Les baisses de taux sont surestimées

Par La Presse Canadienne | 31 octobre 2023 | Dernière mise à jour le 30 octobre 2023
5 minutes de lecture
Façade du bâtiment de la Banque du Canada sur la colline du Parlement canadien par une belle journée.
AdobeStock/Jeff Whyte

Alors que les taux d’intérêt sont probablement à leur sommet ou presque au Canada, des experts préviennent que les consommateurs ne devraient pas s’attendre à ce que les taux reviennent aux niveaux d’avant la pandémie.

La banque centrale est plus susceptible de ramener son taux du financement à un jour entre 2 % et 3 %, mais pas de sitôt, a prévenu David Macdonald, économiste principal au Centre canadien de politiques alternatives.

« C’est loin d’être imminent. Ce ne sera pas l’année prochaine », a-t-il affirmé, ajoutant que les consommateurs n’ont peut-être pas encore pleinement compris cela.

La Banque du Canada a imposé un cycle de resserrement intense à son taux d’intérêt directeur ces derniers mois. Alors qu’il se trouvait encore près de zéro en mars 2022, la banque centrale l’a haussé progressivement jusqu’à ce qu’il atteigne 5 % en juillet, mais elle l’a maintenu à ce niveau en septembre et mercredi cette semaine. Le taux du financement à un jour affecte les taux d’intérêt offerts par les institutions financières.

Le taux du financement à un jour de la Banque du Canada était de 1,75 % tout au long de 2019, avant que la banque centrale ne l’abaisse à 0,25 % pour soutenir l’économie au début de la pandémie de COVID-19.

On s’attend généralement à ce que la banque centrale maintienne ses taux élevés à court terme, dans le but de juguler l’inflation. Mais même une fois que les taux commenceront à baisser, les économistes affirment qu’un retour aux taux prépandémiques n’est pas envisageable.

L’économie canadienne et les consommateurs connaissent un changement de paradigme accéléré, a estimé Beata Caranci, économiste en chef à la Banque TD, ce qui a l’effet d’un verre d’eau froide au visage.

Mme Caranci juge que les Canadiens sont conscients que les taux d’intérêt ne reviendront pas aux mêmes niveaux qu’avant la pandémie, mais elle pense également qu’ils sont trop optimistes quant au moment où ils diminueront et à la rapidité à laquelle ils baisseront.

Les emprunteurs optent de plus en plus pour des durées plus courtes pour leurs prêts hypothécaires, espérant que les taux seront plus bas dans un an ou deux, a-t-elle souligné.

Cela pourrait bien se produire, mais ce n’est pas une garantie, a-t-elle observé.

« Si vous regardez nos prévisions ou le consensus dans la rue (…), la plupart s’attendent à des réductions d’ici la seconde moitié de l’année prochaine. Mais cela tient pour acquis que l’économie sera plus faible qu’elle ne l’est aujourd’hui », a noté Mme Caranci.

« L’un des points sur lesquels j’insiste auprès de nos clients est que la vitesse à laquelle les taux ont augmenté ne sera pas celle à laquelle ils vont diminuer. »

Dans un rapport publié mercredi, l’économiste en chef de Marchés des capitaux CIBC, Avery Shenfeld, a indiqué que la banque centrale serait probablement en mesure d’abaisser son taux directeur à 3,5 % d’ici la fin de l’année prochaine.

L’ATTEINTE DU TAUX « À LA BOUCLE D’OR »

Un terme souvent utilisé pour décrire où le taux de financement à un jour pourrait ou devrait aller est le « taux neutre ». Il s’agit essentiellement du taux « à la Boucle d’or » de la banque centrale, a expliqué Mme Caranci. « C’est un taux d’intérêt qui permet à l’économie de croître ni trop rapidement ni trop lentement », ni trop chaud ni trop froid, comme le gruau dans le conte de fées.

Dans un rapport publié le 5 octobre, Mme Caranci et l’économiste principal James Orlando ont écrit qu’ils pensaient que le taux neutre aux États-Unis était en hausse en raison de facteurs tels que les investissements dans le changement climatique, l’évolution des chaînes d’approvisionnement et l’augmentation des déficits publics.

« Un taux neutre plus élevé signifie que le taux directeur actuel pourrait ne pas être aussi restrictif que le pense la Réserve fédérale américaine », écrivent-ils.

Une tendance similaire est à l’œuvre au Canada, selon Mme Caranci et M. Orlando, mais les niveaux d’endettement élevés des consommateurs canadiens se traduisent par un taux neutre plus bas au nord de la frontière.

Avant la pandémie, les taux au Canada et dans le monde étaient historiquement faibles depuis des années, a souligné M. Macdonald, parce que l’inflation était faible depuis des décennies.

Les taux se sont maintenus à 0,5 % au cours de la dernière décennie, notamment sur une période de deux ans entre juillet 2015 et juillet 2017. Au cours des dix dernières années, le taux directeur moyen était de 1,27 %.

Il y a des inconvénients à avoir des taux d’intérêt très bas, a fait valoir M. Macdonald. En cas de récession, notamment, la banque centrale a très peu de marge de manœuvre pour stimuler l’économie en abaissant davantage les taux.

Au fil des années, la faiblesse des taux d’intérêt a également contribué à un boom immobilier, a-t-il noté. Le mandat de la Banque du Canada est de contrôler l’inflation, mais les prix des maisons ne sont pas inclus dans l’indice des prix à la consommation, a-t-il poursuivi.

Le prix moyen désaisonnalisé d’une maison en septembre était de 669 689 $, selon l’Association canadienne de l’immobilier, ce qui représentait une augmentation de 70 % par rapport à celui de 392 647 $ observé dix ans plus tôt, et une augmentation de 216 % par rapport à celui de 211 893 $ de septembre 2003.

Cette « explosion » des prix de l’immobilier a entraîné d’importantes inégalités de richesse au fil du temps, a souligné M. Macdonald, car quiconque a la chance de mettre le pied dans la porte au bon moment a vu sa richesse croître, tandis que d’autres ont été laissés pour compte.

Il convient que les Canadiens traversent actuellement une « période d’ajustement difficile », où les budgets des ménages sont engloutis par les coûts hypothécaires, les loyers augmentent et les prix de l’immobilier devraient se modérer. Cet ajustement ne fait en réalité que commencer, a-t-il prévenu.

« Nous avons encore un long chemin à parcourir avec ces taux d’intérêt beaucoup plus élevés et cette inflation beaucoup plus forte. »

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La Presse Canadienne


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