Libérez-nous du statu quo !

Par Yves Bonneau | 23 septembre 2009 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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L’affaire calamiteuse du vaurien Earl Jones a mis les conseillers sur les dents depuis juillet dernier. Au nom de ces derniers, nous avons offert des pistes de solutions dans une lettre ouverte interpellant le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, le grand patron de l’AMF, afin de guider l’organisme réglementaire vers une meilleure collaboration avec l’industrie des services financiers.

Nous avons essentiellement demandé au grand patron de l’AMF de s’assurer que l’organisme de réglementation fasse preuve de leadership, de bonne volonté et d’ouverture.

Nous disions : « L’AMF a un rôle prépondérant d’éducation du public à remplir. […] L’organisme a le devoir de rétablir les faits, de préciser avec insistance que les individus présumés fraudeurs ne sont pas des conseillers s’ils ne détiennent pas de permis de pratique. »

Réponse de l’AMF : « […] Vous soulignez dans votre lettre que notre politique de communication des fraudes financières ternirait l’image des conseillers et représentants au Québec. À cet égard, nous en croyons autrement. Notre politique incite plutôt les investisseurs à faire affaire avec les vrais conseillers. […] Le fait que les médias ne retiennent pas toujours ces éléments dans leurs clips de 20 secondes à la télé ou à la radio ne peut être mis sur le compte de l’absence de volonté de l’Autorité en ce domaine ! »

Quant au ministre Bachand, il ne nous a toujours pas répondu.

L’histoire de Cogetax Puisque nos opinions divergent, que Earl Jones n’est pas une exception et que notre préoccupation première dans cette histoire est d’éviter que le public ne confonde encore vrais conseillers et imposteurs, allons-y par l’exemple.

C’est l’histoire de Cogetax, l’entreprise d’un certain Jean-François Laroche de Saint-Boniface au Québec qui, de 2002 à 2006, a escroqué près d’un million de dollars à une quinzaine de citoyens qui croyaient investir dans une bonne affaire. Laroche et ses complices leur avaient promis 30 % de rendement ! Commis comptable, M. Laroche avait accès aux dossiers de revenus de ses clients, et contactait les plus fortunés afin d’investir dans une affaire de placement lui appartenant. Bien évidemment, il n’y avait aucun prospectus, aucun compte en fidéicommis et aucun « représentant » de Cogetax n’était inscrit à l’AMF ni ne détenait de permis pour exercer l’activité de courtier.

Le 21 juin 2007, l’AMF émet un communiqué stipulant que M. Laroche est poursuivi pour 532 000 $ et qu’elle porte 86 chefs d’accusation. Comme dans tous les communiqués de l’AMF, le texte rappelle les faits reprochés. Cela se lit comme suit :

  • avoir exercé l’activité de courtier en valeurs sans être inscrit à ce titre auprès de l’Autorité des marchés financiers, le tout en contravention à l’article 148 de la Loi ;
  • avoir procédé au placement de valeurs sans avoir établi un prospectus soumis au visa de l’Autorité des marchés financiers, le tout en contravention à l’article 11 de la Loi

Ça semblait clair ? Pour les initiés seulement. Le lendemain, La Presse titrait en première page de son cahier Affaires : Un conseiller financier risque une amende de 532 000 $ (voir l’article). Êtes-vous surpris d’être passé à la moulinette une fois de plus ? Nous, non. Ça fait plus de cinq ans que l’on répète que l’AMF néglige cette clarté éminemment importante dans ses communications publiques.

Dans ce cas-ci, puisqu’il apparaît évident que le libellé du communiqué de l’AMF a été incompris de l’équipe éditoriale du cahier Affaires de La Presse, la question est la suivante : combien de démonstrations faut-il, outre le traitement médiatique des affaires Jones et Laroche, pour que l’AMF comprenne que ses communiqués ne sont pas suffisamment explicites aux yeux de neuf dixièmes des journalistes de la presse généraliste ?

Quelles raisons sibyllines empêchent les experts en communication de l’AMF de préciser, dans ce genre de cas, que l’individu visé est un présumé usurpateur, mystificateur ou fraudeur ? Que l’individu n’étant pas inscrit, il ne peut être considéré comme un conseiller en services financiers ? Deux phrases minuscules !

Dans la mission de l’AMF, une de ses responsabilités est de protéger les investisseurs. Une partie de cette tâche passe par l’éducation du public. Si les communications de l’AMF sont incomprises et que le résultat médiatique contribue à véhiculer au sein du public épargnant une méfiance et une crainte injustifiée des hommes et des femmes qui œuvrent avec honnêteté dans ce secteur d’activité, l’AMF manque à ses responsabilités, en plus d’être en partie responsable du tort incalculable qu’elle cause par aveuglement à la réputation des conseillers en services financiers.

Le ministère des Finances est-il à l’écoute ?

Appuyez la lettre ouverte d’Yves Bonneau au ministre Bachand en signant cette pétition en ligne.

Yves Bonneau