pour obtenir leur vision de l’approche que ces jeunes devraient adopter.

Tony Parker, ex-joueur devenu président de NorthRock Sports, Artists and Enterainment, leur conseille de se dénicher un conseiller crédible, qui les aidera à prendre les bonnes décisions et à établir une bonne stratégie. Il croit que le plus important pour un athlète, c’est d’avoir l’esprit en paix, afin de se consacrer à son sport.

Pour Frank Zecca, directeur exécutif d’OFS Wealth, les joueurs doivent comprendre qu’il s’agit d’un problème mathématique. Quelle part du contrat est garantie? Comment pouvez-vous épargner? Pour le reste, le joueur ne devrait pas se tracasser avec l’argent, mais plutôt se concentrer sur sa performance afin de créer une grande demande pour ses services le jour où il atteindra le statut de joueur autonome. Il sera alors libre de signer avec le plus offrant, pour un montant souvent faramineux. La sensation du dernier championnat de la NBA, Kahwi Leonard, pourrait obtenir jusqu’à 37,9 M$ par saison pour son prochain contrat signé comme agent libre.

Rick Buoncore, associé directeur de MAI Capital Management, propose aux joueurs de faire comme si ce contrat était leur dernier. Il faut donc épargner le plus possible. En effet, une blessure est toujours possible. Dans la NBA, la carrière d’un joueur dure en moyenne 4,8 ans, contre 5,6 ans au baseball et 5,5  dans la LNH. 

Michael Conway, président de PDG de Conway Wealth Group, invite quant à lui les jeunes à arrêter de dresser la liste de tout ce qu’ils veulent acheter. « Ensuite, entourez-vous de gens qui vous aideront à faire un plan global, comme un planificateur financier certifié, dit-il. Et souvenez-vous que votre capacité de gagner de l’argent en jouant au basketball est limitée dans le temps. Cela ne durera pas toujours. Alors ne dépensez pas plus que vous ne gagnez. »

COMME DES PRÉRETRAITÉS

François Giguère, comptable agréé et ancien assistant au directeur-général des Nordiques de Québec et des Stars de Dallas, et ancien directeur général de l’Avalanche du Colorado, s’est reconverti en 2014 en gestionnaire de patrimoine pour A&I Financial Services. En 2015, il confiait à Conseiller qu’il gérait l’argent des athlètes un peu comme le pécule d’un préretraité, plutôt que celui d’un travailleur en phase d’accumulation. 

«  L’argent que le joueur fait au début de sa carrière doit être protégé, avec des placements sûrs et liquides, nous disait-il alors. Puis on pensera à mettre des sommes de côté à l’abri pour la période de transition post-carrière. Ensuite seulement, on pourra avoir une vision à plus long terme et miser sur des placements plus risqués, mais à plus fort potentiel de rendement. »

Un autre gestionnaire de patrimoine, qui préférait garder l’anonymat, rappelait que pour un joueur, la performance sportive remplace les actions comme outil de croissance. «  Pour un joueur, c’est sur la glace que se présente la meilleure chance de faire croître ses revenus, soutenait-il. S’il est performant, il accumulera des millions de dollars. C’est là-dessus qu’il doit se concentrer pour avoir du rendement, et non sur les investissements à risque . »

La rédaction