Trop d’handicapés se privent de ressources financières importantes

Par Jean-François Venne | 27 novembre 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Yuliya Rosher / 123RF

Au Québec, les personnes handicapées rencontrent des défis financiers particuliers. Pourtant, ils utilisent très peu les crédits d’impôt et les véhicules d’épargne auxquels ils ont droit. Fondé en 2019, l’organisme Finautonome entend s’attaquer à ce problème.

Né avec une paralysie cérébrale sévère, Guillaume Parent dirige Finandicap, l’un des rares cabinets de services financiers à l’intention des personnes handicapées et de leurs proches. Il divise les difficultés financières engendrées par un handicap en deux catégories. Dans les cas où l’individu reste à la charge de ses proches toute sa vie, c’est sur ces derniers que repose le fardeau financier. Non seulement ils ont davantage de dépenses, mais il est fréquent qu’un parent doive renoncer à travailler pour s’occuper de son enfant.

« Mais même les non-dépendants vivent souvent dans la précarité », précise Guillaume Parent. Confrontés à des frais importants de médicaments, de loyers pour des logements adaptés, d’équipements et de services, ils peinent aussi parfois à trouver du travail. C’est justement pour cette raison que le gouvernement fédéral a créé le Régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI), entré en vigueur en 2008.

LE QUEBEC EN RETARD

Il n’y a aucune limite annuelle quant aux montants pouvant être cotisés au REEI, mais la cotisation globale à vie ne peut dépasser 200 000 dollars. Les cotisations sont permises jusqu’à 59 ans. Le grand intérêt de ce régime réside dans la subvention que le gouvernement fédéral y verse. Dépendant du revenu familial net rajusté du bénéficiaire et du niveau de cotisation, elle peut atteindre 300 % de la somme contribuée par le citoyen, jusqu’à un maximum de 3 500 dollars par année et de 70 000 dollars à vie. Les Canadiens à faible revenu souffrant d’une invalidité peuvent aussi recevoir jusqu’à 1 000 dollars annuellement en bon canadien pour l’épargne-invalidité, même s’ils n’ont pas cotisé cette année-là.

« Ce programme change complètement la donne pour les personnes handicapées et leurs proches et a le potentiel pour enrayer en bonne partie la pauvreté de dizaines de milliers de Québécois, mais il reste encore très peu utilisé chez nous », déplore Guillaume Parent.

En 2017, on recensait 24 891 REEI ouverts au Québec, contre 70 375 en Ontario et 29 199 en Colombie-Britannique, qui compte 40 % moins d’habitants que le Québec, selon un rapport d’Emploi et Développement social Canada. Seulement 26,6 % des Québécois de 0-49 ans potentiellement admissibles à un REEI en détenaient un, ce qui nous classait au septième rang parmi les provinces. En ce qui concerne la valeur moyenne des actifs détenus dans ces régimes, le Québec pointait en dernière position.

Deux raisons expliquent ce retard, selon Guillaume Parent : le manque d’information et une certaine complexité dans les procédures. Pour pouvoir ouvrir un REEI, on doit d’abord démontrer son admissibilité au Crédit d’impôt non remboursable pour personnes handicapées (CIPH). Or, il s’agit là d’un autre outil que connaissent et utilisent trop peu les Québécois souffrant d’une invalidité. « Pour recevoir le crédit d’impôt, on doit faire reconnaître son handicap en obtenant une attestation d’un professionnel de la santé et en remplissant le formulaire T2201, puis suivre un processus assez ardu », déplore Guillaume Parent.

INFORMER ET SENSIBILISER

C’est justement pour sensibiliser et informer les personnes handicapées et leurs proches, mais aussi d’autres intervenants comme les professionnels de la santé et même du secteur financier, que Guillaume Parent a fondé Finautonome en 2019. Il en a confié la direction générale à Jocelyn Caron.

« Notre objectif premier est de promouvoir le CIPH et le REEI au Québec, mais nous souhaitons également devenir un porte-parole auprès des gouvernements et leur proposer des manières d’appuyer financièrement les personnes handicapées », souligne Jocelyn Caron.

À la fin de l’été, le gouvernement fédéral a offert une aide non imposable de 600 dollars aux personnes handicapées pour les soutenir pendant la pandémie. Encore une fois, seuls les citoyens qui détenaient un certificat d’admissibilité au CIPH y avaient droit. « Nous avons reçu beaucoup d’appels et nous avons constaté la profondeur du gouffre à combler sur le plan de la connaissance de ce crédit d’impôt », relate Jocelyn Caron.

Finautonome bénéficie d’une subvention fédérale qui lui permettra d’embaucher quelques travailleurs en 2021. Au cours des prochains moins, l’organisme mènera une étude pour mieux cerner les raisons de la sous-utilisation du CIPH et du REEI au Québec. Il présente déjà une foule d’informations utiles au sujet de ces deux mesures sur son site Web. Il souhaite aussi créer des comités de gens qui pratiquent auprès des personnes handicapées, notamment dans le secteur de la santé, pour les sensibiliser à cet enjeu.

Jean-François Venne