Lettre de M. Raymond Pratte, président du RICIFQ

30 septembre 2009 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Communiqué de pressePour diffusion immédiate

Madame, Monsieur,

En tant que président du Regroupement Indépendant des Conseillers de l’Industrie Financière du Québec (RICIFQ), il est de mon devoir d’être plus à l’affût de ce qui se passe dans notre industrie. Particulièrement en ce qui à trait à l’orientation de la profession, aux intervenants des différentes parties, aux organismes règlementaires et finalement à la perception des consommateurs face à l’industrie.

Je suis d’avis que nous sommes dans une période complexe où la voix du conseiller honnête et compétent n’est pas entendue.

Les autorités règlementaires ont de plus en plus de pression de la part d’un public méfiant. Et ce dernier est de plus en plus confus quant à la notion de «conseiller financier».

Plusieurs aberrations existent: LES TITRES UTILISÉS

Commençons par l’impossibilité d’utiliser légalement le terme de «conseiller financier». Ce dernier est galvaudé de gauche à droite et il est devenu le titre le plus utilisé et reconnu du public. Il désigne à peu près toutes les personnes qui touchent de près ou de loin à la finance, et ce, de façon légale et même illégale.

Avec tous les scandales qui ont eu lieu au cours de la dernière année, les médias ont contribué à mettre tout le monde dans le même bateau en criant haut et fort que des conseillers financiers fraudent leurs clients.

Quant à l’AMF, elle n’a pas su tenir son rôle d’éducateur et son intervention n’a pas été assez rapide ni assez forte afin de rectifier ces propos. Malgré nous, nous sommes devenus des conseillers financiers qui doivent assumer les nombreuses conséquences qui nous viennent des consommateurs devenus méfiants.

La profession de «conseiller financier» est-elle en train de rejoindre le rang réputé des professions les moins respectées? Un grave danger se pointe à l’horizon. Dans son rôle qu’elle se donne de protection du consommateur, l’AMF a un travail important à faire au niveau de la reconnaissance des titres. Mais où est donc passé le temps où nous étions simplement des courtiers ou agents en assurance-vie, représentants en fond commun, etc. Il me semble que mon client savait exactement ce que je faisais. Aujourd’hui, je suis un conseiller en sécurité financière et ce titre ne veut rien dire, ou veut dire bien des choses. Par contre, je suis conseiller en placement (plein exercice), et ce titre est plus précis et compréhensible.

Maintenant, suite à la nouvelle réforme, plusieurs membres du RICIFQ sont devenus représentant de courtier en épargne collective. Mais qui aura la sagesse de me dire que ceci est mieux pour le consommateur? Parfois, je crois sincèrement que c’est un gaspillage de temps, d’argent et d’énergie. Le téléphone ne sonne pas pour nous demander notre avis. Du moins, pas le mien.

Je me demande comment nous en sommes arrivés là.

Nous avons une deuxième préoccupation: la notion de la convenance du produit. Suis-je le seul à trouver que le fameux CVC (KYC) ou formulaire de connaissance du client, est sujet à une très large interprétation et différente de la part de chacun?

Combien de fois ai-je demandé à mes clients de remplir un questionnaire de profil de risque dont les résultats différaient dépendamment du questionnaire utilisé.

Pourrais-je être jugé coupable dans le cas de pertes financières si la politique de placements et les produits correspondants aux réponses du questionnaire étaient trouvés déficients par les autorités règlementaires?

Au moment de la recommandation d’un fonds mutuel, qu’est-ce qui nous protège advenant une augmentation de risque prise par le gestionnaire dans le cadre de la recherche de performance?

Ma perception d’un portefeuille équilibré et ma connaissance de celui-ci sont bonnes au moment de la recommandation. Mais qu’adviendra-il de tout cela? Vous savez comme moi le temps qu’il est nécessaire pour obtenir les rapports financiers à jour des différents fonds, pour constater par la suite que les informations contenues dans ces fonds ne correspondent probablement plus à la réalité du portefeuille en temps réel.

Comment le conseiller peut-il se protéger d’une faute causée par un gestionnaire? N’avons-nous pas tous vécus des surprises négatives avec des gestionnaires réputés. Serais-je accusé de ne pas bien connaître mon produit si celui-ci ne convenait pas. Notre travail devient beaucoup plus périlleux à cause des règlementations et de la responsabilité que le conseiller sera appelé à supporter. Nous aurons à nous organiser et trouver les bons outils afin de ne pas être les seuls à supporter la responsabilité. L’investisseur aura à réaliser la part de responsabilité qui lui revient. Nous ne pouvons pas et ne devons pas être le bouc émissaire.

Notre pratique sera appelée à changer. Nous aurons à devenir plus exigeant envers les clients afin de s’assurer de leur compréhension en leur demandant d’apposer leur signature sur plus de documents. Que ce soit la politique de placement ou les différentes variables financières de leur dossier d’analyse, ils auront à assumer leur part de responsabilité, particulièrement au niveau de la connaissance.

Encore une fois, personne n’a demandé notre opinion à ce sujet, mais la réglementation s’en vient.

De plus, voici une autre aberration. En ce moment, nous avons les juristes des diverses autorités qui proposent et contrôlent l’environnement pour le bien du public. Nous sommes en accord complet concernant la protection du public et les bonnes pratiques. Cependant, nous trouvons que le système s’alourdi de plus en plus. Le risque est de plus en plus grand pour le conseiller indépendant. Le consommateur est devenu roi et je crains que nous soyons devenus une société qui cherche quelqu’un à blâmer pour ses erreurs. Les victimes d’Earl Jones voudraient bien que l’état les compense. N’ont-ils aucune part de responsabilité? C’est comme si nous allions à la guerre, mais sans que personne ne tombe au combat.

Croyez-moi, nous devons s’assurer qu’aucun autre Norbourg n’arrive, mais nous devons aussi demander à l’AMF que nous puissions être à la table de discussion et contribuer positivement au débat. Notre avenir en dépend. Nous connaissons mieux que quiconque le milieu en étant à tous les jours sur le plancher des vaches. Le problème est que les bons conseillers ne sont pas entendus.

Si nous n’essayons pas d’influencer les autorités en place en se regroupant et en ayant des actions concertées, nous aurons à subir les changements. Finalement, si vous voulez vous tenir à l’abri des plaintes et des actions légales, je vous joins un site en anglais (www.macgold.ca/advisorfault) qui propose 156 façons qu’a un client pour poursuivre son conseiller.

Si vous vous y conformez, vous serez à l’abri.Imaginez une minorité de «pourris» qui menace toute la réputation d’une industrie. C’est une histoire à suivre.

Pour la modique somme de 180 $ par année, devenez membre du RICIFQ et aidez-nous à vous aider.

Raymond Pratte C.F.P.PrésidentRICIFQ