Réponses à la consultation de l’AMF sur la DSR

Par André Giroux | 21 septembre 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Dix-huit organismes ont réagi publiquement à la consultation de l’Autorité des marchés financiers sur la distribution sans représentant (DSR). Tour d’horizon des réactions aux propositions de l’AMF.

L’Association canadienne des institutions financières en assurance (ACIFA) rappelle une donnée que publie l’AMF dans son document de consultation : à la fin 2008, les institutions de dépôt représentaient 49 % des 12 millions de ventes en DSR au Québec.

L’organisme axe sa réponse sur trois thèmes principaux : une réglementation basée sur le risque, harmonisée entre les provinces et supprimant les lourdeurs administratives. C’est sur la divulgation de la rémunération et sur le dépôt à l’AMF des scripts utilisés pour le télémarketing que l’organisme énonce ses plus vives oppositions.

En matière de rémunération, « nous pensons que la réglementation actuelle est adéquate et incitons l’AMF à renforcer l’exécution de ces obligations », écrit l’ACIFA. Pour faciliter le contrôle, l’organisme propose que « les assureurs informent l’AMF des cas où la rémunération reçue par leurs distributeurs dépasse ce seuil (de 30 %) ».

Pour expliquer sa recommandation de divulgation intégrale de la rémunération des distributeurs, l’AMF invoque notamment que les représentants certifiés doivent s’engager à agir dans l’intérêt du consommateur.

Or, affirme l’ACIFA, « le projet sur les conflits d’intérêts du Comité de révision des pratiques de l’industrie (CRPI) du CCRRA [Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance] a été lancé en 2004, précisément à cause de pratiques frauduleuses et malhonnêtes de représentants en assurance certifiés. »

Quant aux scripts d’appels téléphoniques, l’ACIFA invoque que ses membres respectent les lignes directrices de l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP) et qu’il est facile de contrôler les appels : « Une formation et une surveillance strictes et continues de tous les représentants, ainsi que l’écoute en temps réel des appels, constituent des outils efficaces pour garantir le respect des scripts. Par ailleurs, les appels sont enregistrés. » Finalement, le CRTC réglemente le secteur par la Liste nationale des numéros de télécommunications exclus et les heures d’appel raisonnables.

« Les scripts étant dynamiques et évolutifs, si les membres de l’ACIFA devaient remettre à l’AMF le moindre changement et si l’AMF devait gérer et actualiser régulièrement de nombreux scripts, cela créerait une charge excessive. »

En invoquant les travaux de l’ACCAP, l’ACIFA affirme son accord avec les autres objectifs que propose l’AMF, soit en invoquant que la législation et la réglementation permettent déjà de les atteindre, soit en appuyant les recommandations de l’AMF.

L’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP) a souvent préconisé la combinaison guide-police ou guide-certificat afin d’assurer l’exactitude et la cohérence de l’information aux consommateurs. Elle affirme son ouverture à « entreprendre des discussions avec l’Autorité pour réduire la longueur et la complexité des guides », à condition de considérer les législations et pratiques existantes.

Concernant la « confirmation de l’assurance », l’ACCAP propose de partager avec l’AMF sa ligne directrice sur l’assurance crédit collective, qui « énonce que l’assurance devrait être attestée par un certificat dont le contenu est précisé. » Une modification législative ne lui paraît pas nécessaire.

Diffuser les guides sur le site de l’AMF? « Nous croyons qu’il serait difficile pour l’AMF de garantir au consommateur que les versions en ligne sont les plus récentes. De plus, il serait difficile pour le consommateur d’identifier le produit qui convient à ce qu’il veut acheter. »

L’ACCAP est en désaccord avec le souhait de l’AMF de limiter le nombre de produits inscrits dans un même guide. « Les garanties sont conçues pour couvrir l’ensemble des risques », signale l’organisme en illustrant son propos avec l’assurance voyage. « Cette assurance peut couvrir des garanties vie, invalidité, hospitalisation, bagage et annulation de voyage […] Si le consommateur devait se pencher sur l’achat de cinq polices d’assurance différentes […], il risquerait d’être rebuté et partir sans protection; de plus, la mise en marché de cinq polices d’assurance au lieu d’un package rendrait le coût peu attrayant pour le consommateur. »

Quant au délai de résolution de contrat, l’ACCAP préconise dix jours, accepte 20 jours, mais ne croit pas que le délai devrait être porté à 30 jours. « Nous sommes d’accord pour discuter de l’imputabilité des assureurs pour le respect des obligations de leurs distributeurs. » L’organisme a adopté des lignes directrices énumérant la formation et le contrôle que les assureurs devraient assumer face aux distributeurs. « Toutefois, l’assureur n’a pas à être imputable des fautes d’un distributeur ou du manquement à ses obligations si celles-ci résultent d’activités en dehors du lien contractuel qui le relie à l’assureur. L’article 436 de la LDSPF (Loi sur la distribution de produits et services financiers) précise déjà la responsabilité du distributeur. » Si l’AMF crée son propre processus d’inspection, elle devra en faire supporter les coûts par le distributeur fautif.

Au-delà de la divulgation d’une rémunération supérieure à 30 % du coût du produit, l’ACCAP ne voit pas de raison de traiter différemment les distributeurs et les représentants. « Les dérogations à la règle du 30 % devraient faire partie du processus d’inspection que l’AMF propose d’introduire pour valider les activités des distributeurs. » Concernant le télémarketing, le dépôt de scripts auprès de l’AMF n’apparaît pas utile à l’ACCAP puisqu’ils sont modifiés fréquemment et peuvent contenir des renseignements commerciaux de nature stratégique.

Le Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ) remet carrément en question la pratique de distribution sans représentant. « En l’absence d’une analyse des besoins complète, qui n’est pas nécessaire dans ce réseau de distribution, le consommateur est à la merci des pressions potentielles visant à l’obtention ou non du crédit demandé. » Concernant la simplification du guide d’information, l’organisme affirme : « Il n’est pas raisonnable de mettre sur les épaules du consommateur le fardeau d’évaluer le besoin réel de protection correspondant à ses besoins en négligeant l’échelle des priorités en sécurité individuelle et/ou familiale. L’offre de services devrait toujours contenir les deux options « assurance temporaire/permanente et les assurances biens » par un conseiller ou un courtier autorisé par l’AMF. »

Selon le RICIFQ, le guide d’information que suggère l’AMF devrait intégrer une section décrivant la protection qu’offre le fabricant et le consommateur devrait la parapher s’il achète le produit. Quant au télémarketing, c’est à la nature des produits vendus que s’en prend le RICIFQ. Ils « comportent peu d’avantages si ce n’est leur simplicité ». L’organisme juge ces produits coûteux et souvent inadaptés aux besoins du consommateur.

Démarche prématurée et non nécessaire, clame la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec. Selon elle, ses membres et l’AMF doivent d’abord prendre le temps d’assimiler les nouvelles règles relatives à l’assurance de remplacement, dont la police standard, en vigueur depuis octobre 2010, et ce, « après plusieurs consultations qui ont duré des années ».

L’organisme partage plusieurs des objectifs qu’a énoncés l’AMF dans son document de consultation, en s’étonnant parfois du langage employé. Il affiche toutefois son « total désaccord » sur la recommandation d’établir à 30 jours le délai pour la résolution d’un contrat d’assurance. Le délai de dix jours lui semble suffisant, d’autant plus que la Loi sur la protection du consommateur fixe à deux jours le délai de résiliation d’un contrat de vente à tempérament d’une automobile neuve dont le consommateur n’a pas encore pris livraison.

La Corporation des concessionnaires automobiles énonce le même désaccord avec la recommandation d’obliger le distributeur à dévoiler sa rémunération. Face à la même assurance, pourquoi établir des règles différentes selon que le vendeur est un courtier ou un concessionnaire, demande l’organisme. Il souhaite l’abolition des dispositions actuelles sur la déclaration de la rémunération des distributeurs.

La position de l’Association des marchands de véhicules d’occasion du Québec (AMVOQ) va dans le même sens que celle de la Corporation des concessionnaires automobiles. L’organisme affirme : « Les courtiers, tout comme les marchands de véhicules, sont en affaires, le profit est le moteur de leurs activités. Prétendre qu’ils peuvent orienter le consommateur vers le produit le moins cher et se priver de revenus, surtout quand ils sont des agents captifs ou membres de cabinets liés financièrement à un assureur, m’apparaît faire preuve d’angélisme. »

Une question pour l’Autorité : « Pourquoi l’AMF modifierait-elle un produit et un mode de distribution au sujet desquels elle reçoit peu ou pas de plainte, à peu près pas de remarque, à toutes fins utiles, aucune demande en provenance des consommateurs? »

Pour la Corporation des assureurs directs de dommages du Québec (CADD), la législation actuelle suffit. Elle s’oppose notamment à la diffusion des guides d’information sur le site web de l’AMF. Elle propose plutôt qu’ils soient disponibles sur le site web de l’assureur, « dans une zone sécurisée à laquelle le client pourrait avoir accès en tout temps après l’achat du produit. » Pourquoi ? La proposition de l’AMF « ne constitue pas une solution qui servirait principalement les clients. Elle permettrait plutôt aux assureurs de s’observer entre eux. »

Selon l’Office de protection des consommateurs (OPC), « le document de l’Autorité nous apparaît le fruit d’une réflexion sérieuse et être favorable aux intérêts des consommateurs. Dans l’ensemble, les constats et recommandations de l’Autorité sont on ne peut plus appropriés. »

Quelques bémols, toutefois : l’OPC n’est pas convaincu de la pertinence de l’abolition du seuil de 30 %, déclenchant l’obligation de la rémunération du distributeur. D’une part, parce qu’il peut servir de signal d’alarme. D’autre part, parce que « la création de structures servant à camoufler la divulgation reste alléchante », écrit Me Migneault. Par conséquent, « des efforts suffisants de surveillance et de sanction du non-respect de la loi sont absolument nécessaires. »

Le représentant de l’OPC questionne la pertinence d’offrir par télémarketing des produits aussi complexes que l’assurance. « On peut se demander si l’interdiction pure et simple ne devrait pas être envisagée, si cela n’a pas été fait. » À défaut d’interdiction, l’OPC recommande que le délai de résolution de contrat débute à la date de réception du guide de distribution.

L’Union des consommateurs accorde une grande importance à la clarté du guide remis aux consommateurs, guide devant inclure une section sur les droits et recours du consommateur, notamment quant au délai pendant lequel il peut résilier le contrat sans pénalité. Le distributeur d’assurance devrait aussi remettre au consommateur « un formulaire de résolution ainsi qu’une brève explication du calcul des frais lorsque la police est annulée après le délai de résolution sans frais. »

L’organisme intervient aussi sur la signification de la « confirmation d’assurance ». « Il peut arriver que des consommateurs, pensant être assurés puisqu’ils ont payé pendant des années une assurance, se voient refuser des indemnités et se retrouvent sans argent puisque la compagnie d’assurance n’a pas analysé les besoins et l’état de santé de l’assuré. Avant qu’une confirmation d’assurance ne lui soit envoyée, la compagnie devrait avoir l’obligation de le contacter et d’enquêter sur sa situation. De cette façon, un consommateur qui reçoit une confirmation d’assurance saura qu’il est bel et bien assuré. […] La confirmation d’assurance devrait être obligatoire, ce qui permettrait d’éviter que des consommateurs paient pendant des années une assurance sans savoir qu’ils sont assurés. »

De plus, mentionne l’Union des consommateurs, « si des dispositions relatives à l’éthique étaient inscrites dans la réglementation, cela pourrait avoir un effet dissuasif sur les distributeurs et offrir davantage de protection aux consommateurs. »

L’organisme ne rejette pas le télémarketing, mais y pose ses conditions :

  • si une personne souhaite prendre une assurance à la suite d’un appel, des documents sur l’assurance devraient lui être envoyés et ce n’est que le retour d’un formulaire d’adhésion complété qui confirmerait la prise de l’assurance;
  • toute entreprise offrant des assurances, dont les institutions financières et les commerçants devraient avoir l’obligation d’embaucher un représentant certifié afin qu’il réalise une analyse des besoins complets du consommateur.

Liste des autres organismes ayant présenté un mémoire à l’AMF

  • Association des banquiers canadiens (ABC);
  • Association des compagnies financières canadiennes (ACFC) (en anglais seulement);
  • Assurant Vie du Canada;
  • Bureau d’assurance du Canada (BAC);
  • Chambre de la sécurité financière;
  • Coordinateurs en assurance voyage TIC ltée (en anglais seulement);
  • Groupe PPP ltée;
  • Mouvement des caisses Desjardins;
  • Regroupement des cabinets de courtages d’assurance du Québec (RCCAQ);
  • The Travel Health Insurance Association of Canada (THIA).

Cet article est tiré de l’édition de septembre du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.

André Giroux