POINT DE VUE : Reconnaît-on l’arbre à ses fruits ?

29 mai 2006 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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(29-05-2006)La Caisse de dépôt et placement du Québec est l’un des plus grands et des plus performants gestionnaires institutionnels au monde. On doit à Jean Lesage cette institution qui a célébré ses 40 ans l’an dernier. D’aucuns la considèrent d’ailleurs comme une des plus belles réussites de la Révolution tranquille, avec raison. Sa vingtaine de déposants y confient plus de 120 milliards de dollars.

Belle année encore pour la Caisse. Les derniers chiffres que l’institution a dévoilés à la fin avril en matière de rendement et de croissance de l’actif pour 2005, montrent que ce dernier est passé de 175 à 216 milliards, alors que le rendement global a été de 14,7 % en hausse par rapport à la performance de 12,2 % en 2004. Chapeau M. Rousseau!Force est d’admettre que le recentrage des activités de la Caisse à l’automne de 2002, prescrit par l’ex-pdg de la Banque Laurentienne, a été bénéfique et a bien préparé les 40 ans de l’institution. D’ailleurs, en décembre 2004, le ministre des Finances d’alors, Yves Séguin, a offert à la Caisse pour son 40e anniversaire une refonte de sa loi constitutive. En effet, le projet de loi 78 a réitéré la mission de gestion des avoirs des déposants de la Caisse et a confirmé à l’article 4.1 ce que l’institution fait depuis 1965, i.e. contribuer au développement économique du Québec.

Mais ce développement économique initié par la Caisse doit se faire de façon ordonnée et avec circonspection. Ce n’est pas parce qu’une entreprise d’État se lance dans un secteur d’activité connexe à son domaine d’expertise, fut-elle toute puissante et milliardaire, qu’elle possède nécessairement les compétences pour gérer des projets ou des initiatives d’envergure. Certains secteurs d’activité économique exigent des sommes colossales pour pouvoir y faire sa marque et les enjeux financiers en cause commandent une lecture fine du secteur à investir.

Par le passé, la Caisse n’a pas été à la hauteur de sa réputation quand elle s’est improvisée promoteur d’entreprises de mode et de cinéma ou lorsqu’elle a géré elle-même la construction de son complexe CDP capital. Cliquez ici pour lire le rapport à l’Assemblée nationale

Bien que l’on comprenne la part de risque, son incursion de 1997 à 2003 dans l’industrie des fonds communs est également loin d’avoir été couronnée de succès.

De nombreux conseillers et entrepreneurs du secteur des FCP ont vécu les hauts et les bas de cette période instable. Quelques chanceux ont passé à la caisse, d’autres ont pesté contre la concurrence éprouvante que leur menait l’entreprise publique sur leur terrain avec sa réserve colossale de fonds publics.

L’os, c’est que personne dans l’industrie ne sait aujourd’hui combien a coûté cette aventure initiée par le tandem Scraire-Nadeau. En fait, le seul moyen de le savoir serait par décret du gouvernement ou si le premier ministre et le chef de l’opposition exigeaient que l’institution donne accès au Vérificateur.

En effet, le conseil d’administration de la Caisse a voté une résolution en avril 1997 rejetant toute juridiction du Vérificateur général en matière de vérification de l’optimisation des ressources. La Caisse affirme qu’il n’appartient pas à ce dernier de déterminer l’opportunité d’une telle vérification et que cette décision relève de son bon vouloir.

On aurait pu corriger la situation avec le projet de loi 78 : Yves Séguin n’a pas tenu compte de l’exposé en commission parlementaire du Vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, qui disait vouloir modifier l’article 30 du projet de loi. « Le projet de loi n° 78 ne constitue en rien un pas vers un plus grand contrôle parlementaire à l’égard du mandat confié au Vérificateur général à la Caisse de dépôt et placement du Québec. Je ne peux donc pas y exercer pleinement mon rôle de surveillance des fonds publics, disait-il. Pour que je puisse m’assurer que la vérification d’optimisation des ressources soit de qualité, il faut que je puisse entrer à la Caisse, poser des questions(…).

Présentement, ce n’est pas le cas. Ce projet de loi ne me donne toujours pas le droit de faire une vérification moi-même sans entente avec le conseil d’administration. »

Dans le présent contexte, où la Caisse et ses dirigeants doivent faire face à des requêtes, des questions et d’autres recours, il est maintenant impératif que cette dernière ouvre ses livres au Vérificateur général pour faire la lumière sur la période où elle investissait massivement dans le secteur des FCP. Si la gestion de ces investissements est irréprochable, la Caisse a tout à gagner. Elle évitera ainsi d’être la cible inutile d’investisseurs et de conseillers furieux « …qui lui reprochent son laxisme et son incurie dans des secteurs étrangers à son mandat… ». Autrement, maintenir une attitude fermée serait contraire à l’esprit de transparence qui doit prévaloir dans un organisme relevant de l’Assemblée nationale.

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