Réplique d’Objectif Conseiller à Protégez-vous

3 octobre 2007 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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En titrant «L’incompétence règne» le résultat de l’enquête d’Option consommateurs sur les « conseillers financiers », le magazine Protégez-vous a mis le feu au poudre. Tout comme Yves Bonneau, rédacteur en chef d’Objectif Conseiller, le journaliste Gérard Bérubé du Devoir a émis des doutes quant à la démarche d’Option consommateurs. Sans tarder, le duo a répliqué à cet article.

En lisant cette réplique, les consommateurs et les conseillers ne trouvent malheureusement rien pour les rassurer quant à la valeur de la méthodologie de l’enquête et la généralisation des résultats des 39 rencontres d’information et de prospection. À son tour, Yves Bonneau poursuit la réflexion.

Protégez-Vous et Option consommateurs s’enlisent

J’ai lu avec stupéfaction votre réponse au Devoir et à mon collègue Gérard Bérubé au sujet de sa chronique de jeudi dernier intitulée, « Haro sur les conseillers ». Je me permets donc de vous répondre puisque vous me citez sans retenue et sans savoir une fois de plus de quoi il en retourne.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que vous ne manquez pas de culot. Non contents d’avoir sali la réputation de milliers de conseillers en services financiers, vous persistez à insulter l’intelligence de vos propres lecteurs en tentant de leur faire avaler que votre enquête menée par une bande d’amateurs avait un semblant de rigueur journalistique.

Il est grand temps que vous cessiez d’induire le public et les médias en erreur et que vous agissiez de manière responsable en admettant vos lamentables erreurs.Vous ne vous rendez même pas compte des énormités que vous avancez dans votre réponse au Devoir et des incongruités que vous soutenez avec votre enquête simpliste.

Plus vous persistez à nier l’évidence, plus vous vous enfoncez.

Vous admettez d’emblée dans votre réponse au Devoir que vous avez procédé à une « rencontre d’information et de prospection ». Or voilà, et je ne suis pas désolé de dégonfler votre montgolfière, la question prépondérante et la première erreur que vous ayez commise avec votre exercice, c’est justement d’avoir procédé à une rencontre de prospection de 30 minutes sans jamais demander au conseiller d’ouvrir un compte. L’ouverture d’un compte, et vous devriez vous en informer à ce spécialiste qui vous a supposément conseillé, est l’étape charnière dans l’analyse complète des besoins du client. Cette opération permet à tout conseiller de s’enquérir de manière ordonnée sur toutes les questions financières et familiales du client. Ce que vous cherchiez tant à obtenir de la part des conseillers que vous avez piégés, vous l’auriez obtenu; et probablement avec une note parfaite pour les 39 conseillers que vous avez visités puisqu’il s’agit de compétences balisées par les règles de conformité appliquées par les institutions financières et contrôlées par les organismes de surveillance et d’autoréglementation.

À l’évidence et comme vous n’avez jamais ouvert un Manuel sur les normes de conduite(qui fait l’objet d’un cours et d’un examen pour obtenir le diplôme de représentant en valeurs mobilières décerné par CSI(Institut canadien des valeurs mobilières), je vous en cite un passage qui devrait allumer vos lumières.

Au chapitre : Règles générales de conduite et règles particulières de l’ACCOVAM et des Bourses concernant la conduite des représentants« Le représentant qui travaille sur le marché des valeurs mobilières a des responsabilités envers son client et sa firme. Il doit donc accepter, comprendre et observer des normes rigoureuses d’intégrité.(…)Le représentant ne doit jamais oublier que l’intérêt de son client doit toujours passer en premier lieu. »

Au paragraphe "E" intitulé : Règle d’importance capitale : On doit connaître son client.« Chaque membre doit exercer toute la diligence voulue:(a)pour apprendre les faits essentiels relatifs à chaque client et à chaque ordre reçu ou à chaque compte accepté;(b)pour s’assurer que l’acceptation de tout ordre pour quelque compte que ce soit est conforme au bon usage dans la pratique des affaires; et(c)pour s’assurer que les recommandations faites à l’égard de tout compte conviennent au client concerné et sont conformes à ses objectifs de placement »

Et finalement :« Pour se conformer à ce règlement, la première mesure à prendre est de veiller à ce qu’un formulaire d’ouverture de compte soit dûment rempli au moment de l’ouverture d’un nouveau compte. Afin d’aider le client à atteindre ses objectifs de placement et de veiller à ce que le volume et les catégories d’opérations effectuées soient conformes aux règlements appliqués dans le commerce des valeurs mobilières, le représentant doit se tenir continuellement au courant de la situation financière et personnelle du client.»

Le Manuel des normes contient 250 pages, je vous ferai grâce du reste mais je vous invite à le consulter s’il vous prenait l’envie de récidiver.

Comme vous avez pu vous rendre compte dans ce court paragraphe, les mots conforme et conformer apparaissent quatre fois! C’est dire que ces obligations de la part du représentant sont consignées formellement dans les pratiques exigées par les responsables de la conformité de chaque cabinet.

Pour votre information, les règles de conformité que je cite quant à l’ouverture d’un compte s’appliquent spécifiquement aux représentants en valeurs mobilières de plein exercice, dont vous mentionnez abondamment leur titre dans votre brûlot sans savoir que la plupart des conseillers que vous avez visités sont plutôt des représentants en épargne collective.

Qu’à cela ne tienne, sachez que les règles de conduite et de conformité appliquées par les autres organismes d’autoréglementation, tels la Chambre de la sécurité financière et le MFDA, s’inspirent à peu de choses près des mêmes préceptes.

Je vois aussi qu’en plus vous citez sans précision des articles du Code de déontologie de la Chambre. Encore une fois, vous êtes à côté de la plaque. Vous ne le saviez peut-être pas, mais les articles que vous citez s’appliquent seulement aux conseillers en sécurité financière et aux planificateurs financiers issus du secteur de l’assurance. Dans votre enquête, il n’y a pas le quart des conseillers rencontrés qui se rapportent à ce code de déontologie. Je ne vous apprendrez rien, je présume, en vous disant qu’il existe un second code déontologie qui lui s’applique spécifiquement aux conseillers oeuvrant en valeurs mobilières, notamment les représentants en épargne collective qui eux constituent le gros de votre échantillonnage.

Vous écrivez aussi que je devrai me rétracter quant à la non tenue de l’enquête du syndic de la Chambre. Prenez note que je ne me rétracterai pas du tout, mais je vais néanmoins y apporter une précision. M. Labelle m’a bien confirmé qu’il y aurait enquête du syndic, et puisque le syndic agit de manière indépendante, M. Labelle ne peut dicter au syndic la marche à suivre. Cependant, si vous comprenez bien la déclaration de M. Labelle et le paragraphe ci-haut sur la nécessité de l’ouverture d’un compte, il ne vous viendra plus à l’idée de vous gargariser avec cette enquête du syndic parce que:• Aucun représentant n’a été cité dans votre enquête. Vous m’avez confirmé en entrevue que leurs noms demeureraient secrets, que vous ne faisiez pas dans la dénonciation;• Comme il n’y a eu aucune ouverture de compte et aucun conseiller connu, l’enquête du syndic tournera court;• Le syndic enquête plutôt sur la méthodologie et la pertinence de votre enquête de pacotille.• Le point de déontologie que vous soulevez maladroitement ne s’applique tout au plus à 7 ou 8 conseillers de votre test. Et, votre interprétation très large du code serait battue en brèche par n’importe quel juriste qui connaît le domaine. Qui plus est, quand il est question de client éventuel, toute obligation incombant à un conseiller demeure du domaine strictement confidentiel entre le client et le conseiller. Comme aucune conversation de prospection n’est consignée(outre les enquêtes d’Option Consommateur), aucun syndic ou directeur de conformité ou autorité réglementaire ne réprimandera aucun conseiller sur ces bases.

Même l’AMF, votre bailleur de fonds, est franchement embarrassé par votre affaire…Vous avez, selon eux, publié un rapport d’enquête « préliminaire » sans même avoir vérifié vos résultats avec ceux qui vous ont promis 52 800 $ et qui s’attendaient à voir un rapport final avant que vous ne rendiez publique cette pseudo-enquête. Si j’étais à votre place, je ne compterais pas trop sur la suite des choses!

Vous soutenez sans rire que vous comprenez(!)le mécontentement de l’industrie. Ce n’est pas du mécontentement que vous avez causé, c’est un affront public et de la diffamation pure et simple. Avant de réclamer de Gérard Bérubé et du Devoir de s’en rapporter au b.a.-ba du journalisme, vous devriez regarder votre propre pratique du journalisme. Vos généralisations abusives sont indignes d’un magazine qui veut faire la leçon à tous en matière d’intégrité. Comment osez-vous affirmer après coup qu’Option consommateurs et Les Éditions Protégez-Vous n’ont jamais eu la prétention d’étendre ces résultats à l’ensemble de l’industrie?

Des exemples sortis tout droit de votre texte?« L’incompétence règne »; «(…)Eh bien, vous avez une chance sur deux de rencontrer quelqu’un d’incompétent »;« Quoiqu’il en soit, il ne faudrait surtout pas conclure qu’être en règle auprès de l’AMF est un gage de compétence: la moitié des représentants ont obtenu 65% et moins comme note globale. »;« De même, on ne saurait se fier au titre du représentant pour savoir s’il est digne de confiance.(…)on aurait pu s’attendre que les planificateurs financiers relèvent mieux notre épreuve.(…)les résultats ont été bien inégaux. »;« L’industrie fait face à un défi considérable. Ne devrait-elle pas faire le ménage en ses murs. »;« Si vous êtes incapables de comprendre le représentant, c’est mauvais signe. Probablement qu’il a lui-même du mal à s’y retrouver. »;« La grande majorité des représentants vivent de la vente de produits. Il ne faut donc pas s’attendre à une totale objectivité de leur part. »;« Le danger, c’est qu’ils multiplient les transactions pour augmenter leurs revenus. »

Holà! Une simple question : Qui êtes-vous pour vous substituer à des centaines de gens sur-compétents qui s’affairent à baliser, à policer, à normaliser les pratiques d’une industrie qui génère près de 15 milliards par année au Québec. Pensez-vous que les gens qui travaillent dans ce secteur d’activités improvisent à la petite semaine? Connaissant les responsabilités financières énormes qu’une faute d’un représentant ou d’un employé peut causer à leur entreprise et à l’ensemble de l’industrie, pensez-vous qu’ils oseraient même prendre ce genre de risque, et à fortiori lorsque les relents de Norbourg flottent encore dans l’air?

Il faut être parfaitement inconscient pour penser que le bac en économie de Mme Claire Harvey soit tout ce qu’il vous faut pour comprendre les rouages de cette industrie. Il est tout aussi difficile de croire que vous vous êtes basés sur un entretien de 30 minutes en moyenne pour évaluer la compétence de ces conseillers, sans compter les risques que vous leur avez fait porter de perdre leur emploi et tous le stress et les angoisses occasionnés par votre irresponsabilité.

Bien évidemment, vous ne me prendrez pas à vous dire que l’ensemble des conseillers travaillant au sein des institutions financières et comme indépendants sont sans reproche. Comme dans toutes les professions, le journalisme inclus, il y en a qui commettent des erreurs et d’autres qui sont carrément incompétents. Le devoir du consommateur est de se renseigner avant même de se "magasiner" un conseiller, c’est l’enfance de la consommation. Pour notre part, nous avons enquêté sur les conseillers l’an dernier et nous avons comparé leurs performances avec celles d’autres professionnels. Pour votre gouverne, notez que sur les quelque 30 000 conseillers inscrits à la Chambre de la sécurité financière, 26 plaintes ont été portées au comité de discipline en 2004-2005, pour un taux de 0,09%. Ce taux est exactement le même que les comptables agréés et… les médecins! De même, au nombre de radiations, suspensions et interdictions de pratique, toujours avec le même échantillonnage, 21 conseillers ont subi les foudres de l’organisme réglementaire pour un taux de 0,07%. Aux fins de comparaison, la même année, sur les 21 000 membres du Barreau, 196 ont été radiés, suspendus ou interdits de pratique pour un taux de 0,94%.

La prochaine fois qu’il vous viendra le trait de génie de vous lancer dans ce genre d’enquête, faites une faveur à vos lecteurs et demandez l’aide d’experts compétents pour baliser votre protocole et votre méthodologie. Il y en a justement à la Chambre de la sécurité financière, à l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières et même à l’AMF. Un simple coup de fil vous aurait évité tous ces tracas. Vous devriez également en discuter avec Michel Nadeau, le président du conseil des Éditions Protégez-Vous. Sa longue et fructueuse carrière en journalisme et dans l’industrie des services financiers comme vice-président à la Caisse de dépôt et placement du Québec, aurait pu vous aider grandement à cerner votre sujet.

Et de grâce, ne placez plus de notes de passage à 66%! Si vous voulez qu’il demeure une once d’intégrité à votre travail, respectez plutôt la valeur universellement reconnue de 60%. Sinon, d’aucuns seraient tentés de titrer : Drôle de rigueur que la vôtre…

Entretemps, vous devriez vous en tenir aux enquêtes sur les thérapeutes de médecines douces, vous avez l’air de mieux comprendre cette industrie!

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