Quid du transfert d’une entreprise familiale?

Par Karine Précourt | 3 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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En 2016, 42 % des ­Québécois de 18 à 34 ans voulaient se lancer en affaires : création de nouvelles entreprises, achat d’entreprises existantes non familiales ou rachat d’entreprises familiales[1].

Cette dernière option était moins courante, notamment en raison des conséquences fiscales désavantageuses pour le ­parent-vendeur. Cependant, des changements législatifs sont récemment survenus, et d’autres sont attendus.

Deux scénarios sont habituellement envisagés pour vendre l’entreprise familiale à son fils ou à sa fille : la vente des actions de la société à leur juste valeur marchande (JVM) ou leur acquisition par la société de l’enfant suivant un emprunt auprès d’une institution financière. Ces scénarios permettent au parent de conserver la société dans la famille, de se prévaloir de la déduction pour gains en capital (DGC)[2], de bénéficier du taux d’inclusion de 50 % pour l’excédent du gain en capital (GC) et de maximiser son actif à la retraite.

VENTE DES ACTIONS À LA JVM

Dans le premier scénario, le manque de liquidités de l’enfant est parfois une difficulté. Pour pallier, le parent est tenté de céder ses actions à un prix moindre que leur ­JVM. Une telle transaction entraîne une double imposition car, en vertu de l’alinéa 69(1)a) de la ­Loi de l’impôt sur le revenu (LIR)[3], le contribuable qui dispose d’un bien en faveur d’une personne avec laquelle il a un lien de dépendance sans contrepartie ou moyennant une contrepartie inférieure à la ­JVM de ce bien est réputé avoir reçu une contrepartie égale à la ­JVM du bien.

D’un côté, le ­parent-vendeur doit payer un impôt (ou utiliser sa ­DGC) sur un ­GC sans avoir reçu la ­JVM des actions. De l’autre, l’­enfant-acheteur est considéré avoir acquis les actions de la société pour une valeur équivalant au montant réellement déboursé. Au moment de vendre ses actions, il est imposé sur un gain en capital pour lequel le parent a déjà été partiellement imposé. Une double imposition à éviter.

ACHAT SUIVANT UN EMPRUNT BANCAIRE

Le deuxième scénario est le financement de l’acquisition par un emprunt auprès d’une institution financière par la société de l’enfant. Ce dernier bénéficie alors d’avantages fiscaux : remboursement de l’emprunt et déduction des intérêts par la société. Jusqu’à récemment, cette stratégie comportait une contrainte fiscale tant au fédéral qu’au ­Québec. Sous certaines conditions, elle n’existe plus au ­Québec. Au fédéral, elle demeure.

En vertu de l’article 84.1 ­LIR et du lien de dépendance entre le parent et la société de l’enfant, le ­GC réalisé lors de la disposition des actions de la société du parent pour une contrepartie autre que des actions est automatiquement requalifié de dividendes[4]. Le parent perd le bénéfice de la ­DGC ainsi que le traitement fiscal avantageux du ­GC. Il est donc fréquent que le parent vende la société à un tiers plutôt qu’à son enfant.

Depuis le 18 mars 2016, au ­Québec, sous certaines conditions, le transfert entre membres d’une famille peut être soustrait à la règle de « requalification » et être traité comme une vente à un tiers[5].

Le gouvernement canadien a récemment tenu une consultation sur certains aspects de la fiscalité des sociétés[6]. Éventuellement, le traitement des véritables transferts intergénérationnels pourrait être révisé.

Selon le document consultatif déposé le 18 juillet 2017, le « véritable transfert » intergénérationnel se définit comme suit :

  • ­le vendeur cesse d’avoir le contrôle de l’entreprise transférée
  • ­l’intention de l’acheteur est de poursuivre les activités de l’entreprise longtemps après l’acquisition
  • ­le vendeur n’a plus aucun intérêt financier dans l’entreprise transférée
  • ­le vendeur ne participe ni à l’administration ni à la gestion de l’entreprise

Actuellement, compte tenu du traitement asymétrique du transfert intergénérationnel de l’entreprise d’un parent à la société de son enfant, le gel successoral peut être une solution envisagée. Elle permet le transfert graduel de l’entreprise du parent à l’enfant de façon fiscalement avantageuse[7]. La réforme fiscale fédérale à venir ­apportera-t-elle un traitement harmonisé?

Karine Precourt Karine ­Précourt, ­LL.M. Fisc., ­MBA, est directrice, ­Planification fiscale et successorale, à ­Placements ­Mackenzie.

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[1] Réseau M, Croissance et internationalisation : les quatre profils de l’entrepreneur québécois sous la loupe, Indice entrepreneurial québécois 2016. [2] En 2017, la déduction peut atteindre 835 716 $ pour les actions admissibles de petite entreprise et 1 000 000 $ pour les biens agricoles ou de pêche admissibles. [3] Équivalent provincial : art. 422 de la Loi sur les impôts (LI). [4] Il équivaut à la portion de la contrepartie reçue, autre que des actions, supérieure au plus élevé du : – Prix de base rajusté des actions pour le vendeur – Capital versé relatif aux actions [5] Budget du Québec, 17 mars 2016, et Un plan pour que l’économie québécoise soit davantage une économie de dirigeants, 21 février 2017. [6] Qui a pris fin le 2 octobre 2017. [7] Sous réserve des modifications législatives qui découleront de la consultation.

• Ce texte est paru dans l’édition de novembre 2017 de Conseiller.

Karine Précourt